Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.
« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.
Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.
Voici la onzième contribution :
Intervention de Gabriela Martin : Responsable du développement et du marketing, Carbon blue
Bonjour à tous et merci pour l’invitation !
Je suis Gabriela Martin et je représente Carbon Blue dans ce webinaire. Carbon Blue, ce sont des ateliers qui revalorisent le plastique en fin de vie et je pense que cela a vraiment du sens après toutes les interventions de ce matin.
À Carbon Blue, nous sommes partis d’un constat, c’est qu’il existe une ressource qui est enfouie, incinérée et rejetée dans la nature alors qu’elle pourrait conserver une certaine utilité. Cette ressource c’est le plastique qui, en fin de vie, est tout simplement négligé alors qu’on pourrait en faire quelque chose de plus intéressant. C’est là que Carbon Blue intervient, en le récupérant pour en faire une matière première utilisable pour de nombreux usages.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Nous avons créé des ateliers qui sont en réalité des micro-usines d’une taille approximative de 150m². Ces micro-usines vont revaloriser ce plastique en de nouveaux produits d’utilité et de qualité supérieure qui sont éco-conçues et qui disposent d’une empreinte carbone réduite. Comme vous pouvez le voir (diapo page 3), une tonne de produits recyclés, c’est à peu près 3 200 kilos de CO2 réduits, ce qui constitue un réel impact sur l’écologie. À l’écran (diapo page 3), vous avez quelques types de produits qui sont présentés. Le potentiel de production à base de plastique recyclé est considérable car nous pouvons réaliser en plastique tout ce qui peut être fait en bois. Il faut bien noter qu’à Carbon Blue, nous sommes vraiment experts dans le plastique n°2, ce qu’on appelle en fait le plastique à haute densité, ainsi que le polypropylène.
Quelle est notre valeur ajoutée ? Que fait-on réellement ?
Ces ateliers valorisent une ressource vraisemblablement négligée qui, rappelons-le, est destinée à la base à être jetée, incinérée et à émettre du carbone. À partir de ce plastique, nous proposons des produits éco-conçus de haute qualité qui vont nécessiter un faible entretien, ce qui vient s’ajouter aux nombreux atouts en faveur de l’utilisation de ce plastique recyclé. Il faut signaler par ailleurs, que nous produisons l’ensemble de nos produits localement, en mobilisant un savoir-faire français et artisanal. On tend à remettre au centre l’expertise manuelle et locale, ce qui est une donnée importante pour nous.
À Carbon Blue nous avons 3 missions clés :
- la première consiste à créer, nous l’avons dit, des emplois stables et locaux. Nous sommes absolument partisans du fait qu’il faut proposer des emplois viables et c’est notamment pour cela que chaque atelier peut employer jusqu’à deux à trois personnes. Par ailleurs, ces postes au sein des ateliers sont ouverts à tout un chacun, c’est-à-dire que Carbon Blue dispense des formations à toute personne motivée pour ouvrir son propre atelier sous un contrat de franchise, quelle que soit la ville ou même le pays ;
- la deuxième mission vise à offrir une vie infinie au plastique, ce qui repose sur notre innovation technologique. Cette mission tend à faire de ce que beaucoup considèrent comme un déchet, à savoir le plastique, une ressource/une matière première. C’est possible grâce au savoir-faire dont on dispose dans nos ateliers et notre méthode en plusieurs étapes. D’abord en récupérant ce plastique, puis en le broyant pour en faire une plaque via une presse et enfin en réalisant de nouveaux produits à partir de ces plaques. Ce sont des produits qui sont bien sûr durables, cela notamment car ils sont potentiellement recyclables en boucle : ils peuvent redevenir de la matière première puis une nouvelle fois des produits, etc. Ce sont des produits 100% recyclés et 100% recyclables ;
- concernant la troisième mission, il s’agit bien sûr de la réduction de l’empreinte écologique. Cette mission nous concerne bien sûr et implique en même temps notre panel de partenaires, de fournisseurs, de clients, car nous misons vraiment sur l’échelle locale afin de réduire considérablement l’empreinte carbone. Chaque produit réalisé représente une réduction de CO2, et le fait que chaque produit créé soit recyclable contribue encore à la réduction du CO2. Pour vous donner une idée, nous avons calculé que chaque atelier à la capacité de traiter à peu près 30 tonnes de plastique par an. Si l’on se réfère au chiffre que j’ai donné plus tôt cela équivaut à près de 96 tonnes de CO2 réduits par atelier.
Ces missions sont vraiment en cohérence avec celles du développement durable et de l’économie circulaire. Nous pouvons parler de la collecte du plastique en fin de vie pour laquelle nous allons travailler avec des partenaires comme des entreprises privées ou publiques, des associations mais également des particuliers comme des familles ou des écoles. Nous travaillons aussi beaucoup sur une base de formation : ce qui est très important pour nous, c’est de faire de l’école un centre de sensibilisation au recyclage pour que les enfants puissent ensuite rapporter à la maison les bonnes pratiques et faire du recyclage quelque chose de ludique. Cela peut passer, par exemple, par le fait de montrer que l’on peut réaliser de grands objets à partir d’objets qui nous sont familiers comme des bouchons de bouteilles. Et puis c’est aussi vendre ces produits en ligne ou en magasin, en tant produits réalisés en France et fabriqués de manière responsable, c’est-à-dire éco-conçus.
Pour rentrer un peu dans le détail en ce qui concerne les ateliers, nous avons deux types d’ateliers, un « nomade » et un « sédentaire ». Les ateliers sédentaires sont installés à proximité des habitations pour être au plus près des consommateurs, car il nous semble primordial de privilégier le local et les circuits courts. À ce sujet, nous réfléchissons à faire en sorte que chaque atelier puisse travailler sur un réseau maximal de 200 à 300 km, ne serait-ce que pour obtenir un déchet qui ne présente pas de coût trop important en termes de transport notamment, et ainsi de travailler à l’échelle locale.
Les ateliers fonctionnent en trois zones différentes, la première concerne celle de la matière première. Nous y récupérons le plastique en fin de vie et regardons s’il est possible de faire du surcyclage (upcycling) ou s’il doit passer directement en phase de broyage. Si le surcyclage est possible, un groupe de designers va y travailler pour recréer directement un nouveau produit. Si ce n’est pas le cas, alors il sera broyé et mis dans une presse pour en faire des plaques. A cette étape, nous passons à la deuxième zone de l’atelier. À partir de ces plaques, nous allons pouvoir réaliser des produits finis, et nous arrivons à la troisième phase. Ces produits peuvent être à peu près tout et n’importe quoi. C’est à dire aussi bien des chaises, du mobilier urbain, que du mobilier pour les animaux ou des rampes d’accès pour des personnes à mobilité réduite. L’idée c’est vraiment de développer ces ateliers partout sur le territoire français mais également dans d’autres pays, toujours de façon locale et en circuit court. Voilà pour ce qui est des ateliers sédentaires.
Concernant les ateliers nomades qui vont se déplacer de ville en ville pour répondre aux besoins locaux, cela peut être très utile dans le cas de villes où la production de déchets plastiques n’est pas régulière ou peu importante. On va pouvoir y développer ces ateliers nomades pendant 1 à 3 mois, sachant que ces derniers s’organisent de la même manière que les ateliers sédentaires, à savoir en trois zones : matière première, pressage des plaques et produits finis. Une fois que les besoins locaux ont été pris en charge, ces ateliers peuvent se déplacer sur des camions vers d’autres villes pour y appliquer le même processus. Il s’agit vraiment du même type d’atelier et donc de la même quantité de déchets, du même nombre d’employés. La seule différence repose dans le fait que nous travaillons, dans le cas des ateliers nomades, dans des containers. Précisons d’ailleurs que ces containers sont aussi de la récupération pour cette activité de Carbon Blue. Ce qui est intéressant, c’est que si l’on voit que la demande est importante et régulière, nous avons toujours la possibilité de faire évoluer ces ateliers nomades en ateliers sédentaires.
Concernant les produits, l’ensemble de ces derniers sont conçus par des designers, ils sont éco-conçus à partir de plastique provenant d’entreprises, de particuliers et d’associations et, comme je l’ai déjà dit, ils sont 100% recyclés et 100% recyclables. Ici (diapo page 9), vous avez quelques exemples de gammes de produits sur lesquels nous travaillons avec, par exemple, du mobilier pour la maison et du mobilier urbain : nous concevons de nombreux modèles de tables, de chaises, etc. Il nous arrive fréquemment d’être contactés au sujet de ce mobilier urbain, des acteurs souhaitant combler le manque de certaines infrastructures urbaines telles que des poubelles de recyclage ou des rampes d’accès pour des personnes à handicap. Le plastique recyclé est un excellent matériau car il est à la fois résistant et à usage multiple. Par exemple en espace littoral, il est très résistant au sel marin et aux intempéries et peut donc être idéal pour la production de rampes d’accès aux plages destinées aux personnes à mobilité réduite.
Voilà, merci pour votre attention ! Pour finir, je voulais juste préciser que Carbon Blue est une histoire familiale. Son fondateur, Mr Testa, travaille depuis plus de 70 ans dans le domaine du plastique recyclé, ce qui procure une forte expertise à l’entreprise dans ce domaine à valoriser.
Pierre Massis : Modérateur
Merci beaucoup Gabriela ! Est-ce que cela veut dire qu’à l’instar du verre, le plastique ou en tout cas ce type de plastique est recyclable à l’infini ?
Gabriela Martin : Responsable du développement et du marketing, Carbon blue
Oui c’est tout à fait le cas, par exemple nous avons travaillé à l’origine sur des modèles de chaises qui finalement ne nous plaisaient pas. Nous avons pu concevoir et réaliser un autre produit avec la matériau de base. L’idée c’est que les clients qui achètent des produits peuvent par la suite recycler à nouveau leur produit et disposer par conséquent d’un bon de réduction sur les autres produits.
Pierre Massis : Modérateur
Pour vous le futur c’est peut-être de développer l’entreprise vers l’Afrique de l’Ouest et vers le Maghreb ?
Gabriela Martin : Responsable du développement et du marketing, Carbon blue
En effet. Cette volonté part d’un constat, comme par exemple au Sénégal, où il y a un vrai gisement de ressources plastiques et en même temps un réel manque d’infrastructures pour les traiter. Nous réfléchissons sur la possibilité d’y développer quelque chose. Mais c’est vrai que nous sommes fréquemment contactés, comme par exemple avec la Tunisie, où des discussions sont en cours.
Pierre Massis : Modérateur
En ce qui concerne votre calendrier de développement, vous m’aviez signalé que vous étiez en pourparlers avec un grand opérateur maritime positionné à Marseille pour récupérer des containers. Ce serait à quelle échéance ?
Gabriela Martin : Responsable du développement et du marketing, Carbon blue
Nous avons un second atelier qui va ouvrir dès septembre à Marseille, nous sommes aussi en discussion pour un atelier à Cannes qui devrait ouvrir fin 2021 ou début 2022. Et en ce qui concerne les ateliers sédentaires, nous sommes encore en discussion sur les containers de même que sur les pays où se placer étant donné qu’il y a énormément de demande.
Pour prendre connaissance de la présentation PPT de G. Martin, c’est par la