Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (10/13)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (10/13)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (10/13) 1095 613 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.

« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.

Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.

Voici la dixième contribution :

Intervention de Emmanuel Pierre : Directeur général de l’incubateur d’entreprises de Corse, Inizià

Bonjour à tous, on m’a demandé de présenter l‘incubateur de Corse, ce qui s’enchaîne bien après l’OEC, puisque tout comme eux, nous sommes dépendants de la Collectivité de Corse (CdC).

Quelques mots pour commencer sur la structuration de l’incubateur. C’est un outil qui a été créé par délibération de l’Assemblée de Corse, avec différents membres fondateurs : la CCI (chambre de commerce et d’industrie), l’Université de Corse, les deux communautés d’agglomérations de l’île, celle d’Ajaccio et celle de Bastia. Nous ont rejoint depuis la communauté des communes du sud Corse et la chambre de métiers de la Corse. Les autres financeurs sont l’UE et l’État puisque nous sommes un incubateur labellisé par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Inizià est une association loi 1901, avec un conseil d’administration, une assemblée générale et nous nous appuyons sur un comité de suivi pour sélectionner les projets. C’est une petite structure qui comprend 5 personnes actuellement, avec moi-même le directeur, une responsable administrative, deux chargés d’affaires à Ajaccio et à Bastia et un alternant qui nous a rejoint tout récemment.

L’incubateur Inizià répond à 3 missions principales :

  • première mission, l’accompagnement de projets innovants, ce que l’on appelle à proprement parler l’incubation. C’est un dispositif qui nous permet d’intervenir dès la genèse d’un concept, d’un projet innovant, pour aider ses créateurs à le concrétiser et à le développer. Nous en reparlerons un peu plus tard ;
  • seconde mission, l’animation de l’innovation en Corse et le soutien à l’entrepreneuriat. Nous sommes chargés de diffuser la culture de l’innovation sur le territoire afin d’impulser l’émergence de nouveaux projets et de soutenir l’entrepreneuriat en Corse ;
  • troisième mission, la mise en réseau des compétences. Notre rôle est de soutenir le développement des start-ups mais aussi des entreprises qui innovent, et de les aider à s’internationaliser. Nous sommes les représentants notamment du réseau Enterprise Europe Network en Corse, et impliqués dans de nombreux projets transfrontaliers dans le cadre d’Interreg qui nous permet justement de donner accès à nos entreprises, à des ressources et des compétences externes.

Le schéma/mécanisme d’incubation est plutôt très simple comme vous le voyez à l’écran (diapo page 4). Nous avons une première phase de détection/sélection, où l’on va expertiser et évaluer le projet pour l’aider à arriver à maturation, en le challengeant sur sa proposition de valeur notamment. Cela pour pouvoir l’e présenter au comité de sélection et de suivi d’Inizià qui est composé d’un peu moins d’une vingtaine d’experts de tous horizons. Ce sont des experts scientifiques issus notamment de l’Université de Corse, des chefs d’entreprises, et des experts sectoriels comme des ingénieurs qui apportent leur vision et leur expérience auprès des porteurs de projets. Ces experts sectoriels peuvent proposer des expertises technologiques comme des expertises dans le domaine du financement, du prototypage ou autre. Passé ce stade, le projet entre en incubation pour une durée 18 à 24 mois. C’est le moment où on va l’aider, et l’équipe sera mobilisée pour soutenir au quotidien les projets. Certains projets bénéficient d’un hébergement, grâce aux sites dont nous disposons à Ajaccio et à Bastia, mais le plus important c’est le coaching interne et les prestations externes que l’on peut mobiliser au service du projet. On passe ici du projet à la création de l’entreprise et au développement de l’offre sur le marché : ce sont des validations techniques, un travail de redéfinition du business model, un accompagnement aux premières levées de fonds. Ensuite vient la phase de post-incubation ou phase d’accélération. Dans de nombreuses régions, il existe des incubateurs ET des accélérateurs. En Corse tout est regroupé chez Inizià, ce qui nous permet d’accompagner les start-ups à fort potentiel dans le déploiement commercial de leur offre.

Un mot sur le comité de sélection, dont je vous ai dit qu’il était composé d’experts de tous horizons, de tous domaines. Nous avons vraiment une vision croisée, qui porte sur le projet, mais il faut préciser qu’avant d’accompagner des projets, on accompagne des femmes et des hommes, et donc on travaille aussi sur la capacité des porteurs de projet à mener le produit, le bien, le service sur le marché. Ce comité de sélection s’appuie sur une grille de sélection. Sur la partie gauche (diapo page 5) du slide, vous pouvez observer les différents critères d’entrée en incubation qui sont ceux-ci :

  • le caractère innovant de la technologie ou du service ;
  • la maturité du projet, car il faut nécessairement un début de structuration ;
  • le besoin d’accompagnement. Nous avons déjà été confrontés à des projets portés par des chefs d’entreprises aguerris et qui n’avaient besoin que de financements. Nous ne sommes pas légitimes pour cela, il y a d’autres acteurs qui remplissent ce rôle en Corse ;
  • l’action doit s’implanter en Corse. Nous sommes financés par des fonds essentiellement de la CdC, donc il faut qu’on veille à ce qu’une grande partie de la valeur ajoutée reste en Corse, même si nous tendons à agir sur le marché international ;
  • nous étudions la faisabilité économique ;
  • et, enfin, les compétences de l’équipe de projet.

L’adéquation entre ces deux derniers éléments est très importante car, pour nous, il est essentiel que les compétences de l’équipe projet et la faisabilité économique soient cohérentes.

Durant cette phase d’incubation qui est essentielle pour nous, nous allons proposer un certain nombre d’outils, d’actions, qui vont permettre aux projets de se développer. En premier lieu, il faut savoir que nous intervenons un petit peu en amont à travers des ateliers collectifs notamment. A cet effet, nous avons mis en place un dispositif qui s’appelle le PASS Inizià, et qui permet de challenger les jeunes -et moins jeunes- porteurs de projets avant l’entrée en incubation. Bien évidemment c’est à partir du moment où ils sont sélectionnés que l’équipe se mobilise fortement sur leur projet à travers de l’accompagnement individuel principalement, pour les aider à définir le modèle économique, le business plan, pour mettre en place de fait un véritable coaching d’équipe. Nous allons aussi nous appuyer sur des financements de prestations externes, avec un budget qui nous permet d’aller chercher des compétences en Corse, sur le continent et même quelquefois au-delà des frontières françaises, au service des projets. Cela peut être de l’assistance juridique, des études techniques, du prototypage ou encore de la pré-industrialisation. Notre action va consister à aider les équipes projet à rechercher des partenariats techniques commerciaux, à leur apporter du conseil en propriété intellectuelle, de l’appui dans la levée de fonds, et comme je l’ai dit, une partie des équipes qui entrent en incubation peuvent être hébergées sur nos sites d’Ajaccio et de Bastia.

A noter que l’incubateur avait à l’origine été créée au sein de l’ADEC (Agence de Développement Economique de la Corse), cette Agence dépendant de la CdC au même titre que l’OEC. Depuis la création de l’incubateur, et ces chiffres mériteraient d’être mis à jour, nous sommes autour de 70 conventions d’incubation signées aujourd’hui. En sachant que pour avoir 1 projet en incubation, il faut en évaluer à peu près 3, cela fait plus de 200 projets qui ont été évalués et expertisés en amont. Nous avons contribué à la levée de 20 millions d’euros de fonds au total, même si ces montants ne sont pas répartis équitablement, et s’il est vrai que cela ne concerne pas tous les projets. Pour sa part, c’est un peu plus de 2,5 millions d’euros qui ont été investis par Inizià au total, non pas directement mais en ayant recours à des expertises externes. Nous pouvons facilement en déduire le ratio d’effet levier puisque si on le rapporte au montant total des levées de fond, pour 1€ engagé par Inizià, cette action engendre à peu près 8€ de financements privés.

Inizià est à l’origine de la création de plus de 50 entreprises, ce qui fait un taux de transformation assez intéressant au regard des chiffres classiques de création d’entreprises. Rappelons que dans le domaine de l’innovation, le « taux de défaillance » est beaucoup plus important lorsque le projet n’est pas accompagné par une structure de type incubateur, EU|BIC (Business & Innovation Centre), accélérateur ou pépinière d’entreprises. En conséquence, nous avons créé environ 180 emplois directs et, selon les ratios ministériels, ces résultats nous permettent de dire que ces actions ont engendré de 450 à 480 emplois indirects. Et puis les start-ups accompagnées par Inizià sont à l’origine de 43 brevets déposés depuis le début de ses soutiens. La répartition des projets par domaine technologique est assez large, vous voyez (diapo page 6) qu’il s’agit principalement de logiciels ou de technologie numérique mais on trouve aussi les secteurs des ENRs, de l’agroalimentaire ou des biotechnologies.

Je pense avoir terminé la présentation d’Inizià. Cependant, il me semble important d’ajouter quelques points en relation avec la thématique. Tout à l’heure, le représentant de l’Office de l’Environnement a présenté un panorama de la question des déchets en Corse, et je ne vais pas revenir dessus. La politique de gestion des déchets relève de la CdC, et donc de son établissement l’OEC, et M. Campana vous a expliqué la crise chronique de gestion des déchets avec la saturation des installations de stockage, d’enfouissement, etc. Inizià peut avoir un rôle à jouer en mettant en œuvre son ingénierie d’innovation au service de la création et du développement de start-ups et ainsi participer à l’émergence de projets innovants. Ceux-ci pourraient d’une part apporter des solutions directes comme le traitement de déchets, le recyclage, la valorisation des déchets ou bien de manière indirecte, en soutenant des projets qui valorisent l’économie circulaire ou qui ont comme objectif le zéro-déchet.

Ainsi, je pourrai vous présenter des exemples de projets. Comme vous l’avez vu, nous avons aidé beaucoup de projets dans le numérique. Je peux citer notamment Id-Tech Environnement qui est une solution issue d’un laboratoire de recherche en physico-chimie et biotechnologie de l’Université de Caen, et qui consiste à concevoir un bioréacteur en aérobie à membrane pour le traitement des effluents dans les industries de transformation du lait. Cela concerne la Normandie et cela concerne la Corse aussi et bien d’autres régions. C’est un traitement technologique qui est complété d’ultrafiltration et qui a été conçu pour les effluents organiques à forte concentration. Il y a pas mal de débouchés dans le domaine industriel et cela renvoie un peu à la présentation qui a été faite ce matin sur le territoire du pays d’Aix. Nous pouvons apporter notre pierre à l’édifice en soutenant ce genre de projets.

Nous avons également suivi un projet de carburant conçu à partir de la récupération d’huiles alimentaires usagées. Cette solution s’est heurtée à des problématiques réglementaires, mais cela vous donne une idée du type de solutions qu’Inizià peut contribuer à faire émerger. Je peux également évoquer un projet qui est une vraie success story, c’est la valorisation des déchets d’amiante via des procédés physico-chimiques qui permettent d’obtenir des co-produits qui ont des débouchés dans l’industrie. Dans la suite de cette recherche, un partenariat industriel a été signé avec le groupe Engie. Enfin, pour vous parler de projets qui contribuent différemment à des solutions visant à traiter la question des déchets de manière plus indirecte, il y a Hosane. C’est un projet qui vient de nous rejoindre en incubation : ce sont deux jeunes qui ont développé des produits d’entretien écoresponsables pour la maison, sans emballage plastique, avec des formulations extrêmement concentrées, des produits bio et des contenants biodégradables. À travers ce type de projets, l’incubateur peut apporter sa contribution à la diminution des déchets sur une île qui en a bien besoin, comme cela a été expliqué tout à l’heure par mon collègue de l’OEC.

Je vous remercie pour votre attention !

Pierre Massis : Modérateur

Merci beaucoup M. Pierre ! Au travers de vos propos, on distingue bien que la réglementation peut être à la fois un moteur mais aussi potentiellement un frein à l’innovation. On a eu tout à l’heure au cours de l’intervention de Mr Campana une phrase évoquant le lobby sur les déchets, donc on se rend bien compte que tout n’est pas simple et qu’il y a un vrai travail à mener à ce niveau-là. C’est grâce à des réflexions comme les vôtres que les travaux et les mentalités peuvent avancer, quel que soit le territoire, oasien, urbain ou insulaire.

Pour prendre connaissance de la présentation PPT de E. Pierre, c‘est par la