Retour sur le webinaire du 16 novembre dernier : « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne » (3a/8)

Retour sur le webinaire du 16 novembre dernier : « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne » (3a/8)

Retour sur le webinaire du 16 novembre dernier : « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne » (3a/8) 909 640 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous avons le plaisir de mettre en ligne le début de la troisième intervention du webinaire  » Regards croisés entre Acteurs de la ville méditerranéenne  » organisé par l’AVITEM et le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée sur la ville méditerranéenne durable – et « désirable ». En effet, cette intervention étant à la fois très riche et très consistante, il nous est apparu préférable de la scinder en deux parties afin de ne pas perdre de substance en tentant de résumer cette présentation.

Pour rappel, ce webinaire du 16 novembre a été l’exercice d’introduction à la série de webinaires qui va se tenir à partir du 1er avril prochain. Il a permis de commencer à mettre en perspective des référentiels et chartes de la ville méditerranéenne durable portés par des aménageurs méditerranéens, mais aussi par des collectivités publiques et des opérateurs professionnels.

Charles André, Responsable du Développement urbain et de l’Architecture à Euroméditerranée

Cela fait 2 ans que nous avons lancé un travail d’élaboration d’un référentiel, visant à la fabrication d’une ville méditerranéenne durable, basée sur l’histoire finalement assez longue d’Euroméditerranée

Pour rappel Euromediterranée a été créé par l’État à Marseille il y a 25 ans. Du point de vue des enjeux environnementaux et qualitatifs, l’Etablissement s’appuie, depuis son démarrage, sur des référentiels et des niveaux qualité, notamment Écocité, Éco-quartier.  Compte tenu de l’objectif intégré dans les gênes de l’Etablissement, à savoir le benchmark régulier effectué sur les différentes typologies de villes méditerranéennes, nous observons comment fabriquer cette ville qui soit durable à la fois par sa matérialité mais aussi par les usages qui y sont développés et par la désirabilité qu’elle engendre. Le fait qu’elle soit désirable rend a priori la ville beaucoup plus pérenne dans le temps et transformable à la fois. Cela lui permet également de pouvoir évoluer et d’être attirante de façon à conserver sa matérialité et lui donner plusieurs usages. Nous nous sommes appuyés et nous nous appuyons toujours, sur plusieurs labels notamment BDM (Bâtiments Durables Méditerranéens), Biodiversity, un label relatif à la biodiversité en ville.  Nous avons aussi mis en place des démarches d’innovation pour compléter l’objectif de qualité et nous cherchons comment améliorer nos deux nouvelles démarches EMUL et MED’INNOVANT, destinées à appuyer l’ensemble des participants aux projets d’Euroméditerranée sur ce territoire et à différentes échelles. Nous gardons aussi en tête le « droit à l’expérimentation » qui est un droit délivré aux établissements d’aménagement qui permet de créer de nouvelles mesures ou de nouveaux dispositifs qui iraient plus loin que la réglementation nationale.

Le territoire sur lequel intervient Euroméditerranée est délimité sur la diapositive (page 3) par le trait rouge. Comme vous pouvez le voir, c’est un petit morceau de la métropole d’Aix-Marseille qui est concerné par ces grandes orientations d’aménagement. Aujourd’hui, je vais vous parler du référentiel qui concerne l’ensemble du territoire d’Euroméditerranée, à la fois à l’échelle de l’aménagement général, mais aussi à l’échelle des constructions, du développement paysager et des espaces publics. Pour résumer, sur la base de ce capital de 25 ans, nous nous sommes dit, il y a 2 ans, qu’il fallait qu’on arrive à regrouper l’ensemble de nos objectifs, de façon à les rendre systématiques et transversaux à l’ensemble des projets d’une part, aux échelles des territoires et aux échelles des constructions et des espaces paysagers, d’autre part. En dézoomant très largement, nous nous sommes posé la question des ingrédients qui devaient être partagés pour fabriquer cette ville méditerranéenne durable et désirable. Cette réflexion nous a mené à stabiliser 6 composantes (page 4 du diapo) :

  • Une ville vers la nature 
  • Une ville à notre échelle
  • Une ville conviviale
  • Une ville stimulante
  • Une ville pratique et confortable 
  • Une ville à transmettre

Vous voyez que, dans notre cas, nous sommes sur des thématiques qui débordent très largement les sujets que l’on rencontre souvent à propos de la ville durable et qui sont généralement orientés sur les enjeux environnementaux. Nous avons essayé de dézoomer systématiquement pour placer les usages comme objectifs premiers, ces usages qui vont donner cette qualité à la ville de durer, d’évoluer dans le temps et de donner satisfaction. Puisque les espaces ruraux ne pourront pas accueillir de façon illimitée la population, il va bien falloir se rassembler, ce qui signifie qu’il faut réfléchir sur comment bien vivre en ville, comment la supporter, comment l’aimer, comment s’y sentir bien et comment la rendre attirante pour ses habitants. L’ensemble de ces questions fonde des principes essentiels pour fabriquer cette ville « désirable ». Donc vous le voyez (page 4 en diapo), nous avons ces 6 valeurs centrales citées précédemment, qui sont déclinées en principes, tels des zooms thématiques.

Une ville vers la nature

L’idée est de retrouver l’équilibre entre ville et nature avec une balance qui penche clairement en faveur de la ville depuis les années 60 et, plus précisément de la voiture. Il s’agit donc de retrouver l’équilibre entre nature et humain. De plus, à Marseille les éléments naturels sont des critères essentiels de l’identité du lieu : le vent, la lumière, l’eau. Il s’agit de réintroduire ce questionnement systématique dans tout ce que l’on construit, dans tout ce que l’on élabore, à l’échelle du plan de ville et à l’échelle des constructions pour que ces éléments naturels fassent évoluer la manière de réfléchir. Sur cette diapositive (page 5 du diapo) vous avez quelques illustrations de cette démarche, avec le Mucem par exemple où l’on voit comment la lumière peut être captée et réinterprétée. Pour sa part, l’immeuble la Marseillaise, bâtiment de grande hauteur, réinterprète le « mur-rideau » de façon méditerranéenne, en y ajoutant des épaisseurs multiples en horizontal et en vertical qui vont venir briser le soleil, tout en permettant d’ouvrir le bâtiment vers l’extérieur. La nature c’est aussi le paysage, et encore plus à Marseille puisque l’on bénéficie d’îles, de collines calcaires : chaque projet doit donc s’engager à mettre en valeur ce paysage. C’est également le végétal, qui doit jouer un rôle de facilitateur social, économique, un rôle de voisinage aussi, dans les cœurs d’îlots comme sur les toitures, ainsi qu’en installant des jardins et des espaces partagés sur le domaine public. Enfin la nature induit également du risque, ce qui peut se traduire à Marseille par le risque d’inondation notamment. Le territoire d’Euroméditerranée y est extrêmement sensible et il est évident que cela modifie la manière d’envisager le projet urbain en même temps que cela enrichit la complétude du projet à toutes les échelles.

Une ville à notre échelle

C’est cette ville qui retrouve l’échelle de l’homme, laquelle a été perdue pendant les années 60 à cause du règne sans partage de la voiture, nous l’avons dit. Passer de la ville du 50 km/h à la ville du 5 km/h cela a un impact fort sur la matérialité de cette ville et notamment sur sa maille urbaine, laquelle doit redonner un intérêt à la marche. On doit se demander comment on ponctue la maille urbaine pour que la marche soit agréable, enrichissante. Bien sûr cela a un impact sur l’architecture des bâtiments. A 50 km/h il y a peu de choses à voir à cette allure, l’œil accroche peu de choses, tandis qu’à 5 km/h nous avons besoin de beaucoup plus de stimulations et l’architecture doit assumer ce rôle. Une ville à notre échelle, c’est aussi un espace qui compose un paysage équilibré, ce qui revient à redonner une dimension humaine à l’échelle verticale et à réfléchir à comment qualifier chaque strate de bâtiment pour qu’elle contribue à faire partie et à être en interaction avec le paysage immédiat. Il s’agit aussi de faire prospérer l’identité d’agglomérations de villages, puisque Marseille c’est à l’origine 110 villages et il convient d’assumer totalement cette histoire dans le projet urbain, notamment en constituant des cœurs de villages qui pourraient offrir des services différents. Cette diversité forme un immense puzzle, mais surtout ces « cœurs de village » doivent donner leur place à chacun en prenant en compte l’âge des populations, les mobilités, etc, dans la conception des projets. Ce sont des notions très génériques mais qui, une fois systématisées dans la réflexion, deviennent essentielles.

Une ville conviviale

C’est une ville qui doit permettre la convivialité, ce qui passe d’abord par le choix de vivre ensemble. Ce choix réside d’abord dans la création de lieux d’intimité qui permettent, au sein de la ville, d’aller vers l’autre. Cela nécessite de se poser la question de l’échelle de la personne qui doit pouvoir choisir d’aller vers l’autre, donc de disposer d’un espace approprié pour faciliter ce contact. Puis, se développent des lieux de convivialité non seulement dans l’espace public mais aussi dans tous les bâtiments à travers des circulations généreuses qui s’installent dans les espaces collectifs. Cette ville doit valoriser la mixité comme une richesse et nous savons que Marseille est une ville extrêmement mixte, ce qui est en fait le cas de la plupart des villes portuaires du pourtour méditerranéen. Il faut utiliser systématiquement la mixité existante et la mixité composée pour fabriquer de la richesse, y compris au sein de nouveaux îlots à composer. C’est-à-dire que l’on va superposer et accoler des fonctions différentes de façon à aider les gens à se croiser et à fabriquer une ville riche d’échanges. Cela repose aussi sur le fait de valoriser la vie à l’extérieur, en imaginant comment démultiplier les usages de l’extérieur. À la fois sur l’aspect privatif, des extérieurs dans tous les logements, sur les toitures, dans les cœurs d’îlots, et ainsi profiter de cet espace qui nous est donné pour un usage de 250 jours/an au moins. Et puis également développer ces usages collectifs sur l’extérieur, sur les toitures comme cela se fait aux Terrasses du port. Il est enfin essentiel de rendre les services accessibles à tous pour que la ville reste conviviale. Il faut voir comment la ville peut rendre des services systématiques, ceux qui ont souvent été oubliés par la privatisation des espaces publics notamment.

Une ville stimulante

C’est une ville qui vient justifier notre présence et qui crée une attraction. Cette conviction s’appuie fortement sur l’héritage et sa conservation, en fabriquant aussi « la ville sur la ville », en transformant, en réhabilitant d’anciens bâtiments pour qu’ils viennent intégrer de nouvelles fonctions. C’est également une ville qui sait évoluer et créer des opportunités : il s’agit par exemple de voir comment les espaces peuvent avoir plusieurs vies dans une même journée, mais aussi sur des temps plus longs. Il s’agit en fait de voir comment composer des espaces et les planifier de façon à ce qu’ils soient flexibles car il ne faut pas décider et ancrer toutes les fonctions des espaces de la ville : il faut que ce soit essentiellement des opportunités qui viennent se positionner sur cette flexibilité. C’est cela qui permettra à la ville de perdurer telle qu’elle est et que les investissements qui sont fait aujourd’hui le soient sur le long terme. Il est vraiment essentiel de prendre en compte cette échelle d’évolutivité à l’ensemble des dimensions du projet urbain. Pour être stimulante, elle doit aussi être surprenante, belle et séduisante car bien évidement c’est aujourd’hui que l’on met en valeur ou que l’on crée le patrimoine de demain, et c’est cela qui lui donne un attrait majeur. La ville doit aussi être connectée au monde, attractive et dynamique, ce qui constitue l’essence même du projet d’Euroméditerranée qui était, en son point de départ, un projet de stimulation économique du territoire. Bien entendu on continue à développer cette logique pour que Marseille soit une des villes clés du pourtour méditerranéen et du sud de la France.

Une ville pratique et confortable

Vivre en ville doit nous permettre de nous simplifier la vie. C’est un reproche souvent fait à la ville de dire qu’elle est trop compliquée alors qu’elle peut, si elle est bien organisée, au contraire être simple. Il s’agit de mettre en place des dispositifs simples, que les espaces soient composées de façon simple, pour permettre d’en faciliter l’usage et de redonner du temps aux gens. Ce dernier point est une grande caractéristique identitaire des villes méditerranéennes, c’est-à-dire cette possibilité de nonchalance qui peut être permise dans certains lieux et qui doit être accompagnée par de l’efficacité pour gagner du temps grâce à sa simplicité d’usage. La ville doit aussi être saine et entretenue, et en parallèle procurer sécurité et bien-être. Ces éléments-là doivent être intrinsèquement liés dans chaque réflexion. Cependant, nous ne souhaitons pas que des caméras ou des dispositifs supplémentaires soient mis en place. Les espaces, les constructions doivent être pensés de façon à incorporer des dispositifs de sécurité. Pour intégrer cette problématique il faut s‘appuyer sur différents mécanismes tels que la composition de l’espace, sa couleur, les revêtements qui sont installés pour procurer du bien-être.

Une ville à transmettre

C’est une ville qui doit être pérenne et frugale, l’idée étant bien sûr de fabriquer une ville dont la matière elle-même résiste au temps et revient à des dispositifs assez simples qui ont été mis en place depuis des siècles puis oubliés, comme les canaux d’irrigation par exemple. Pour cela il faut aussi voir comment les structures et les matières peuvent rendre plusieurs services en simultané. La ville se doit aussi d’être locale et circulaire, c’est-à-dire savoir réutiliser sa matière pour construire cette « ville sur la ville », à partir de l’existant et du disponible, et non pas aller chercher cette matière beaucoup plus loin. Cela parce que la ville doit aussi être mutualisée et optimisée du fait que l’on n’a pas assez de place. Il faut se questionner sur la manière d’utiliser au maximum l’espace dont nous disposons en ville dense, en démultipliant les toitures terrasses, en leur donnant plusieurs usages, et en donnant plusieurs usages aux bâtiments aussi, entre le jour et la nuit par exemple. Cette ville se doit aussi d’être respectée et préservée en sensibilisant et en impliquant la population dans la durabilité de la ville.

La référence au diaporama de Charles André est annoncée en plusieurs passages de ce texte. Pour le retrouver en intégralité, c’est par ici