Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (5/12)

Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (5/12)

Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (5/12) 1177 884 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Après la partie dédiée aux expertises méditerranéennes, nous abordons aujourd’hui la vision que procure l’expérience territoriale. En effet, à travers trois types de territoires (saharien, urbain et insulaire), il apparait que les solutions sont différentes mais concourent toutes à une approche pragmatique et constructive de la résilience urbaine face aux contraintes de l’environnement de ces territoires.

Nous entamons les présentations de la deuxième session d’interventions du second webinaire, qui s’est tenu le 29 avril dernier autour de la ressource énergétique en Méditerranée.

Pour mémoire, le webinaire du 29 avril est le second d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets et, parmi les solutions, notamment celles qui feront l’objet du quatrième webinaire (le 1er juillet), celles qui ont principalement recours à la basse technologie. 

Intervention de Mustapha Tellaï, Secrétaire général de la fondation Amidoul, Ksar Tafilelt

Bonjour à tous. Tout d’abord je tiens à remercier toute l’équipe de AVITEM pour l’excellent travail accompli. Mon intervention se focalisera sur ce que se fait au ksar Tafilelt Tajdit en ce qui concerne l’aspect énergétique.

Je vous propose, pour commencer un petit rappel sur Tafilelt Tajdit : c’est un ksar qui se situe dans la région du M’Zab, à 600 kilomètres d’Alger. Le M’Zab, auquel il appartient est une région qui dispose d’une architecture très particulière et qui est classée au patrimoine mondial. Cette architecture vernaculaire est très adaptée au climat saharien et aux contraintes locales. Les ksour traditionnels du Mzab existent depuis à peu près 1000 ans.

Tafilelt Tajdit est un ksar nouveau qui a environ 25 ans. Lors de sa conception, nous avons essayé de nous inspirer au maximum des pratiques ancestrales, avec quelques résultats conséquents. Je vais vous en exposer les résultats concernant les ressources énergétiques.

À l’écran (diapo page 2), vous pouvez voir une photo aérienne de Tafilelt et en dessous une photo aérienne de Beni Isguen. À côté, se trouve une image des ruelles de Tafilelt et une autre des ruelles de Beni Isguen. Malgré la ressemblance entre les deux ksars, Tafilelt inclut le développement et le confort exigé par la vie moderne.

Le premier point que je vais aborder concerne l’utilisation des matériaux locaux. Pour la construction de la plupart des bâtiments de Tafilelt, on a utilisé les dérivés de la pierre calcaire qu’on trouve dans la vallée du M’Zab. La superstructure de la maison est en pierre, les planchers sont en plâtre et le crépissage de façade en mortier de chaux. La première constatation que nous pouvons établir consiste à remarquer que la production de la maison, élaborée à partir de matériaux locaux, est très économe en termes d’énergie. Le deuxième point est que ces matériaux ont des propriétés d’isolation thermique, ce qui se ressent réellement en termes de confort à l’intérieur de la maison. Dans le Sahara, nous devons faire face à la fois à des pics de chaleur en été, alors qu’en hiver, pendant 2 à 3 mois, il y a de très basses températures, ce qui fait de l’isolation de la maison une donnée très importante.

Parmi les pratiques ancestrales que nous avons essayé de reprendre, se trouve par exemple la ventilation de la maison par le plafond. Elle crée un appel d’air avec la porte qui favorise la circulation de l’air. Les fenêtres sont très petites ou protégées par un système de moucharabieh, ce qui fait que la chaleur extérieure ne rentre pas dans la maison et y favorise un réel bien-être. Nous avons aussi un autre dispositif très important, il s’agit de la terrasse d’été qui, comme son nom l’indique, est principalement utilisée les nuits d’été. Ainsi quand la bâtisse est chaude, les gens montent en terrasse pour passer la nuit à la belle étoile, là où il fait plus frais.

La conception du ksar a été structurée sur la base d’un tissu urbain compact : il comporte des ruelles étroites qui s’entrecoupent et qui permettent d’atténuer les vents dominants afin d’avoir toujours de l’ombre dans les ruelles. Cela favorise le développement d’un microclimat au sein du ksar. Tous ces éléments vont contribuer à avoir des maisons à très faible consommation énergétique.

Comme il a été dit, nous nous sommes inspirés des pratiques anciennes, mais en parallèle nous avons essayé de promouvoir et d’introduire des nouvelles technologies comme le photovoltaïque. Dans ce cadre, il y a une maison témoin qui est totalement équipée et alimentée en énergie solaire, ce qui permet de démontrer que cette énergie est économique, fiable et confortable. Sur le plan collectif, nous avons aussi développé l’éco-parc du ksar Tafilelt, qui en plus d’être un espace éducatif, est un espace de promotion de l’environnement. Ce parc comporte une petite station solaire qui nous permet de faire la promotion de l’énergie solaire auprès des écoliers et des visiteurs. Cette démarche est surtout conçue à destination de la jeunesse afin de sensibiliser la population de demain à l’importance des sources d’énergie renouvelable. Cela est particulièrement important en Algérie, car on note une méfiance des habitants quant à l’efficacité de l’énergie solaire et des doutes quant à la possibilité que celle-ci apporte le même confort que l’énergie classique.

Je termine cette présentation en vous parlant de l’éclairage public du ksar qui fonctionne avec des lampes LED, qui consomment beaucoup moins d’énergie. Par endroits, nous avons également installé des dispositifs de lampadaires solaires, toujours dans l’idée d’arriver à l’autonomie énergétique.

Pierre Massis : Modérateur

Merci Mr Tellaï. J’ai une première question concernant la climatisation. Est ce qu’il y a la climatisation sur place ? Et si oui est-ce que vous l’utilisez beaucoup ?

Puis, une deuxième question concernant le rôle fondamental de la formation. Nous l’avons vu lors du webinaire précédent, sur la maîtrise et la gestion de l’eau au niveau du ksar Tafilelt. Est-ce que la formation et l’éducation ont un rôle important concernant l’énergie ?

Mustapha Tellaï : Secrétaire général de la fondation Amidoul, Ksar Tafilelt

Nous utilisons parfois la climatisation en effet, mais le fait que la maison soit bien isolée fait qu’il y a une circulation de l’air optimisée, ce qui permet d’utiliser la climatisation uniquement 4 heures par jour au moment du pic de chaleur au lieu de 24 heures sur 24 comme dans certains immeubles modernes.

Pour l’énergie solaire qui reste un domaine plus technique, il est plus compliqué de mettre en place une formation pour le grand public actuellement. Il y a surtout une activité de sensibilisation afin que les gens prennent conscience de l’utilité de l’énergie solaire et surtout de son efficacité puisqu’il y a beaucoup de gens qui considèrent à tort que l’énergie solaire ne donne pas le confort de l’énergie classique. La maison témoin a été essentiellement créée pour les autorités et les décideurs. En fait, nous essayons de promouvoir l’énergie solaire au niveau politique et peut être de créer, par cette dynamique, des maisons indépendantes en énergie. J’ai pu constater très récemment qu’en Tunisie cette pratique est assez courante.

Donia Marzougui : Responsable pôle Maghreb à l’INES (Institut National de l’Énergie Solaire)

Je souhaite commenter une réponse de Mr. Tellaï concernant la formation du citoyen et du grand public. Je trouve que l’idée est très intéressante, et il me semble qu’il est important de former les citoyens sur ces installations solaires, qu’elles soient thermiques ou photovoltaïques dans la mesure où nous les incitons à prendre l’ensemble de ces installations en main, à faire de l’opérationnel, mais surtout de la maintenance sur ces installations. Ce propos est issu de la conclusion que nous avons retenue lors d’un projet que nous appuyé en Tunisie. Nous avions créé un petit questionnaire pour le client final, c’est à dire l’utilisateur de cette installation, et nous nous sommes rendus compte qu’une fois que le client disposait de son installation sur son toit, il cessait de s’en occuper. Je trouve ça un peu dommage et je pense qu’il faut former le citoyen sur ces installations pour leur enseigner comment en prendre soin, comment la nettoyer, comment la surveiller et comment remédier aux petits problèmes courants.

Mustapha Tellaï : Secrétaire général de la fondation Amidoul, Ksar Tafilelt

Oui Je suis d’accord avec vous, on peut imaginer que ces modes de fourniture d’énergie vont se généraliser sur les maisons, et il est tout à fait naturel de prévoir une formation individuelle pour l’utilisateur afin de lui transmettre les informations nécessaires à l’entretien et à l’exploitation du panneau solaire. Donc bien sûr une formation technique est nécessaire, vous avez raison, Mme Marzougui.

Noureddine Zemmouri : Vice-Recteur Chargé de la post graduation et de la recherche, université́ de Biskra

Bonjour à tous, c’est un grand plaisir pour moi de participer à ce webinaire. Ce webinaire est important pour nous parce que cela va nous permettre de faire une mise au point sur les stratégies à adopter en ce qui concerne l’énergie solaire. Je suis vraiment intéressé par le projet du ksar Tafilelt et j’ai une petite question. Si nous parlons de cette technologie, en tant qu’architectes, nous sommes actuellement en train de chercher la manière idéale pour intégrer les panneaux photovoltaïques à l’architecture même d’un projet. Il ne s’agit plus de mettre en place le projet puis de rajouter le panneau solaire, pour nous le fond de cette question c’est de revoir la manière de concevoir le bâtiment et il est certain que l’architecture vernaculaire a beaucoup à donner dans ce sens-là… Je pense qu’il faut aujourd’hui trouver un moyen pour parvenir à connecter ces nouvelles technologies avec ces savoirs anciens. Ce n’était pas vraiment une question mais plutôt un commentaire en fait.

Pierre Massis : Modérateur

Merci Professeur Zemmouri. C’est justement l’objectif que nous avons mis en place à l’AVITEM avec nos partenaires du ksar Tafilelt ainsi que les autres partenaires qui nous font le plaisir de participer à cette série de webinaires. Il s’agit en fait d’arriver à concilier les savoir-faire traditionnels avec cette modernité qui arrive, en sachant que le contenu en technologie ne doit pas être trop important, parce que c’est cher, parce que c’est compliqué, parce que les ressources doivent en priorité rester locales et puis parce qu’il y a tout ce processus de formation qui va entrer en ligne de compte. Ce sujet sera abordé fin juin lors du dernier webinaire qui traitera justement du sujet de la low-tech.

Mustapha Tellaï : Secrétaire général de la fondation Amidoul, Ksar Tafilelt

Je voulais juste ajouter une petite réflexion. Le Professeur Zemmouri a précisé qu’il était très important de mettre en avant la technologie. Je suis entièrement d’accord mais je pense qu’il faut l’utiliser là où c’est vraiment nécessaire. Quelquefois les pratiques ancestrales couvrent assez bien le besoin des populations et il n’est pas nécessaire de mettre en place d’un nouveau procédé haute technologie mais plus compliqué en termes d’usage par la population et c’est aussi cela le concept du low-tech.

Pour prendre connaissance du support de présentation de M. Tellaï, c’est par la