Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.
« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.
Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.
Voici la seconde contribution :
Intervention de Véronique Arfi-Benayoun, responsable de la transition écologique à la mairie de Miramas
Bonjour à tous, je suis heureuse d’offrir le premier témoignage de ce webinaire. Je suis Véronique Arfi, responsable de la transition écologique à la mairie de Miramas. Je suis arrivée il y a 6 ans à la ville de Miramas pour mettre en place un programme zéro déchet, zéro gaspillage. C’est de cela que je viens vous parler, ce qui va d’ailleurs faire totalement écho à ce qu’a dit Mr Meunier en introduction. Certes il faut savoir valoriser les déchets, mais ce qui compte aussi, c’est de se demander comment tout simplement en produire moins et surtout comment créer de l’économie circulaire, comme nous avons souhaité le faire à Miramas en instituant un cycle réel d’économie circulaire. Nous avons en fait commencé par expliquer que promouvoir l’économie circulaire consiste avant tout à rétablir les liens entre les acteurs : nous essayons de construire un territoire mobilisateur en permettant aux acteurs de se retrouver et de mieux se connaître. L’objectif est de favoriser l’émergence d’idées partagées pour limiter le gaspillage, valoriser les déchets, considérer la ressource et, enfin, être source d’attractivité.
Je vais vous exposer la stratégie que la ville de Miramas a mis en place en tant que territoire zéro déchet, zéro gaspillage, sachant que nous avons été labellisés dans ce domaine comme ville pilote fin 2014. Nous avons lancé le programme en 2015 et, jusqu’à aujourd’hui, nous avons été LE territoire à mobiliser parce que nous croyons que l’échelle communale est la bonne pour s’adresser à l’ensemble des acteurs. Cette échelle est bien mieux identifiée par les administrés, par les habitants, nous permet de travailler directement l’exemplarité et de mettre en place une gouvernance participative de façon à faire travailler tout le monde ensemble. Nous avons aussi développé une communication incitative sur le zéro déchet et nous avons essayé de transformer tous nos événements pour que la ville puisse se mobiliser sur ces questions de façon récurrente.
Avant toute chose, voici quelques mots sur notre ville. Miramas est une commune située à l’ouest des Bouches-du-Rhône, au nord de l’étang de Berre. Elle dispose d’un territoire de 26 km² dont les deux tiers sont des espaces agricoles ou naturels et elle accueille 26 000 habitants. Ce qui implique qu’un tiers seulement du territoire est urbanisé. C’est ce territoire urbanisé que nous essayons de transformer depuis une dizaine d’années sur la base des enjeux du développement durable, fondé sur l’Agenda 21 et, en amont, avec cette labellisation « Territoire zéro déchets, zéro gaspillage ».
Sur le terrain, pour pouvoir être visible et compréhensible par tous, il faut pouvoir agir concrètement. Nous avons ainsi rapidement développé des actions permettant de mettre du foncier à disposition des familles pour créer des jardins familiaux. Nous avons distribué des composteurs, alors même que la ville n’en avait pas la compétence, ce qui était cependant justifié puisque le territoire est plutôt composé d’habitations individuelles. Depuis 2015, nous travaillons aussi à des engagements de familles zéro déchet, zéro gaspillage, nous sensibilisons les écoles et nous réalisons des actions de propreté avec les quartiers, les conseils de quartier, les centres sociaux et les associations. J’ai d’ailleurs le plaisir de vous annoncer que nous sommes actuellement en plein mois de la Nature en fête et, depuis 3 semaines, nous avons enchaîné les thématiques, passant de la nature en ville au réemploi et à la valorisation des ressources. La thématique de cette semaine est la propreté, celle de la semaine prochaine sera l’alimentation durable. Ces quelques mots pour illustrer le contexte et les sujets sur lesquels nous essayons d’être présents et de mobiliser l’ensemble de nos acteurs pour leur permettre, à leur tour, de valoriser leurs propres actions.
Ce qu’il faut retenir finalement, c’est que la ville joue un rôle majeur dans l’animation du réseau d’acteurs, car cette implication des populations nous semble essentielle en ce qu’elle permet de valoriser les bonnes actions et d’aller vers un idéal zéro déchet. Pour cela, il est nécessaire de ne pas s’attacher à ce qui ne va pas, mais plutôt se concentrer sur ce qui laisse entrevoir que cet idéal est accessible. C’est pour cela que l’animation comme la taille des territoires sont des données essentielles.
A cet égard, pour pouvoir reproduire les actions positives, il convient de travailler sur des territoires pas trop grands, avec une population de l’ordre de 40 000 personnes au maximum. Sur ces territoires il faut pouvoir agir aussi bien au niveau des citoyens, des commerçants, des entreprises et des associations, ce qui signifie qu’il faut bien connaître sa cartographie d’acteurs. En tant que ville moyenne, le travail visant à mener à bien cette cartographie a été facilité, ce qui nous a aussi permis de tout mener de front de façon à construire un discours cohérent. Si les commerçants se sont engagés dans cette démarche zéro déchet, nous voyons également des familles formées à cette démarche et qui savent que leur comportement d’achat est important pour réduire à la source les pollutions et donc le volume des déchets. Toutes ces actions sont très importantes à mener de manière concomitante et cela bien entendu sans oublier la partie pédagogique ni le travail qui doit être fait dans les écoles, les collèges, les lycées voire les universités quand il y en a.
C’est ainsi que nous avons procédé : tout identifier puis mener de front tous nos programmes. Défis des familles, défis des commerçants avec en parallèle, labellisations des commerçants engagés et programmes de marchés forains écoresponsables. Concernant les entreprises, priorité a été donnée à la sensibilisation, aux accompagnements et aux mutualisations. Il y a deux jours, nous étions au village des marques de Miramas, le village Arthur Glen, grand village commercial qui regroupe plus d’une centaine de boutiques. Présentation a été faite de ses modalités de gestion des déchets et de ses ambassadeurs verts auprès des commerçants avec, comme objectif, que toutes ces démarches puissent être mutualisées aux zones d’activités à proximité et puissent faire travailler nos acteurs de l’ESS. Tous ces enjeux sont extrêmement prégnants et il est important de bien identifier les parties prenantes d’un territoire pour les faire travailler ensemble de façon concomitante.
Voilà cela donne ce slogan, (diapo page 5), « Tous Engagés ! ». Avec maintenant 5 à 6 ans de recul sur notre plan d’action, nous avons réussi à donner une résonnance à l’ensemble des actions engagées. Par exemple concernant le défi des familles, certaines ont réussi à réduire leurs déchets parfois jusqu’à 80% simplement en mettant en place le bon tri. Certaines vont même encore plus loin en aliénant totalement les déchets à la source, en réduisant les emballages, en favorisant le vrac, etc. Tout cela a ouvert la voie à de nouveaux commerces qui se sont installés en centre-ville. Dans cette dynamique, nous avons reçu un label « éco-science-commerce engagé ». Nous sommes allés encore plus loin en proposant des aides de la ville visant à permettre à des commerces de s’y installer, sous la condition qu’ils entrent dans ces démarches de réduction à la source, de sensibilisation des clients, de production de circuits courts, de choix de producteurs locaux, etc. Vous pourrez remarquer (diapo page 5) que nous voulons toucher toutes les cibles, comme les esthéticiennes par exemple.
Cet engagement se matérialise à travers différents labels, ce qui permet de toucher le plus de cibles possibles et aux habitants de se rendre compte de ce qui leur est offert sur leur territoire. Aux engagements primés par des experts extérieurs vient s’ajouter la fierté des habitants conscients que leur ville bouge et que leur territoire devient attractif. Cette approche est très nouvelle et offre une nouvelle image qui apporte la légitimité, la valorisation, la reconnaissance et l’envie de faire partie des défis.
Ce sur quoi je souhaite insister, c’est que cette démarche n’est pas une simple offensive de communication. C’est une démarche de long terme, qui nous permet d’avoir des actions prolongées, des prises de paroles régulières auprès de nos différents acteurs, sur nos différentes actions. C’est ce qui fait notre plan de communication et non l’inverse, et ce n‘est pas du greenwashing ! Il ne s’agit pas de faire quelques actions positives et de communiquer, mais bien de valoriser la répétition des actions tout au long d’une démarche longue qui nous permet d’accompagner nos différents acteurs, de recréer les liens entre acteurs et ainsi de valoriser les boucles d’économie circulaire. Toutefois, la communication reste nécessaire surtout quand les projets s’étirent sur le long terme.
Nous travaillons actuellement sur un projet de création de plateforme de biodéchets alimentaires, de déchets verts et sur ce sujet, les procédures concernant le foncier sont très longues. De fait, si nous ne nous ne maintenons pas une information régulière sur ce projets, nos administrés pourraient avoir l’impression qu’il n’avance pas. Il est essentiel que cette écologie se pratique au quotidien, sans oublier que la communication constitue la caisse de résonance des actions. Tenir la population informée sur les avancements, les difficultés ou les réussites est réellement crucial pour garder l’adhésion de tous et développer une culture autour de cet idéal de zéro déchet, de réduction à la source, d’effort de longue haleine, d’anticipation et de mutualisation d’acteurs.
Nous organisons donc de nombreux événements comme vous le pouvez voir à travers cette sélection d’affiches (diapo page 8). Globalement, on peut dire qu’à peu près tous les trimestres, il y a des événements spécifiques qui sont organisés et pilotés par la ville. Ils font l’objet d’informations sur les réseaux sociaux, sur nos magazines ainsi qu’à l’extérieur de notre ville. L’important c’est qu’en faisant cela, nous travaillons par effet d’entraînement : la ville a remporté des labels, la ville s’engage, et cela invite nos citoyens à faire de même, à changer leurs comportements. Pour cela, nous les aidons de plusieurs façons : parce que nous allons parler d’eux, mais aussi parce que nous faisons du pilotage de projet, ce qui signifie que, quand il faut aller chercher des financements, nous savons où aller et nous savons comment budgétiser ces moyens. Nous avons créé un fond dédié aux initiatives écologiques qui est réservé à nos associations locales. De cette manière, toute association peut porter une action zéro-déchet de création, d’achat ou de réemploi ou un événement, peut solliciter des aides auprès de la ville. Ce sont des engagements très importants et dès lors qu’il y a cet effet d’entraînement, nous sommes là pour valoriser le travail accompli. Notre territoire est avant tout constitué d’acteurs, et il n’y a pas une seule fois dans nos événements où l’on ne parle pas de nos citoyens, ni de ce qu’ils font au quotidien. Notre rôle consiste à donner un écho à ces actions.
Nous travaillons également beaucoup à partir de supports vidéo, qui sont en fait d’excellents médias pour faire connaître les initiatives. Nous les diffusons ensuite sur les réseaux sociaux, ce qui génère beaucoup d’images et de son. Bien entendu, nous utilisons également la presse écrite, la radio et la télé où nous mettons les lauréats à l’honneur. L’enjeu consiste à faire connaître et à construire des moments et des espaces où les gens se rencontrent et peuvent discuter ensemble. A cet égard, nous soutenons les initiatives d’intelligence collective en créant régulièrement des forums ouverts et des world cafés pour l’ensemble de nos acteurs. Dernièrement, nous avons ainsi organisé des world cafés dans les écoles, et avons informé plus de 600 écoliers au retour de la nature en ville dans leurs cours d’école.
Au titre des outils permettant de mettre en valeur les acteurs locaux et les solutions locales, nous avons mis en place un chatbot sur notre site internet. Avec cet outil, notre souhait est de demeurer au niveau local avant tout parce c’est à cette échelle que se traite la question des déchets. Le chatbot a été imaginé pour être interactif : l’usager indique la nature de son déchet et l’outil lui adresse une géographie des containers et des déchèteries, lui rappelle les horaires d’ouverture et va même informer qu’il y a, par exemple, un acteur local qui récupère le carton et qui fabrique du mobilier avec ces matériaux devenus « inutiles ».
Pour prolonger la mobilisation, nous estimons que l’exemplarité est très importante et que les services municipaux doivent en être porteurs. Nous avons donc engagé des actions de sensibilisation auprès de nos agents sur l’ensemble de nos services. Ce travail en transversalité, en anticipation, cette diffusion des pratiques se conjugue dans le cadre de l’animation du territoire entre nos agents, nos acteurs et nos administrés. Ainsi, dans « nos » éco-événements, ce sont les actions de ces acteurs que nous voulons valoriser afin de faciliter la prise de contact et la dynamique vertueuse d’échanges et d’intelligence collective. L’objectif consiste à associer pour fédérer, à travailler ensemble, à rétablir et/ou entretenir le lien.
Concernant l’exemplarité, nous réfléchissons à des changements de pratique qui, portent, par exemple, sur nos modalités de marchés publics. Nous continuons à y intégrer les clauses de responsabilité sociétale et environnementale, mais allons plus loin pour favoriser les bons choix d’acteurs impliqués dans les circuits courts, le tri, l’alimentation durable et le recyclage. Sur ce dernier point, le recyclage, nous commençons peu à peu à esquisser une expertise, notamment grâce à certains de nos agents qui ont développé des savoir-faire spécifiques leur permettant, par exemple, de créer du mobilier décoratif et de la signalétique, afin d’améliorer les modalités d’accueil de notre public.
Toujours dans le cas du recyclage, nous récupérons les banderoles événementielles plutôt que de les jeter pour en refaire de nouvelles l’année suivante (diapo page 17). Nous ne fabriquons plus que des banderoles génériques sur lesquelles on change simplement les dates. Cependant, cet effort implique d’avoir au moins un employé dédié à ce stockage de matériel.
Nous avons conséquemment réduit tout ce qui était jetable, comme le papier, et sommes particulièrement engagés pour lutter contre le gaspillage alimentaire et sur l’alimentation durable avec des circuits courts bien identifiés et des commerces qui participent. Ces initiatives impliquent la création de postes, tandis que nous recensons chaque jour en parallèle un peu plus d’initiatives citoyennes.
Enfin, nous travaillons aussi sur la partie BTP qui concerne le réaménagement autour de la ville. Nous sommes attentifs aux engagements des maîtres d’ouvrages comme à ceux des entreprises qui sont invitées à travailler sur la base du réemploi des déblais et sur l’utilisation de matériaux identifiés.
En conclusion, et sans s’autoféliciter, je pourrais ajouter que nous sommes extrêmement satisfaits des actions entreprises à Miramas, même si nous sommes tout à fait conscients que la route est encore longue.
Pour prendre connaissance de la présentation PPT de Madame Arfi, c’est par ici