Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (3/13)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (3/13)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (3/13) 1270 713 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.

« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.

Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.

Voici la troisième contribution :

Intervention de Patrice Auzet : Responsable du Groupe de Travail Société Civile, Conseil Consultatif sur les déchets du pays d’Aix

Bonjour, mon intervention rentre dans le cadre de ce que nous faisons au Conseil consultatif du pays d’Aix, Conseil essentiellement constitué de citoyens créé pour proposer des idées, des comparaisons de ce qui fait en Europe. Personnellement, je m’appuie sur mon expertise déchets industrielle pour essayer d’organiser, avec la municipalité, un projet d’exemplarité et d’excellence en traitement des déchets sur le territoire du pays d’Aix-en-Provence.

Mon propos introductif consiste à dire que nos déchets sont une ressource. Aujourd’hui, nous, les citoyens, considérons les déchets comme quelque chose dont on doit se débarrasser et qui n’a pas de valeur. Depuis des années, on place les décharges loin des centres urbains, on essaie de les cacher en rendant les poubelles les moins visibles possibles. Or, quand on fait une analyse économique de nos déchets, on voit que tous ces déchets produits sont une réelle ressource qui pourrait être revalorisée par le recyclage.

Avant de regarder ce qu’est un déchet, il est très important de connaître la composition de nos déchets. J’ai vu dans une présentation précédente que, dans le sud de la Méditerranée, on produisait environ 275 kilos de déchets par personne et par an et j’en suis ravi. Malheureusement, en région PACA, nous sommes plutôt autour des 340 kilos, sachant que nous sommes la plus mauvaise région de France sur ce point. Nous avons donc entrepris une analyse rapide des déchets sur le territoire de la métropole de Marseille. Nos déchets sont composés de 8% de verre, le verre étant un des matériaux qui se recycle à l’infini, 9% de papier, 15% de plastiques, 3% d’emballages métalliques. Cette dernière nature de déchets est symbolique car il faut savoir que l’aluminium peut se vendre aujourd’hui jusqu’à 400€ la tonne et l’acier aux alentours de 90€ la tonne, ce qui fait de certains déchets effectivement une véritable ressource. Pour continuer sur la composition des déchets, les journaux et magazines représentent 9%, les déchets putrescibles, et j’y reviendrai longuement ensuite, c’est 24%, le textile 4% et le « divers », c’est à dire les déchets que l’on n’arrive pas réellement à recycler, soit parce qu’ils sont trop mélangés, soit parce qu’ils sont trop diversifiés, représentent 27%. Pourtant, sur cette dernière catégorie, il existe des marges d’amélioration : ainsi, certaines municipalités voisines de Belluno en Vénétie, au nord de l’Italie, ont réussi à passer d’un déchet « ultime », souvent d’ailleurs un déchet destiné à des filières ultimes d’un volume initial aux alentours de 65%, à moins 20% et même parfois à moins de 15%.

Alors comment peut-on organiser notre activité circulaire ? Dans l’économie linéaire sur le trait bleu principal (diapo page 3), on a une ressource, on l’extrait, on va la transformer, la distribuer, l’utiliser puis, en fin de vie dans le passé on pouvait soit la stocker soit l’incinérer. Heureusement pour les générations futures, nous avons pris un virage différent et nous avons finalement 3 grandes sources de recyclage. La première consiste à réutiliser le produit, le deuxième à séparer le composant et le réutiliser, et la troisième, à détruire ce déchet pour en récupérer la ressource énergétique puis réinjecter ce déchet dans la nature. Au travers de ces trois sources de recyclage, on voit bien que le déchet a non seulement une valeur économique mais aussi une valeur écologique.

Concernant le réemploi, aujourd’hui on essaye de favoriser les ressourceries sur le territoire métropolitain d’Aix. Tenter de réutiliser tous les produits permet d’éviter que, dans notre société de consommation, une fois devenus obsolètes ils soient jetés, souvent détruits et ne puissent être réutilisés. Et cela bien souvent parce qu’à partir du moment où l’objet arrive dans une poubelle, il va être suffisamment souillé pour que le réemploi devienne impossible. Au-delà du réemploi de l’objet, la ressourcerie joue un rôle social essentiel en favorisant une insertion sociale très importante grâce au tissu associatif.

Concernant le recyclage, les sociétés confrontés à la pollution grandissante, peuvent trouver des solutions innovantes. Ainsi, j’ai vu en Afrique, des territoires où l’on incite les habitants à récolter les déchets plastiques, afin de les mélanger à du sable pour en faire des pavés autobloquants. C’est ici une magnifique illustration de l’économie circulaire parce qu’en nettoyant la nature, on assure en même temps la création de produits qui limitent l’utilisation de dérivés pétroliers ou de béton et sont utiles pour recouvrir des surfaces, commerciales ou de particuliers. Sur cette diapositive, vous pouvez noter l’équivalence des emballages plastiques transformés, pour fabriquer une peluche (6 bouteilles), un siège d’enfant (7 bouteilles), etc. Et puis l’économie circulaire inspire des créations artistiques absolument extraordinaires où l’on peut voir, sur certains marchés, des artisans recréer des salons avec des pneus. Ce qu’il faut retenir, en termes de théorie capitalistique, c’est que le recyclage peut être l’objet d’investissements importants pour acquérir ou entretenir des incinérateurs, mais il peut également être l’objet de petits investissements, comme dans le nord du Burkina Faso, où, avec un investissement de 2500€, on peut mettre en place une unité de production de pavés autobloquants. On peut donc avoir un investissement hautement capitalistique comme un investissement faiblement capitalistique pour recycler les déchets, avec une donnée transversale et essentielle : 45% des déchets sont aujourd’hui recyclables.

Enfin, le recyclage le plus difficile à faire finalement c’est le bio-déchet. Celui-ci nécessite en effet une collecte fastidieuse, notamment parce que cela oblige le consommateur à récolter les déchets sans les mélanger aux autres. Ces déchets sont traités dans des méthaniseurs avec, à ce jour des solutions de méthanisation qui sont assez simples et faciles à prendre en main et en tout cas beaucoup moins capitalistiques qu’avant. Nous traitons ce déchet en réalisant une méthanisation sans oxygène, donc en anaérobie, avec comme résultat d’obtenir du méthane pour soit créer de l’électricité, soit de la chaleur, soit être utilisé dans les transports. Puis le déchet subit une transformation aérobie cette fois ci, c’est-à-dire avec oxygène, et finalement le déchet ultime revient intégralement à la terre. Sur certains territoires, les résultats sont très encourageants, comme par exemple en Italie, où les habitants impliqués arrivent à générer plus de 60 kg par personne et par an de déchets qui reviennent à la terre. Cette initiation se fait sans aucune incitation financière, uniquement à travers de la sensibilisation qui invite à mettre les déchets biodégradables dans des sacs en amidon de maïs. Ces sacs sont ensuite récoltés et méthanisés, le déchet ultime, le compost, étant par la suite revendu au marché. Ce recyclage se présente comme un cycle intégralement vertueux.

Aujourd’hui, une unité de méthanisation pour un territoire de 200 000 personnes représente un investissement d’environ 8 millions d’euros. Comme nous le voyons, les échelles de financement sur ce type d’investissements ont singulièrement décru. Mais il faut garder en tête que traiter du bio-déchet peut être très simple, avec des solutions à la fois innovantes et pratiques. Toujours en Afrique, dans certains villages, les déchets organiques sont regroupés dans des systèmes étanches sur lesquels sont branchés des digesteurs en aérobie et constituent en sortie, un réseau de gaz qui alimente les populations leur permettant de cuire leurs aliments. Finalement, le déchet qu’ils génèrent leur permet l’économie de bois et alimente leurs cuisinières à gaz. Le bio-déchet est donc considéré comme une ressource assez facile à mobiliser.

Je vais maintenant vous parler du CSR (combustible solide de récupération). Quand on parle de déchet, on évoque le tri mais aussi la tendance vers le zéro-déchet. Personnellement, je pense que c’est une utopie, puisqu’il restera en fait toujours un résidu. C’est cela qu’on appelle le CSR. Ce résidu se présente comme un petit mélange de papier, de tissu, et de bois. Ce résidu a un pouvoir calorifique très puissant, situé à mi-chemin entre le bois et le charbon. En France, il a été décidé d’en faire un déchet, tandis que l’Allemagne a pris le parti de le considérer comme une ressource. Dans ce pays, ce résidu de déchets est vu comme un combustible et peut être traité dans toutes les chaudières industrielles en remplacement du charbon et du bois. Seule expérience tentée en France, dans le nord-ouest par Séché-Environnement : la création d’une chaudière urbaine dans laquelle l’entreprise fait brûler ce résidu, ce qui permet quand même de chauffer une ville comme Laval… Hormis cette expérimentation, ce déchet, qui représente 800 000 tonnes en France et dont on ne sait que faire, est utilisé uniquement, par les cimentiers qui sont les seuls à y être autorisés.  Comme leur besoin est équivalent à un maximum de 200 000 tonnes par an, ce sont 600 000 tonnes, représentant une capacité calorifique estimée entre 10 000 et 15 000 tonnes par an, qui sont enterrés dans les centres d’enfouissement. Nous voyons bien qu’entre deux pays voisins, existe une approche totalement différente concernant la gestion de ce produit, certains pays ayant grand intérêt à mieux considérer ce combustible solide de récupération. Il y a également étape législative à franchir.

Je finirai en rappelant qu’il n’y a pas de recyclage sans collecte, même si l’opinion générale estime que celle-ci est plus compliquée dans les villes à urbanisation dense. Voici plusieurs exemples en Europe qui démontrent que le tri n’a aucun rapport avec la complexité du territoire ni avec la nature des populations. Sur la diapo de la page 8, il est expliqué que la ville de Florence a placé 3 poubelles dans tous les quartiers : une poubelle pour les déchets recyclables, une poubelle à déchets « utiles » et une poubelle pour les déchets putrescible. En Suisse, on trouve, y compris dans les petits villages, jusqu’à 5 poubelles disponibles pour les habitants. En Espagne, même à la plage, vous trouvez 4 poubelles pour inciter les gens, même sur leur lieu de vacances, à trier leurs déchets. Personnellement, quand je suis allé dans le nord de l’Italie pour faire du benchmarking, j’ai rencontré des personnes qui avaient chez elles 8 sources de tri, 8 poubelles. Un habitant de 80 ans disposait ainsi de ses 8 poubelles et elle avait à disposition près de chez elle 8 flux possibles pour traiter ces déchets. Cela confirme l’évidence qui stipule que le meilleur recyclage c’est un déchet qui est traité à la source.

Dans cet enjeu, c’est aux collectivités de se prononcer et de choisir ce qu’elles veulent faire de leurs déchets, ce qui représente un enjeu essentiel pour l’avenir. Je vous remercie de m’avoir écouté.

Pour prendre connaissance de la présentation PPT de Monsieur Auzet, c’est par la