Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (4/12)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (4/12)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (4/12) 1270 720 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.

« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.

Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.

Voici la quatrième contribution :

Intervention de Karim El Arnaouty : chargé de projet Med-InA

Bonjour à tous et merci pour votre participation à ce webinaire organisé par l’AVITEM. Je suis Karim El Arnaouty, chargé de projet européen à l’AVITEM, et je vais présenter un projet spécialement dédié à la gestion des déchets en Méditerranée, le projet Med-InA. Ce qui est intéressant dans l’intervention de Mme Arfi c’est que nous avons l’exemple d’un territoire qui dispose d’une vision et d’une pratique déjà en place, pratique évolutive puisqu’elle progresse en continu. Le projet Med-InA est, quant à lui, structuré autour d’une approche d’apprentissage. Rappelons que notre partenariat avec la ville de Miramas nous a permis d’être accueillis, début 2020, dans cette commune pour le lancement du projet avec la tenue du premier atelier zéro déchet Med-InA.

Comme vous le savez sans doute, partout en Méditerranée, du Liban à l’Italie, de Marseille à Tunis, les aires urbaines connaissent des crises qui sont liées aux déchets et qui portent des enjeux à la fois de politique publique, mais aussi d’inclusion sociale, de modèle économique et de transformation sociétale à diverses échelles. Le contexte dans lequel s’est bâti le projet Med-InA stipule que le coût de collecte et de traitement des déchets, y compris l’investissement coûteux concernant les décharges et/ou les incinérateurs qui arrivent inlassablement à saturation, est de plus en plus élevé tant d’un point de vue financier, qu’environnemental. On peut le voir avec ces quelques chiffres présentés en diapo page 2. On observe la progression de 15% de la production de déchets solides par habitant, avec un poids par habitant des zones urbaines côtières plus important que la moyenne et un taux de recyclage estimé à 10%, bien loin de l’objectif des 60% en 2030 de l’UE. Or, des pratiques originales font leurs preuves depuis plusieurs années, comme l’expérience de Miramas. Il y a également d’autres territoires en Europe et en Méditerranée qui tendent vers l’économie circulaire avec des approches bien locales de zéro déchet.

Sans répéter ce qu’a déjà dit Mme Arfi, le zéro déchet se définit comme un modèle régénératif dans lequel l’objectif vise à minimiser la production de ressources et de déchets, réduire les émissions et les déperditions énergétiques en ralentissant, en restreignant et en fermant les boucles de matières premières et d’énergie. En fait, il est possible d’arriver à cette forme de modèle par différents moyens, ces derniers devant cependant être activés simultanément. Ces moyens interconnectés sont la conception durable des matériaux, la maintenance, la réparation, la réutilisation, la re-fabrication, le reconditionnement et le recyclage. Toutes ces actions qui sont mises en place sur les territoires sont essentielles car nous savons que, quand la collecte sélective des déchets est correctement réalisée, les ressources qui étaient auparavant éliminées en tant que déchets conservent leur valeur -ou une grande partie de leur valeur- et peuvent être recyclées sous forme de matière secondaire. C’est dans cette perspective que le projet Med-InA se propose de développer et déployer une méthodologie de politique publique zéro déchet adaptée aux villes méditerranéennes, comme une approche exemplaire et participative qui vise à la réduction, la réutilisation et au recyclage des déchets.

Le projet est financé par le programme IEV CT-Med et il implique 7 partenaires dans 5 pays, qui sont l’Espagne, la France, la Jordanie, le Liban et la Tunisie. Pour résumer, comme présenté en diapo page 3, vous pouvez voir les partenaires et les activités qui leurs sont attribuées dans ce projet. L’idée générale consiste à faire travailler ensemble trois municipalités, Irbid en Jordanie, Carcaixent en Espagne et La Marsa en Tunisie dans le cadre d’une expérience multi-acteurs avec le concours de 4 autres partenaires qui ont des expertises complémentaires. Concernant ces partenaires, on trouve le chef de file du projet E3D Environnement, qui est une entreprise française spécialisée dans l’accompagnement au changement de comportement citoyen, notamment à travers une méthodologie de suivi personnalisé à grande échelle intitulée GD6D (« j’ai décidé »). Juste à côté sur le schéma se trouve JUST, l’université jordanienne de science et de technologie, dont le rôle est d’accompagner les municipalités partenaires dans la conception et la mise en œuvre de leur plan de gestion de déchets avec l’aide d’experts locaux issu de chaque ville, mais aussi de récolter des données de terrain de l’expérience Med-InA pour en tirer des observations scientifiques et quantifiées. Cela afin de proposer à d’autres villes des chiffres quantifiables pour qu’elles puissent s’y appuyer pour s’engager ensuite. De l’autre côté du schéma, à gauche, on trouve AUB, l’Université Américaine de Beyrouth et son centre pour la conservation de la nature, qui a une grande expérience dans la collaboration avec le secteur privé et qui a la charge de sélectionner et de financer des incubateurs qui aident à faire émerger, au niveau local, des projets et des services innovants qui s’inscrivent dans une optique d’économie circulaire. Dernier partenaire, l’AVITEM, en charge de la communication globale du projet, de la mise en réseau aux niveaux européen et méditerranéen, notamment aux fins de capitalisation et d’échange des bonnes pratiques. Nous avons aussi la charge de la production de deux documents opérationnels, un guide zéro déchet, outil offrant aux collectivités les méthodes permettant de jeter les bases d’une stratégie zéro déchet et un document d’orientation plus politique basé sur les résultats des expériences Med-InA en fin de projet.

Ce partenariat présente parfaitement l’approche du projet qui consiste à actionner simultanément trois leviers que sont le secteur public, la société civile et le secteur privé vers des actions ou des efforts croisés pour une meilleure gestion des déchets. Les 3 municipalités pilotes intègrent un plan de gestion zéro déchet, assistées en cela par des experts externes et par le partenaire universitaire jordanien. Parallèlement, elles engagent une campagne de sensibilisation et d’accompagnement des citoyens vers des comportements plus responsables avec l’aide d’E3D Environnement et sa méthode GD6D : chaque ville associe environ 2 000 ménages et en assure le suivi pendant 18 mois. Enfin, AUB est chargée d’impliquer le secteur privé dans cet effort commun auprès du secteur public et de la société civile, en soutenant, grâce à un incubateur identifié par ville pilote, 4 start-ups dans chacune des villes. Il s’agit de favoriser la création de solutions locales et innovantes qui vont permettre d’accompagner le secteur public dans sa mutation organisationnelle et la société civile dans son changement de comportement. Nous activons donc une sorte de roue vertueuse articulant ces 3 acteurs territoriaux que sont le secteur public, la société civile et le secteur privé. Dans la présentation qu’a délivrée Mme Arfi, il est bien apparu que cette synergie est au cœur du succès et des progrès que la ville peut développer.

Petit aparté, concernant le changement de comportement et la méthode GD6D d’E3D : c’est une méthodologie de coaching basée sur les sciences du comportement et les algorithmes intelligents, qui visent à favoriser l’adoption d’habitudes respectueuses de l’environnement par les citoyens à grande échelle. L’objectif c’est de faire des habitants, des employés et des commerçants, non pas des spectateurs mais des acteurs de la transition vers une économie circulaire. Concrètement, dans le projet Med-InA, le système GD6D articule le contact direct avec les résidents avec des visites d’agents qui sont formés sur le terrain, volontaires intitulés les « ambassadeurs zéro déchet », qui procèdent selon un système de porte à porte et un suivi individualisé par email, téléphone, courrier, etc. L’idée de ce système GD6D consiste à valoriser les gestes simples des habitants au quotidien avec des résultats assez faciles à observer. L’objectif vise à démontrer aux habitants que chacun à son niveau peut agir sur son environnement immédiat et obtenir des résultats qui vont l’encourager à continuer. Cette méthode favorise des comportements citoyens vertueux et permet de les pérenniser. Si ces habitants volontaires constatent également l’action des autorités publiques, comme c’est le cas à Miramas, il y a vraiment un effet d’entraînement et de cercle vertueux. Voilà pour la méthode GD6D.

Pour terminer sur quelque chose de concret, je vais vous présenter le premier résultat de ce projet, outil qui a été produit sous coordination de l’AVITEM. J’en ai parlé en introduction, il s’agit du Guide méthodologique zéro déchet. Ce document a été conçu par les experts de la fédération Zero Waste Europe et il prend en compte les conclusions des deux ateliers d’échanges d’expérience et de formation organisés par Med-InA en 2020. Pour rappel, le premier atelier a été accueilli par la ville de Miramas, avec notamment des visites de terrain, processus qui a été très apprécié par l’ensemble des participants et des partenaires du projet Med-InA. Ce guide a pour objectif de permettre aux municipalités méditerranéennes qui n’ont pas encore lancé leur réflexion sur la question du zéro déchet de jeter les bases du raisonnement sur ce sujet. Il est conçu comme un outil d’aide à la décision : c’est un document synthétique proposé en anglais, en arabe, en français et en espagnol qui présente l’approche zéro déchet et le contexte global de la gestion des déchets en Méditerranée. Puis il propose 10 domaines de réflexion pour mieux connaître les besoins spécifiques d’une collectivité ainsi que les questions à se poser pour identifier les priorités. Pour finir, le Guide propose des outils pratiques et un parcours permettant de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie zéro déchet adéquate. Comme vous pouvez le voir sur la diapo page 6, les outils, les pratiques et les étapes à suivre portent sur des sujets variés mais connexes et que l’on retrouve au cœur des actions projet Med-InA d’ailleurs.

Il y a :

  • gouvernance d’une stratégie zéro déchet à l’échelle municipale,
  • gestion des déchets plastiques et organiques,
  • implication et communication avec les citoyens,
  • incitation économique et sociale,
  • modèle économique de la collecte et du traitement des déchets,
  • analyse des déchets résiduels.

Je n’ai pas vraiment le temps de développer chacun de ses points ici, mais je vous invite à consulter le site du projet Med-InA (https://www.enicbcmed.eu/fr/projets/med-ina) ou le site de l’AVITEM pour en savoir plus. Le Guide est réellement synthétique et on peut y piocher les informations que l’on souhaite un peu à la carte. Cependant, je pense qu’il est intéressant de souligner qu’il existe de nombreuses bonnes pratiques en matière de zéro déchet, notamment au niveau territorial et local, comme vous avez pu le voir avec Miramas juste avant, mais aussi tout autour de la Méditerranée. Ainsi, dans le cadre du deuxième atelier Med-InA en novembre 2020, nous avons bénéficié de la participation de la communauté d’agglomérations du Sicoval, près de Toulouse. Depuis 2016, le Sicoval applique une redevance déchets incitative, dont le montant par foyer est basé sur le nombre de fois où le bac à ordures ménagères est présenté à la collecte. Le système s’appuie sur un dispositif de bacs équipés avec des puces électroniques. Cette initiative a permis de réduire de 24% les déchets résiduels entre 2014 et 2019, soit 1/4 en 5 ans, ce qui en fait un système assez intéressant. Il y a d’autres cas d’études présentés dans le Guide, complétés par une bibliographie conséquente. Enfin, le site Zero Waste Europe (www.zerowastecities.eu) répertorie quelques success stories parmi lesquelles nous pouvons citer le cas très prometteur de la Sardaigne, qui est passé du statut de région la moins performante d’Italie avec seulement 3,8% de taux de tri en 2000, à île la plus performante de toute la Méditerranée avec un taux de 60% en 2016, cet effort comprenant la réduction des déchets municipaux.

Pour conclure je dirais que notre engagement consiste à appuyer les approches zéro déchet déployées de manière coordonnée et adaptée au contexte de chaque collectivité afin de permettre à moyen terme d’augmenter significativement le taux de recyclage, de diminuer la masse des déchets résiduels, de générer des économies et des emplois locaux et enfin de favoriser l’inclusion sociale et la sensibilisation environnementale.

Merci pour votre attention !

 

Pour accéder à la présentation de K. El Arnaouty, c’est par ici

Pour accéder au Guide méthodologique zéro-déchet, c’est par là