Retour sur le webinaire du 16 novembre dernier : « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne » (8/8)

Retour sur le webinaire du 16 novembre dernier : « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne » (8/8)

Retour sur le webinaire du 16 novembre dernier : « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne » (8/8) 1486 1060 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous avons le plaisir de mettre en ligne la dernière intervention du webinaire organisé par l’AVITEM et le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée sur la ville méditerranéenne durable – et « désirable », celle du Directeur de la Prospective de la Ville de Marseille.

Pour rappel, ce webinaire du 16 novembre a été l’exercice d’introduction à la série de webinaires qui va se tenir demain vendredi 1er avril de 9h à 10 h. Il a permis de commencer à mettre en perspective des référentiels et chartes de la ville méditerranéenne durable portés par des aménageurs méditerranéens, mais aussi par des collectivités publiques et des opérateurs professionnels.

Jean-Charles Lardic

Pour conclure ce webinaire, il nous a semblé essentiel de redonner la parole aux représentants des pouvoirs locaux. C’est M. Jean-Charles Lardic, Directeur de la prospective à la Ville de Marseille, qui en est chargé pour faire écho aux introductions de Monsieur Meunier et de Madame Rampal.

Il rappelle en premier lieu que la Ville de Marseille avait, en lien avec EnviroBat et l’AGAM, élaboré une Charte de qualité Marseille il y a une douzaine d’années. Il a également collaboré avec Euroméditerranée pour la signature de la deuxième phase de son programme et rappelle sa collaboration avec l’AVITEM, notamment sur le projet CapMed qui avait beaucoup avancé sur l’évaluation des politiques publiques, avec sans doute quelques indicateurs à réexaminer. Son évaluation sur les politiques d’aménagement est plutôt positive tant il trouve que, en 12 ans, la situation a fortement progressé.

De retour de la COP 26 à Glasgow, il remarque le sentiment d’impuissance que laissent percevoir les Etats dans leur lutte contre le changement climatique. Cet état de fait laisse apparaitre que ce sont les territoires qui sont en pleine dynamique sur ce sujet. Il se félicite du webinaire d’aujourd’hui et remarque la qualité des contributions. Dans une perspective conclusive, il retient plusieurs points.

Le premier point concerne les démarches présentées dans le cadre de ce webinaire, qui sont toutes ambitieuses, audacieuses, rigoureuses et opérationnelles. Elles comprennent des dispositifs incitatifs et progressifs qui s’intéressent à tous les stades de l’aménagement, depuis la consultation des promoteurs jusqu’à l’exploitation des livrables. Elles visent toutes les possibilités de structuration du bâti et revisitent tout le métabolisme urbain. Il s’agit donc d’une démarche à la fois globale, ambitieuse et flexible.

Le premier ingrédient de cette flexibilité est par exemple illustré avec ces façades non porteuses qui s’ouvrent sur un extérieur pour le moment sans vocation apparente. Cette conception, de même que les référentiels qui s’y rattachent, traduisent bien l’évolutivité et, plus largement, cette nouvelle façon de concevoir la ville. Aux côtés de l’évolutivité, s’observent également l’adaptabilité et la spécificité territoriale, avec l’idée que chaque territoire bâtit son profil spécifique, ce qui permet d’ailleurs d’établir une « signature territoriale ». Le projet Cap Med avait déjà travaillé sur cette notion de spécificité territoriale, en critiquant l’idée d’établir des valeurs cibles standards pour certains indicateurs partagés. Car l’analyse des politiques territoriales confirme qu’il est indispensable d’avoir des projets qui n’ont pas tous la même signature.

La deuxième question qui se pose en termes d’aménagement concerne la durabilité structurelle, architecturale. Suffira-t-elle à induire une occupation harmonieuse, à permettre de faire société ? Parler de techniques d’aménagement peut paraître insuffisant pour faire cohabiter ces nouveaux espaces. La participation citoyenne reste en effet essentielle, comme le signalait Mme Rampal plus haut. Pour cela, il y a besoin d’un accompagnement fort de la part des collectivités territoriales pour l’animation, l’aide au démarrage et la stimulation de la participation. C’est ce qui est fait par exemple à Marseille avec le lancement de la Cité de la transition en lien avec des dispositifs participatifs. La bonne surprise c’est que les projets d’aménagement d’aujourd’hui portent en germe deux transformations sociétales : ils stimulent les usages comme cela a été beaucoup dit et ils mettent l’humain à leur centre.

En synthèse, ces référentiels font essentiellement levier sur trois points d’appui :

  • les démarches présentées sont profondément humanistes et comportent, comme c’est le cas pour Euroméditerranée, un degré élevé de philosophie. La Charte de l’EPA marseillais, mais aussi les référentiels présentés par les autres organisations, portent de vraies valeurs, des principes de réflexion et d’action auxquels il semble facile d’adhérer collectivement. Cette vision philosophique, qui promeut une « ville désirable pour tous », est stimulante ;
  • en second lieu, la ville ne se décide pas et elle a besoin qu’on lui laisse des espaces d‘intention pour l’innovation, pour l’inventivité. A cet égard, la réunion de ce week-end à Marseille autour de l’Assemblée des communs est très emblématique ;
  • le troisième volet qui mérite d’être souligné c’est que bien qu’il s’agisse essentiellement d’aménagement, donc de créations d’objets, ce référentiel et ses valeurs imprègnent ces objets et leur donnent une dimension symbolique, afin, à terme de contribuer, encore une fois, à créer du lien entre les gens. Cela est manifeste par exemple dans la représentation dans l’espace de l’étoile chérifienne (SAZ), ou encore dans la recherche effectuée sur le mobilier urbain déclinée dans plusieurs présentations et qui met en évidence sa double utilisation, tantôt espace d’intimité, tantôt objets d’ouverture et de dialogue.

Pour faciliter l’implémentation de ces nouvelles façons d’habiter, l’intervention des pouvoirs publics est indispensable, même si les présentations d’aujourd’hui confirment que la voie est déjà bien tracée.

En termes de conclusion prospective, il est évident que ces travaux doivent faire converger et se rejoindre les objectifs de lutte contre le changement climatique et de recherche de justice sociale. Au regard du manque de résultats de l’approche « descendante » (top down) des Etats (Cf Glasgow) et les enjeux qui se dessinent pour la ville de demain en termes de sobriété réfléchie, de contraintes de construction, de métabolisme urbain, d’énergies renouvelables, de gestion des déchets, de lutte contre les risques, il est nécessaire d’adopter une approche « montante » (bottom up), spontanée. C’est le lien solidaire, les échanges locaux, les liens intergénérationnels qui vont spontanément gagner ce pari, générer une sobriété, réduire les besoins et les envies de déplacement, les envies de consommation impulsive qui sont une part très importante de notre bilan carbone. Cette approche montante qui se dessine paraît extrêmement prometteuse pour tenir à la fois les objectifs de justice sociale et les objectifs climatiques.

Cela permettra de faire revivre la ville méditerranéenne, d’atteindre, de justifier et de renforcer les revendications pour laisser davantage d’autonomie, pour faire plus confiance aux territoires et promouvoir la décentralisation qui vient aider les territoires des pays du Sud.

Pour illustrer ces propos, nous ne résistons pas à rediffuser la très belle synthèse graphique de notre collègue à l’AVITEM, Giulia David.