Webinaire 4 : Le low tech, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (10/10)

Webinaire 4 : Le low tech, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (10/10)

Webinaire 4 : Le low tech, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (10/10) 1150 787 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous poursuivons la mise en ligne des interventions des orateurs du dernier webinaire, consacré au low tech en Méditerranée.

Pour mémoire, le webinaire du 1er juillet est le dernier d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources de Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.

Voici la dernière intervention de la dernière session, celle des solutions territoriales innovantes :

Intervention de Youness Ouazri : Écodôme, startup habitat durable et construction de maisons écologiques

Tout d’abord je tiens à vous remercier pour l’invitation. J’ai écouté avec grande attention les différentes interventions conduites sous la thématique du low-tech et du développement de la région méditerranéenne, et à ce sujet j’aimerai bien que le concept Ecodôme soit intégré dans toute vision stratégique de notre région qui vise à améliorer la gestion territoriale allant dans le sens du low-tech.

Je commence par me présenter, je m’appelle Youness Ouazri. Je suis ingénieur en génie civil et en même temps fondateur et le gérant d’Écodôme Maroc. C’est une entreprise de construction écologique de maisons secondaires et d’infrastructures pour le tourisme urbain sur la base des ressources locales, notamment la terre. Nous sommes partis du simple constat que, lorsque l’on voyage au Maroc, en Afrique ou encore au Moyen Orient, on se retrouve dans des paysages qui ont des grands potentiels touristiques mais qui n’ont pas nécessairement l’infrastructure adéquate, ce qui ne permet ni de pérenniser les flux touristiques ni de valoriser ces potentiels. Si l’on entreprend la construction de ces infrastructures en exploitant les méthodes conventionnelles basées sur le béton, les charpentes en bois ou les charpentes en métal, cela peut nuire à ces potentiels et, de plus, ne pas proposer le confort adéquat recherché, notamment par rapport aux variations de la température.

Nous nous sommes donc inspirés des travaux d’un architecte irano-américain qui a développé une technique de construction qui s’appelle le « superadobe » qui consiste à substituer les coffrages en bois, que l’on utilisait auparavant dans tout ce qui est construction en terre, par des coffrages en sac de polypropylène. Ces sacs sont similaires à ceux que l’on utilise dans le stockage du blé et du résidu du blé ; la seule différence c’est qu’on se les procure sous forme de rouleaux, sorte de boudins blancs que vous pouvez voir sur les photos (diapo page 4). On les empile ensuite et on les consolide avec un mélange de terre locale, stabilisée ou pas, selon l’étude géotechnique préalable. En effet, au cours de cette phase, nous procédons à une expertise d’ingénierie de géotechnique au regard de tout ce qui est formulation des matériaux pour créer des infrastructures qui s’incrustent naturellement dans le paysage et qui s’adaptent aux conditions climatiques sans pour autant nuire aux différentes contraintes locales notamment celles concernant la faune et la flore.

Cette technologie nous permet de retenir un certain nombre d’avantages, notamment la diminution du temps d’exécution, particulièrement dans les régions extrêmement difficiles d’accès. Etant donné que nous exploitons des ressources locales, cela nous permet de réduire considérablement les délais liés à la logistique. Notre matière première propre à la construction étant extraite localement, cela nous permet de réduire également le coût de la construction. Si on compare ce coût aux méthodes conventionnelles, on peut réduire le prix au m² de 50%, grâce à l’exploitation de la matière première locale. Le 3ème avantage, qui est le plus intéressant au regard de l’exploitation, concerne la réduction de la facture énergétique. Nous savons que le composant terre a des propriétés thermiques très fortes. Il suffit alors de dimensionner correctement l’épaisseur des parois extérieurs en fonction des conditions climatiques de la région dans laquelle on installe les bâtiments pour créer des constructions passives en termes de consommation énergétique. Ces constructions sont fraîches pendant l’été et chaudes pendant l’hiver, sans aucun apport énergétique supplémentaire lié au chauffage et à la climatisation.

Concernant notre équipe, nous sommes une quinzaine de personnes, presque tous de formation en ingénierie en génie civil, dont 3 personnes dans l’équipe de gestion. Nous avons aussi une quinzaine d’ouvriers qualifiés et formés sur les différentes techniques de construction « terre » que l’on utilise dans nos procédés. Pour décrire Écodôme Maroc en quelques chiffres, nous avons réalisé actuellement une vingtaine de constructions au dans 5 régions et nous avons noué 4 partenariats avec des organismes étatiques et semi-étatiques, toujours au Maroc. Nous avons déjà généré un chiffre d’affaires cumulé de 5 millions de dirhams ce qui représente l’équivalent de 500 000 euros. Nous avons même d’ores et déjà un carnet de commandes pour l’année 2021 bien rempli notamment pour tout ce qui est construction de maisons secondaires et d’infrastructures pour le tourisme urbain.

Comme les programmes portés par Ecodôme sont bien plus parlants en images, je vais vous commenter quelques « références ».

Une première référence (diapo page 7) que l’on a construite dans un petit bourg qui s’appelle Sidi Abderezaq, à côté de Rabat concerne une maison secondaire d’une superficie de 177 m².  Nous avons voulu combiner les aspects traditionnels et modernes tout en respectant les différentes réglementations, que l’on parle de parasismique ou encore de thermique. Au Maroc, la RtCm est l’équivalent de la RT 2012 pour la France. Pour les finitions d’intérieur, nous avons travaillé sur quelque chose de typiquement marocain avec notamment des carreaux en terre cuite pour le revêtement de sol, des tadelakt pour le revêtement mural, ce qui a permis de créer une harmonie et une ambiance réclamant un minimum d’énergie. Concernant l’éclairage naturel, la construction est élaborée avec des puits de lumière afin qu’il ne soit pas nécessaire d’allumer pendant la journée.

Une deuxième référence, qui est probablement celle la plus remarquable, est un centre culturel que l’on a construit en pleine montagne de l’Atlas au profit des élèves de la région d’Agouim. C’est une région qui auparavant n’avait qu’une seule infrastructure où les élèves pouvaient pratiquer des activités parascolaires ou des activités intellectuelles. Cette région subit des gradients thermiques très extrêmes : pendant l’hiver on se retrouve avec des températures de -5, -10° avec de fortes intempéries et beaucoup de neige, alors que pendant l’été la température atteint les 45°, voire même dans quelques cas les 50°. Ces écarts extrêmes rendaient l’exploitation de l’établissement d’accueil déjà construit en béton quasiment impossible. Par conséquent, l’idée a consisté à partir des matériaux locaux et notamment la terre pour créer une infrastructure qui s’adapte de manière très naturelle à ces conditions climatiques, tout en intégrant les villageois dans la procédure de la construction. La photo 9 montre, en plein hiver, les élèves en train d’étudier et de faire des activités en toute tranquillité.

La troisième référence est une réserve de chasse. La contrainte caractéristique et locale de cette construction repose sur les exigences relatives à la faune et à la flore. Dans ce lieu dédié à la chasse, il est essentiel de ne perturber ni l’odorat des animaux ni l’aspect visuel du site, pour ne pas les effrayer. Par conséquent, l’enjeu consistait à exploiter les matériaux locaux tout en conservant les caractéristiques du lieu, en termes d’odeurs et d’aspect visuel afin de rester en harmonie avec la nature. Une fois encore, nous sommes  restés sur des finitions typiquement marocaines en façade (diapo page 10), avec une combinaison entre des baies vitrées, avec à l’intérieur un  gaz à base d’argan, et la fameuse tahajart marocaine, façonnée en pierre cuite. À l’intérieur, nous retrouvons les mêmes finitions, et même une cheminée traditionnelle avec de la brique réfractaire qui permet de contrôler et catalyser à la fois la température et le taux d’humidité. En diapo 12, vous pouvez voir les salles de bains qui valorisent le recyclage, puisque dans les faux plafonds, on trouve de l’eucalyptus et des roseaux, qui sont des matériaux locaux. Nous avons également recyclé des morceaux de bois en raison de leur utilité dans la solidification du bâti, ou encore dans la décoration pour créer des miroirs par exemple.

La quatrième référence exprime comment on peut traiter les formes régulières, carrées et rectangulaires. Nous maîtrisons également la technique de construction en pisé et dans cet ouvrage, nous avons utilisé un pisé particulier, le pisé stratifié, en suivant une technique qui consiste à utiliser des terres de différentes couleurs. Ainsi, quand on enlève le coffrage, on se retrouve avec des strates apparentes et chaque strate à sa propre couleur du fait des différentes terres utilisées. Cette construction est localisée dans une région proche de Marrakech ce qui explique certaines particularités culturelles, telles que des poufs en doum ou encore le tataoui, un faux plafond qui permet d’exploiter le bois ou le roseau pour créer un aspect assez rustique et typique.

Ma présentation touche à sa fin, je vais partager avec vous une vidéo dans laquelle je vous invite à visiter notre dernière création : https://www.youtube.com/watch?v=HRENykW7SGU

La vidéo décrit une maison secondaire proche de Casablanca d’une superficie de 163 m². Cette maison a tellement plu à son propriétaire, qu’après le confinement cette construction est devenue sa maison principale et sa maison de ville est devenue sa résidence secondaire. Pour la concevoir, nous avons combiné une panoplie de savoir-faire d’artisanat marocain avec des savoir-faire d’ingénierie pour que la construction soit en parfaite harmonie en ce qui concerne le climat, la nature et la culture marocaine.

Pierre Massis : Modérateur

Mr Ouazri, j’aimerai revenir sur la construction du centre culturel dans les montagnes de l’Atlas. Vous avez parlé notamment d’une intégration des villageois dans le programme de construction. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Youness Ouazri : Écodôme, start-up habitat durable et construction écologique de maison

Oui bien-sûr ! Le maître d’ouvrage était une association locale qui développait la région d’Agouim. Parmi les projets que nous avons proposé à cette association il y avait la création de ce centre culturel. L’idée derrière l’intégration des villageois dans les procédés de construction reposait sur le fait que nous allions quitter la région à un moment ou un autre, et qu’il fallait que les villageois maintiennent la construction. Le fait de les intégrer permettait de leur faire sentir qu’ils ont contribué à construire ce centre culturel et que la construction leur appartenait. Finalement cela a permis en quelque sorte de les responsabiliser vis-à-vis de la maintenance de la construction. Cela nous a aussi permis de partager notre savoir-faire avec des villageois et si jamais nous avons un autre projet dans la région nous pouvons potentiellement les solliciter pour la construction.

Pierre Massis : Modérateur

Ce qui veut dire que vous avez transmis du savoir pas seulement dans l’exploitation mais également dans la réalisation. J’imagine que vous avez deux types de clients, d’une part les clients publics, institutionnels, et d’autre part des clients privés comme les personnes qui ont commandé la réserve de chasse.

Youness Ouazri : Écodôme, start-up habitat durable et construction écologique de maison

C’est bien ça et nous sommes aussi en train de développer un autre volet dédié à l’éco-tourisme pour lequel nous avons actuellement 2 projets de développement d’infrastructure de tourisme rural, car c’est devenu une vraie tendance après les épisodes de la crise sanitaire de la Covid 19. Les gens ont de plus en plus tendance à chercher des petits bourgs lointains, des hôtels atypiques et en pleine nature pour fuir tout le stress de la ville et pour garantir tout ce qui est distanciation sociale et mesures de sécurité sanitaire. Par ailleurs, votre webinaire est très inspirant car je peux déjà, imaginer des synergies avec Lagazel et avec Bamboo for Life car ce sont deux concepts qui complètent potentiellement très bien l’offre d’Ecodôme.

Pierre Massis : Modérateur

Une question du public porte sur un ordre de prix pour la construction d’une demeure de 70m².

Youness Ouazri : Écodôme, start-up habitat durable et construction écologique de maison

Nous chiffrons au m² et nous proposons trois gammes de finitions qui, quoiqu’il arrive restent des finitions typiquement marocaines : la gamme de standing normal, de moyen standing et de haut standing. Pour avoir une idée des prix, pour le standing normal cela débute à partir de 2100 dirhams au m² (environ 210€), pour le moyen standing, on débute à 350€ le m², et pour le haut standing à partir 450€. Il est aussi possible de combiner les trois standings de façon à avoir un rendu final assez joli tout en restant dans les limites du budget initial.

Pour prendre connaissance de la présentation de Monsieur Ouazri, c’est par ici