Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (3/12)

Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (3/12)

Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (3/12) 1071 811 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous poursuivons la présentation des interventions du second webinaire, qui s’est tenu le 29 avril dernier autour de la ressource énergétique en Méditerranée.

Voici la seconde contribution de la première partie, celle des expertises méditerranéennes.

Pour mémoire, le webinaire du 29 avril est le second d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets et, parmi les solutions, notamment celles qui feront l’objet du quatrième webinaire (le 1er juillet), celles qui ont principalement recours à la basse technologie. 

Intervention de Boukhalfa Yaïci : Directeur Général du Cluster Energie solaire (Algérie)

Bonjour, merci beaucoup pour votre invitation à venir partager avec vous nos préoccupations ainsi que les choses sur lesquelles nous travaillons. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un concept dont on parle beaucoup, que l’on appelle « le contenu local » et qui, à ce jour, est revenu à la mode notamment à cause du contexte mondial dû à la Covid-19. Il suppose la volonté d’impliquer les populations et les gouvernements afin de relocaliser la production et de relocaliser un certain nombre de services dans les pays qui soutiennent cette démarche.

Voici les 4 points que je vais vous présenter de façon générale (diapo page 2).

Notre cluster et une organisation à but non lucratif. Il existe depuis 2017 et il comprend, à ce jour, 36 membres. Parmi eux, nous comptons des entreprises privées, des entreprises publiques et des entreprises internationales installées en Algérie. Nous relevons également la présence de centres de recherches, d’universités et d’écoles. Sur la diapositive suivante (3), vous pouvez voir la liste des membres de notre cluster, ce nombre étant en constante augmentation au vu de l’intérêt manifesté par un certain nombre d’acteurs. Le rôle de notre cluster consiste à construire de fortes synergies entre ses membres, notamment entre les entreprises, les centres de recherches et les universités afin de donner plus de compétitivité aux entreprises, à leurs services et à leurs produits.

J’ai commencé mon propos en parlant de « contenu local ». Il est possible de définir cette notion comme une sorte d’obligation créée par les Etats à destination des investisseurs et des industriels cherchant à s’implanter sur un territoire afin de les contraindre à utiliser les produits et les services qui sont disponible sur ce territoire. Cette contrainte se traduit en règle générale par des incitations à faire, ce qui explique que ce modèle s’est actuellement développé de façon importante dans beaucoup de pays, au-delà des pays émergents, vers les pays de l’OCDE. Compte tenu de cette démarche, les chiffres des investissements qui sont avancés pour la période de 2018-2038 tournent autour de presque 57 trillions de $ dans les pays hors OCDE et 34 trillions de $ dans les pays de l’OCDE. La dynamique prévisionnelle de ces investissements met en évidence le retour sur les industries locales et la valeur ajoutée locale créée. Cette démarche concerne aussi bien les Etats-Unis comme le Canada, l’Inde comme la Chine. En France, tout récemment encore, le Premier ministre a annoncé qu’il allait soutenir la filière photovoltaïque en France en imposant du contenu local dans les appels d’offres.

Les facteurs de succès de ce modèle ne sont pas forcément nombreux. Il faut d’abord créer un environnement économique pour qu’un marché important et pérenne puisse s’installer. Cette étape est vraiment la chose primordiale, mais aussi la plus difficile à créer puisqu’on a vu que dans de nombreux pays il y a des tentatives pour mettre en place ce types de modèles, mais après quelques années, le soutien diminue et les entreprises éprouvent beaucoup de difficultés à subsister. En second lieu, le modèle ne doit pas être sélectif et doit s’ouvrir aux acteurs internationaux qui souhaitent s’implanter dans le pays. Ce point est également essentiel puisque nous savons que le transfert de technologie ne s’effectue qu’en échange de contreparties. Il convient donc d’inviter les acteurs internationaux à venir investir dans le pays en amenant avec eux les technologies et le savoir-faire. Un troisième élément concerne la structuration d’un environnement favorable pour que les acteurs puissent intégrer ces savoirs, qu’il existe ou non une base industrielle et/ou d’apprentissage, et le point consiste à donner à cette base les moyens de grandir. Enfin, le dernier point, fondamental et qui prouve que le modèle a réussi, c’est la création de champions à l’échelle nationale qui, par la suite, pourront aller batailler à l’international. L’exemple le plus probant est celui de la Chine dans le domaine du panneau solaire photovoltaïque ou de l’éolien.

En ce qui concerne l’application de ce modèle en Algérie, vous pouvez voir en page 6 du diaporama, un certain nombre d’actions qui ont été menées et les résultats qui en découlent. Mon analyse se scinde en fonction de la taille des installations, les grandes centrales et les petites installations. Pour les grandes centrales, il y a un véritable intérêt de la part des opérateurs locaux, principalement ceux qui sont déjà dans le domaine de l’électricité et qui vont vers le solaire en s’impliquant dans une politique de diversification. Ce qui est transversal dans l’analyse, c’est le poids des services qui apparaissent comme les actions où le plus de valeurs ajoutées sont créés rapidement, principalement avec l’ingénierie et le software.  Cela permet en même temps de créer des emplois dédiés. Il y a des choses à faire car les entreprises qui travaillent dans l’électrique sortent assez peu des axes conventionnels et ont tendance à avoir recours à l’alternatif et à la manutention. Il est donc important de les aider à acquérir des connaissances sur ces sujets grâce à des partenariats avec des acteurs bien implantés.

Cependant, un point négatif que je pourrais citer concerne le déploiement de ces programmes qui se fait trop tardivement. D’où des difficultés pour que les entreprises puissent maintenir le savoir-faire acquis et le renforcer s’il n’y a pas rapidement des projets leur permettant de continuer à accroitre leur savoir-faire.

En ce qui concerne les petites installations, le constat que nous faisons aujourd’hui est qu’il s’agit d’un domaine, le solaire photovoltaïque, qui attire beaucoup de monde et induit la création de nombreuses petites entreprises. Ce développement est appuyé par la multiplication des projets principalement exécutés par l’Etat, qui concernent majoritairement les zones isolées, avec du pompage d’eau, de l’éclairage public et des écoles. Ensuite, il y a un véritable intérêt économique pour les entreprises à travailler dans ce domaine, du fait de prix très agressifs entre acteurs. Mais cette combativité a déjà un effet négatif sur la qualité des installations, qui peuvent parfois être critiquées car à partir du moment où c’est le moins cher qui est choisi, la qualité des installations peut en souffrir beaucoup.

Face à cette constatation, nous avons décidé d’intervenir en essayant d’améliorer l’environnement économique, ce qui devrait avoir comme conséquence soit l’amélioration des installations soit le développement d’un savoir-faire augmenté. Nous avons donc interpellé les pouvoirs publics pour qu’ils mettent en place un programme de grande ampleur, associé à un planning détaillé sur le court, moyen et long terme, en vue d’une part de donner de la visibilité aux acteurs et, d’autre part, d’adapter le contenu local aux besoins du déploiement. Il y a donc un phasage qui nécessite que le contenu local soit répertorié et puisse être renforcé. Enfin, nous souhaitons soutenir les partenariats entre les acteurs nationaux et internationaux, car c’est la manière de faciliter les transferts de savoir-faire.

Un autre point sur lequel le cluster est impliqué concerne la formation des intervenants dans le solaire et c’est un travail de fond qui a commencé en lien avec l’INES. L’idée consiste à mettre en place un centre d’excellence portant sur des formations dédiées au solaire photovoltaïque. Cette démarche est très complète et sans doute inhabituelle pour le secteur de la formation professionnelle, puisque nous souhaitons former des opérationnels aussi bien pour les études, la conception et la réalisation des centrales. Et puis à l’inverse de ce qui a été fait au Maroc et en Tunisie, pays dans lesquels s’est développée la notion de labellisation, nous avons préféré créer et de mettre en place un agrément pour les bureaux d’études et les entreprises d’installations. Ce dispositif, qui est soutenu par le ministère de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, devrait bientôt être mis en œuvre. L’objectif de cet agrément c’est bien de fournir de nouvelles compétences aux entreprises tout en créant une nouvelle catégorie d’acteurs, les bureaux d’études. Nous pâtissons énormément de leur absence depuis des années, et la mauvaise qualité des installations en découle, étant donné que les bureaux d’études sont normalement présents pour accompagner les maîtres d’ouvrages. Notre proposition portait avant tout sur le photovoltaïque, mais le ministère de la Transition énergétique souhaite aussi l’étendre aux installateurs de chauffe-eaux solaires. Ce sujet est pour nous vraiment intéressant car il y a un échange et une complémentarité dans le travail d’ensemble que l’on réalise.

Pour terminer, le contenu local constitue un modèle qui est largement utilisé à travers le monde et qui n’est pas uniquement destiné aux pays émergents. Le premier objectif consiste à créer de la valeur ajoutée locale à travers la création et la mise en place d’entreprises, auxquelles il faut ajouter la création d’emplois. Dans notre pays, nous constatons que ces actions restent timides et que le programme des énergies renouvelables n’est pas encore déployé, ce qui fait que des actions positives ne sauraient être maintenues longtemps s’il n’y a pas un déploiement autorisant les acteurs à travailler dans ce domaine. Ainsi, notre rôle en tant que cluster consiste aussi à essayer d’attirer l’attention des acteurs, de proposer des solutions. Je pense que les pouvoirs publics sont très attentifs à nos propos puisque nous sommes aujourd’hui reconnus à l’échelle nationale avec nos compétences et notre expertise. Sur le plan international, nous avons terminé le développement de notre action à l’échelle nationale, avec la création des clusters…

Nous sommes aussi dans une logique de dialogue avec d’autre clusters, afin de bénéficier de leurs expertises, mais aussi apporter l’expertise de nos membres dans ce domaine. Tout à l’heure vous parliez de l’insularité, je pense que c’est similaire à ce qu’il se passe dans notre pays. Il y existe de nombreux sites isolés qui sont à plusieurs dizaines, voire centaines, de kilomètres de centres urbains. Ces territoires sont les mieux placés pour mettre en place des installations solaires ou bien des dispositifs fonctionnant à l’énergie renouvelable.

En synthèse, les actions sur lesquelles nous travaillons concernent surtout la formation et l’encadrement de la profession car nous considérons que nous avons besoin de professionnels exercés pour pouvoir s’assurer que les installations soient faites avec la qualité requise et selon les normes et les standards internationaux.

Pierre Massis : Modérateur

Merci beaucoup Mr. Yaïci. Pour revenir sur la présentation précédente, Mme Marzougui a bien précisé que la transition énergétique en Algérie était un peu retardée. La question que je me pose consiste à savoir s’il peut y avoir un lien entre cette transition énergétique retardée et cette ambition très élevée d’intégration du contenu local qui vise à mettre en place des champions au niveau international ?

Boukhalfa Yaïci : Directeur Général du Cluster énergie solaire algérien

D’abord il faut noter le fait que la création du ministère de la Transition énergétique et des énergies renouvelables ne date que d’une année, ce qui en fait une nouveauté. De plus, c’est le professeur Chitour, très réputé dans ce domaine-là, qui a été nommé à la tête du ministère. C’est vrai que les objectifs affichés dans ce cadre sont ambitieux, notamment parce que le pays a pris énormément de retard dans la mise en œuvre de sa transition énergétique. La raison en a en effet été évoquée plus tôt, à savoir que l’Algérie est un pays doté en hydrocarbures ce qui fait que la problématique de la sécurité énergétique n’en était pas une pendant longtemps. Aujourd’hui, cette problématique est vraiment au centre des débats pour deux raisons principales. D’abord la demande interne en énergie a explosé ces dernières années, et puis, en parallèle, il faut relever que les disponibilités en hydrocarbures ne pourront plus éternellement supporter aussi bien l’exportation que la demande interne. Il y a des choix à faire, et un des choix qui a été fait pour l’instant c’est de faire passer une partie de la production classique vers les énergies renouvelables et de développer l’efficacité énergétique dans tous ces domaines. Cette ambition est clairement affichée, et se manifeste notamment à travers le programme du gouvernement qui stipule que, entre 2020 et 2024, le pays devra installer 4000 mégawatts. Ces éléments peuvent permettre de déployer les énergies renouvelables et de permettre à l’Algérie de rattraper son retard par rapport aux autres pays du Maghreb. Précisons que ce déploiement est conçu pour s’appuyer sur la création d’un tissu industriel local puisque la plupart du temps, les développements de transition énergétique sont des ambitions à long terme, qui s’appliquent sur des décennies, jusqu’en 2030, 2040 ou même 2050. Le temps du développement et de la mise en place nécessite donc un accompagnement et la création de ces entreprises avec à la clé de la création d’emplois. Cette idée de jumeler les deux est essentielle car il est important de construire cette transition énergétique sur le long terme, notamment au regard de la très importante réticence de la part des acteurs des énergies fossiles pour basculer vers les énergies renouvelables. Nous espérons sincèrement que la dynamique engagée par le gouvernement va favoriser la création de valeur ajoutée locale, la création de postes, tout en faisant participer le secteur de la recherche et développement, de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Cette tendance devrait s’accélérer car en réalité nous avons très peu de temps. Nous avons une fenêtre dans laquelle le pays doit s’engager rapidement, et si nous ne le faisons pas d’ici 2/3 ans nous aurons surement des problèmes à partir de 2025.

Questions d’une auditrice :

Pour les actions à venir, le cluster va mettre en place un agrément des professionnels photo-, ce qui est présenté comme une solution pour une meilleure qualité des installations. Les critères pour cet agrément ont-ils été définis ? Y a-t-il des acteurs territoriaux publics sur l’énergie ? Et pourquoi ne pas les associer à cette labellisation ?

Boukhalfa Yaïci : Directeur Général du Cluster énergie solaire algérien

Cette question d’agrément est travaillée depuis plus d’une année, au regard de ce qui se fait à l’échelle internationale. Nous avons ainsi lancé un benchmark de ce qui existe en France, au Maroc, en Tunisie, en Afrique de l’Ouest… Et nous reprenons un peu le même concept, c’est à dire que les acteurs vont dédier des ressources pour pouvoir suivre des formations et obtenir de nouvelles compétences. Cela permettra de certifier les stagiaires selon la norme ISO 17024, et de donner la possibilité aux entreprises d’utiliser cette certification pour pouvoir participer aux appels d’offres et aux consultations publiques. Bientôt, cette certification va devenir obligatoire pour pouvoir répondre aux sollicitations publiques. Cette démarche résulte aussi du fait que de nombreuses entreprises dont l’activité n’est pas de faire du solaire, rejoignent ce domaine et se retrouvent favorisées par des critères de sélection qui n’ont rien à voir avec le solaire, ce qui, finalement, désavantage les entreprises du solaire.

Les formations programmées seront réparties sur l’ensemble du territoire national et recevront une forme d’agrément que nous distribuerons aux instituts de formations, aux écoles. Ces organisations donneront la même formation pour l’ensemble des acteurs qui seront présents et les stagiaires seront testés au final. C’est un modèle classique de labellisation avec une durée de validité accordée au certificat, associé à la signature d’une charte afin que la personne qui a suivi la formation puisse faire circuler dans son entreprise la connaissance et les valeurs qu’elle a acquises lors de la formation.

Pour prendre connaissance du support de présentation de B. Yaïci, c’est par là