Ville/Climat : Adaptation aux risques climatiques, une urgence et des solutions

Ville/Climat : Adaptation aux risques climatiques, une urgence et des solutions

Ville/Climat : Adaptation aux risques climatiques, une urgence et des solutions 885 537 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Article de « Envies de ville » by Nexcity

2023 a virtuellement dépossédé 2022 de son titre d’année la plus chaude jamais enregistrée en France avant même d’arriver à son terme, le seul été de cette année brûlante ayant réhaussé tous les marqueurs. L’observatoire européen Copernicus a d’ores et déjà annoncé que 2023 sera probablement l’année la plus chaude de l’Histoire au niveau mondial.

Les conséquences de la dépendance aux énergies fossiles se multiplient à travers des phénomènes météorologiques extrêmes qui se produisent partout sur la planète et imposent un constat sans appel : l’urgence de renforcer la politique d’adaptation aux risques climatiques est immense.

Le réchauffement aura des effets territoriaux et sectoriels avec, en montagne, des conséquences sur la stabilité de certains sols, une augmentation du nombre de glissements de terrains et d’effondrements rocheux. En zone urbaine, l’alternance attendue de périodes de sécheresse et de fortes précipitations renforcera probablement le phénomène de retrait gonflement des argiles, dangereux pour les maisons individuelles construites sur des sols argileux.

Les infrastructures de transport, les réseaux d’énergie, d’eau et de télécommunications seront également fragilisés, les sécheresses agricoles et hydrologiques deviendront extrêmement préoccupantes avec des conséquences très importantes sur l’agriculture, la forêt et la biodiversité.

Le stock de neige faiblira drastiquement au printemps dans les Pyrénées comme dans les Alpes, les cours d’eau connaîtront des niveaux très bas en été, les situations de pénurie d’eau se multiplieront et la quasi-totalité des glaciers français aura disparu. Une augmentation de la fréquence et de l’intensité des inondations pourrait impacter les choix d’aménagement du territoire, et surtout, les capacités assurantielles, la sécurité des personnes et leur capacité à se déplacer.

La hausse du niveau des mers accélèrera le phénomène d’érosion du trait de côte et les submersions marines seront plus fréquentes, menaçant les infrastructures côtières (logements, infrastructures portuaires et touristiques). Les risques seront de plus en plus difficiles à gérer, certaines conséquences seront irréversibles et ce, pendant des siècles. Enfin, si certaines limites d’adaptation ont déjà été atteintes, d’autres le seront immanquablement à l’échelle de l’existence humaine.

Même si l’inaction décrédibilise un peu plus chaque jour le scénario le plus optimiste, le développement durable pour tous est possible à condition de mettre en œuvre des politiques d’adaptation au changement climatique, de protection de la biodiversité et des écosystèmes et des politiques de réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre. C’est ce que le GIEC appelle le « développement résilient au changement climatique ».

Le GIEC définit ainsi l’adaptation au changement climatique dans son glossaire : la “démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. Pour les systèmes humains, il s’agit d’atténuer ou d’éviter les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Pour certains systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendu ainsi qu’à ses conséquences.

Les tours attrape-vent iraniennes, une invention vieille de plus de trois siècles

Certaines villes ont déjà commencé leur adaptation aux risques climatiques avec des programmes et des aménagements spécifiques, d’autres, qui se sont adaptées depuis toujours à des conditions climatiques difficiles, inspirent aujourd’hui les systèmes régulateurs du futur avec des inventions vieilles de plus de trois siècles comme les tours à vent de Yazd.

C’est une véritable climatisation écologique naturelle faite de paille et de terre d’argile qui a été inventée il y a plus de 3 300 ans dans une des villes les plus anciennes du monde et l’une des plus chaudes d’Iran. Entourée de plateaux désertiques et de lacs salés, Yazd regorge de ces tourelles que l’on remarque un peu partout sur ses toits, des systèmes de ventilation naturelle qui permettent de rafraîchir les intérieurs des bâtiments sans aucune dépense énergétique.

La conception du badguir (du persan « bâd » qui signifie « vent » et « gir » pour « capturer ») est fondée sur un principe simple mais très efficace : la convection d’air. Ce système géothermique passif fonctionne grâce à des tours verticales en forme de cheminée, équipées en leur sommet de fentes étroites conçues pour capturer les vents. Surmontées d’une coupole, elles sont attachées à un bâtiment qui possède des conduits menant à la base de la tour. Lorsque l’air extérieur chaud pénètre dans la tour, il est refroidi par les conduits souterrains qui sont à une température plus fraîche.

À l’heure où le réchauffement climatique oblige à repenser la ville en profondeur, et la façon d’y vivre, les tours attrape-vents reviennent en force dans les cahiers des charges des architectes, des aménageurs et des constructeurs. Mis en regard de l’impact de la climatisation sur la consommation d’électricité dans le monde, qui dépasse les 10 %, ces procédés constructifs ancestraux qui utilisent des matériaux locaux et durables (argile, bois, brique) redeviennent parfaitement d’actualité.

Un laboratoire du changement climatique à ciel ouvert à Séville

Contre le changement climatique qui a de graves conséquences pour la population en termes de santé, de développement économique et urbain et d’emploi, Séville, en Andalousie, a décidé de se transformer en laboratoire. Grâce à deux projets étroitement liés, Cartuja Qanat et LIFE Watercool, Séville élabore une stratégie efficace d’adaptation au changement climatique en valorisant les artères qui composent ses quartiers. Ces deux projets sont le fruit de la collaboration entre Zabala Innovation et Emasesa.

L’aire d’intervention du premier projet est celle du parc technologique de Cartuja, où l’on récupère et modernise des technologies ancestrales de contrôle du climat et où l’on recycle les stratégies d’amélioration du climat, mises en place lors de l’Exposition universelle de 1992. Des composants et stratégies innovants tels que le contrôle solaire variable, la dissipation nocturne vers le ciel, la dissipation vers le sol avec régénération nocturne par évaporation, le stockage thermique dans les qanats (galeries souterraines) et la production d’électricité solaire sont utilisés partout dans cette zone.

Ce projet intègre la technologie de télédétection et l’intelligence artificielle pour une gestion optimale des installations en utilisant le contrôle de présence, les préférences des utilisateurs et les prévisions climatiques. Le résultat est une installation pionnière à énergie nulle et à émissions nulles sur une base annuelle. Réduction de 10°C de la température dans les espaces ouverts, développement d’une approche de partenariat public-privé pour l’adaptation de la ville au changement climatique avec intégration de solutions bioclimatiques, utilisation de produits céramiques fonctionnels capables de retenir une grande quantité d’eau grâce à leur structure poreuse, sont quelques-uns des objectifs atteints pour ce programme ambitieux.

LIFE Watercool a été conçu comme un projet de réplication et de transfert, un projet de démonstration de la mise en œuvre d’une nouvelle façon d’appréhender la rue dans une perspective d’adaptation au changement climatique, en utilisant les infrastructures hydrauliques. Ses objectifs : développer un catalogue de solutions vertes comprenant des technologies bioclimatiques pour générer un microclimat dans les rues qui rend le trafic viable et qui permet aux gens de s’y s’attarder, en vue d’une reproduction et d’un transfert rapides.

Un tronçon de l’avenue de la Cruz Roja à Séville a ainsi été ouvert à la circulation piétonne en septembre 2022, après la fin des travaux de rénovation des réseaux d’approvisionnement et d’assainissement ainsi que du pavage, transformant cette partie de la capitale andalouse en un laboratoire urbain résilient au changement climatique.

La ville-éponge, un concept résilient qui se développe un peu partout dans le monde

Dans les villes, remplacer les sols et la végétation par des surfaces minérales entraîne une imperméabilisation des surfaces qui perturbe le cycle naturel de l’eau, augmente les risques d’inondations et menace la qualité de nos cours d’eau. Dans un contexte très urbanisé, l’absorption dans la terre et l’infiltration dans les nappes phréatiques est quasiment impossible. L’évacuation se fait alors par le système de drainage dont la capacité est limitée par la taille des tuyaux. En cas de fortes pluies, du fait de la saturation du réseau, les eaux domestiques (des éviers, douches et toilettes) se mêlent aux eaux de pluie et se retrouvent directement dans la nature, produisant ainsi un fort épisode de pollution.

Pour parer à cette vulnérabilité aux inondations et aux épisodes caniculaires, plusieurs villes, en Chine, au Mexique, au Costa-Rica, ont opté pour la solution ville-éponge.

Il s’agit d’aménager la ville de façon à gérer l’eau de pluie là où elle tombe, en laissant la ville agir comme une éponge, plutôt que de rejeter l’eau le plus rapidement possible vers les cours d’eau. Pour intégrer le concept de ville-éponge dans le paysage urbain et rendre nos villes plus résilientes face aux changements climatiques, il faut favoriser la déminéralisation et la végétalisation en réduisant les surfaces bétonnées dans nos milieux bâtis, ainsi qu’en protégeant et augmentant les espaces végétalisés. Les villes doivent donc opter pour des aménagements qui favorisent l’absorption de l’eau, telles que les infrastructures vertes. Ces infrastructures permettent d’améliorer la qualité des cours d’eau, d’épurer l’air, de bonifier la qualité de nos milieux de vie, d’augmenter la canopée et la biodiversité urbaine.

Inspiré de méthodes hollandaises, le concept de ville-éponge a été popularisé par un programme lancé fin 2014 par la Chine avec cet objectif d’améliorer la résilience urbaine face aux inondations torrentielles et de sécuriser leur approvisionnement en eau. D’ici 2030, 80% des aires urbaines devront être capables d’absorber et de réutiliser 70% des eaux de pluie qui les touchent. Pour cela, 12 milliards de dollars de subventions publiques et d’investissements privés ont été débloqués. Ils financent des centaines de projets de rénovation dans les grandes métropoles chinoises.

En 2016, la ville de Wuhan est frappée par de fortes pluies qui paralysent le centre-ville. La disparition des lacs est rapidement dénoncée. La ville comptait en effet 127 lacs dans les années 1980, elle n’en compte plus qu’une trentaine aujourd’hui du fait de son urbanisation massive. Pionnière du programme « Sponge City », la ville recrée depuis quelques années de gigantesques zones humides.