Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.
« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.
Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.
Voici la treizième et dernière contribution à ce webinaire :
Intervention de Paul-François Flori : Directeur général, Tarra
Bonjour à tous, merci à l’AVITEM et à vos partenaires de la fondation Amidoul et du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour nous permettre de présenter des solutions qui, nous le verrons, peuvent être très complémentaires de ce que l’on a entendu jusque-là.
Tarra est né grâce à un projet d’enfouissement. Alors le terme « grâce » est ironique, car c’est justement pour éviter ce genre de projet d’enfouissement que Christian Mela a cherché à développer des solutions. Ces solutions, pour des raisons pratiques d’autonomie, font la part belle au traitement et à la valorisation sur place, et toujours dans cette logique de recyclage, en ayant un système de valorisation de la terre à la terre.
Comment nous nous positionnons et que propose-t-on ?
Notre proposition consiste à accompagner les territoires et ses acteurs à travers des solutions, des projets d’économie circulaire, avec en son centre la valorisation des biodéchets sur place ou à la source, en fonction de comment on veut le définir. Et puis à côté de cela, comme toute entreprise qui se veut vertueuse, notre volonté c’est aussi d’inspirer des nouveaux comportements et des modes de gestion durable.
Les solutions que nous proposons sont assez simples. Ce sont des composteurs électromécaniques qui permettent de traiter sur place et qui s’intègrent à l’existant. L’idée, c’est en fait d’éviter la collecte et la centralisation via des plateformes gigantesques du traitement des biodéchets et le compostage et c’est pour cela que nous proposons de travailler sur place. C’est un système automatisé, s’inscrivant en plein dans les nouvelles technologies, avec des appareillages performants puisque que l’on peut pré-traiter des biodéchets en 24h, c’est-à-dire les réduire de 80/90%. Puis, au bout d’un cycle de traitement de la machine, deux semaines après environ, nous obtenons un compost immature mais déjà normé NFU 44051. Après une nouvelle maturation de 4 à 6 semaines, nous disposons d’un compost complètement mature.
Évidemment, ces solutions s’intègrent dans des projets d’économie circulaire et de développement durable, et bien sûr cela dépend des projets de chacun et de chaque vision de l‘économie circulaire. Toutefois, l’idée globale consiste bien à réutiliser les ressources et à préserver notre capital environnemental. Ici (diapo page 4), vous avez un exemple de projet de jardin potager dans une cantine scolaire : la récolte de déchets organiques a permis de créer et d’alimenter des potagers en « ultra-local » situés à quelques centaines de mètres à peine de la source des déchets. Un de nos grands atouts, c’est bien cette possibilité de s’intégrer et de disposer d’un usage potentiel, qui va du particulier jusqu’au syndicat de traitement des déchets.
Pourquoi le compostage sur place ?
Une des premières raisons, c’est la réduction de l’impact de la collecte en minimisant les besoins de transport. Il faut parler aussi de l’emprise sur les sols : quand on crée des grandes plateformes de compostage qui peuvent être des solutions certainement pertinentes selon les territoires, on va souvent avoir une emprise sur le terrain et ce qui va réduire la capacité d’utilisation des sols pour les espaces verts par exemple et par la même occasion de captage du carbone. De notre côté, notre capacité de traitement accéléré repose aussi sur l’utilisation d’un cocktail bactérien « extrêmophile ». Ce sont des bactéries actives à plus de 55°, et il faut noter que nous ne faisons en fait rien d’autre que reproduire les opérations naturelles (air, chaleur, bactéries), mais de manière accélérée en sollicitant des bactéries particulièrement performantes. Le fait d’utiliser cette technologie pour l’accélération et la reproduction du phénomène naturel de compostagenous permet également d’éviter la méthanisation pendant le traitement, ce qui constitue un point non négligeable, puisque le méthane est un gaz à effet de serre fortement et négativement impactant sur le climat de la planète.
Concernant l’économie budgétaire, et il faut en parler car c’est souvent une clé sur les projets en fonction de l’interlocuteur. Par exemple, La problématique du coût est un indicateur essentiel pour les acteurs du privé. Un des angles d’attaque pour étudier les projets, c’est bien sûr cette analyse qui compare le prix d’une solution face au coût de traitement des déchets pour en relever la pertinence. L’ADEME a publié une étude qui stipule que le coût de traitement médiant des biodéchets est de 377€ à la tonne, mais qu’il peut monter jusqu’à plus de 670€/t à Paris ou sur des territoires très denses où il peut être extrêmement compliqué d’accéder à la source des déchets. L’ambition de Tarra est de réduire ce coût, ceci se fait d’abord parce que nos infrastructures sont extrêmement réduites et ensuite parce qu’il y a peu de ressources humaines à engager sur le traitement et la valorisation du déchet.
La performance globale constitue une clé et nous misons sur un encombrement réduit, qui nous permet par exemple de bien nous intégrer dans le bâti. De plus, cette technologie est sans odeur et automatisée « plug & play ». Si je fais un parallèle avec une autre ressource comme le solaire par exemple, cela revient à effectuer un choix entre des centrales solaires massives ou avoir un kit solaire à la maison pour produire soi-même son électricité. Bien entendu, ce qui compte aussi c’est le cadre légal. Notre action est motivée par notre conviction qu’elle est efficace et complète, mais aussi parce que nous disposons d’un cadre légal qui nous incite à valoriser les biodéchets avec un retour au sol. Or, ce cadre légal sera difficile à mettre en œuvre car il va y avoir un déficit de moyens de fertilisation et d’amendement des sols dans les années venir. D’où notre position et proposition.
Pour donner un peu de perspective à tout cela, le travail que nous portons a pour objectif de s’intégrer à cette démarche commune visant à inventer la ville et les territoires de demain, qui seront nécessairement plus durables. On parle beaucoup de zéro déchet, de zéro émission de gaz à effet de serre, de végétalisation des villes, de création de ressources naturelles, et c’est cela qui se trouve derrière l’activité de Tarra : favoriser les boucles et l’économie circulaire avec la réutilisation, le recyclage et le réemploi en local et puis fonctionner en circuit court c’est-à-dire avec une réduction des intermédiaires.
La résilience, nous en parlions plus tôt, c’est l’autonomie pour les territoires et cela passe en premier lieu par ne pas envoyer chez le voisin les déchets que l’on produit. C’est aussi pouvoir gérer sa propre production. Ici, j’ai pris comme image (diapo page 6) un projet qui s’appelle « Peas & Love » à Bruxelles et qui existe aussi dans certains quartiers de Paris : ce projet consiste à végétaliser la ville et à créer une forme d’autonomie dans la production agricole locale tout en favorisant l’inclusivité qui est aussi cruciale. L’idée, c’est d’impliquer les populations et d’intégrer, à chaque fois que c’est possible, dans ces projets des personnes en réinsertion ou des personnes en situation de handicap.
Créer du lien, travailler ensemble pour s’appuyer sur la démarche d’intelligence collective est fondamental, comme l’est le recours aux nouvelles technologies, aux systèmes connectés, ces technologies devant réellement permettre d’aider les projets de développement durable à être encore plus performants.
Notre proposition est bien entendu constituée par le concept en lui-même de traitement et de valorisation des déchets, mais elle concerne aussi un accompagnement dans la recherche de modèle d’économie circulaire adapté, car il est essentiel de ne pas oublier que chaque territoire, voire chaque quartier à son échelle, peut avoir ses problématiques propres. On peut plus ou moins répliquer des modèles, mais la vraie réponse reste de s’inspirer, c’est-à-dire d’avoir une base de réflexion sur le traitement sur place qui pourra être adapté en fonction des caractéristiques de chaque territoire. S’inspirer sans répliquer, cela passe par l’intégration des partenaires locaux, car on ne fait jamais les choses seul, et il est fondamental de penser au collaboratif et à la force du collectif.
Seuls, nous ne pouvons pas grand-chose et c’est seulement quand on unit nos forces que l’on peut relever des défis à la mesure de la sauvegarde du climat et de l’environnement. Ce sont des thématiques qui attendent que l’on s’y attèle de manière complémentaire et bienveillante.
Pierre Massis : Modérateur
Merci beaucoup Mr Flori ! Je ne crois pas vous avoir entendu préciser que la solution Tarra est originaire de Corse. Est-ce que vous avez des prospects actuellement sur l’île de beauté ?
Paul-François Flori : Directeur général, Tarra
Bien sûr, nous travaillons avec des supermarchés, avec des hôtels, avec des collectivités que je ne vais pas encore citer car nous sommes en cours de négociation. Nous travaillons sur un projet de “food court“ regroupant une douzaine de restaurants, justement pour traiter ces déchets à la source. Et puis nous sommes aussi présents sur le continent puisque nous avons vocation à être aussi actifs sur le territoire métropolitain. Nous sommes notamment présents auprès de certains restaurants à Paris, ou encore auprès de restaurants zéro déchet comme à Saint Gervais, en territoire montagneux. Nous sommes aussi en discussion actuellement avec une équipe de football. Nous avons un très bon réseau de partenaires, que nous développons parce que c’est pour nous un choix stratégique. Tous nos partenaires sont convaincus, notamment les partenaires portant des projets de permaculture. Pour revenir à la Corse et aux hôteliers avec lesquels nous travaillons, nous partageons la même vision du futur de notre île, en encourageant les pratiques les plus respectueuses possibles de l’environnement. Ainsi, pour ces hôteliers, cela consiste à utiliser la matière organique pour la permaculture dans une dynamique de zéro déchet.
Pierre Massis : Modérateur
C’est vraiment passionnant, je me rappelle que, quand nous avions préparé votre intervention, j’avais trouvé extrêmement porteur en termes d’inclusivité et de changement des mentalités, le fait que ce soient les élèves qui déjeunent aux selfs qui amènent eux-mêmes leurs déchets organiques aux composteurs. Et qu’un mois plus tard, ces derniers puissent voir le compost maturé venir fertiliser les jardins ou les potagers au sein des écoles. D’ailleurs vous nous aviez dit que cela fonctionnait aussi dans les EHPAD.
Paul-François Flori : Directeur général, Tarra
Exactement, ici nous parlons de parcours de santé et c’est tout à fait adapté aux EHPAD et établissements de santé de manière générale. La finalité dépend là encore de l’objectif poursuivi. Il y a des professionnels ou des collectivités qui vont seulement acheter un service, tandis que d’autres ont le souci de voir concrètement ce qui est produit avec le fruit de leurs efforts. C’est aussi la puissance de notre solution. Elle est en mesure de s’adapter en fonction des gens et des objectifs que l’on souhaite atteindre. Mais quel que soit l’objectif poursuivi, ce qui est certain c’est qu’elle participe, quoiqu’il arrive, à produire un impact positif sur le territoire, changer les mentalités, créer du lien entre les différents acteurs, inciter à créer des projets inclusifs, sensibiliser et éduquer les élèves (et les familles…) à travers des projets de permaculture, fertiliser et amender le sol de son jardin ou de son potager à partir de ses déchets. Car finalement, pour les territoires, en plus de la captation du carbone dans les sols c’est aussi d’autonomie alimentaire dont on parle.
Pour prendre connaissance de la présentation PPT de P.F. Flori, c’est par ici