Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (8/13)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (8/13)

Webinaire 3 : Les déchets en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (8/13) 1100 620 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Nous poursuivons la mise en ligne des intervenants du troisième webinaire dédié aux ressources en Méditerranée. La thématique que nous avons décidé d’explorer concerne un sujet très problématique en Méditerranée, celui des déchets.

« Les déchets, une ressource ? » Si l’affirmation n’est pas immédiatement évidente, nous allons voir pourquoi et comment les intervenants de ce troisième webinaire, qui s’est tenu le 3 juin dernier, soutiennent cette position.

Pour mémoire, le webinaire du 3 juin est le troisième d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci.

Voici la huitième contribution :

Intervention de Asma Djeffal : Architecte chercheuse, Département architecture, Université Ferhat Abbas, Sétif

Bonjour à tous.

D’abord je tiens à remercier l’AVITEM, pour cette opportunité et pour toutes vos orientations. Je tiens aussi à remercier l’ensemble des intervenants pour leurs précieuses actions en faveur de la préservation de l’environnement.

Cette présentation porte sur l’application de l’économie circulaire au secteur du bâtiment par le biais de l’analyse des cycles de vie, connue sous l’abréviation ACV. Le concept de développement durable connaît l’interdépendance des enjeux sociaux, économiques et environnementaux, ce qui nécessite la mise en œuvre des approches multicritères prenant en compte l’ensemble du cycle de vie des produits, de leur fabrication à leur élimination finale. Le développement de la normalisation internationale ISO a fixé des bases déontologiques et méthodologiques et retenu le terme d’analyse du cycle de vie. Celui-ci se définit comme une compilation des intrants, des extrants et des impacts environnementaux potentiels d’un produit au cours de son cycle de vie. L’ACV peut être considérée comme un cadre à la fois conceptuel et méthodologique visant à évaluer la performance environnementale. Elle permet de quantifier les impacts d’un produit, d’un matériau, d’un service, voire d’un procédé sur l’ensemble de son cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières qui le composent jusqu’à son élimination en fin de vie. Elle est utilisée depuis plusieurs années par divers secteurs industriels, et a intégré le marché de la construction depuis les années 2000 environ. On observe une croissance constante de l’intérêt à la problématique bâtiment et environnement, mais la qualification des impacts environnementaux dû au bâtiment reste globale, notamment à travers les chiffres liés à la consommation d’énergie et aux émissions de gaz à effet de serre. L’ACV d’un bâtiment doit couvrir l’ensemble de son cycle de vie et comprend la conception, la construction, l’utilisation et la fin de vie. Il faut rappeler ici que le secteur du bâtiment est le plus consommateur d’énergie et le plus consommateur de déchets. L’ACV peut être appliquée aux matériaux et produits de construction d’une part, et au bâtiment dans sa globalité d’autre part.

La méthode que nous avons développée est appliquée à plusieurs établissements d’enseignement scolaire de la wilaya de Sétif en Algérie et en particulier les écoles primaires. L’objectif de cet ACV est de quantifier la performance environnementale, en particulier en ce qui concerne la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, afin de minimiser l’épuisement des ressources et de diminuer le rejet des déchets dans la nature ainsi que de prendre en compte l’usage, la santé, le confort et notamment le confort visuel et thermique des usagers. Cependant l’esthétique et la qualité de vie ne peuvent pas être abordées car elles ne sont pas quantifiables et leurs appréciations sont subjectives. En ce qui concerne le volet économique, d’autres méthodes d’analyse sont nécessaires, telle l’analyse du coût global. Par conséquent ces deux aspects ne sont pas pris en compte dans le cadre de cette analyse. Nos études de cas tournent autour de 4 avant-projets définitifs concernant des écoles primaires ayant en dénominateur commun de toutes disposer de salles de classes, d’un bloc pédagogique et d’administration, d’une cour de récréation et de logements de fonction. Notre élément de mesure est la salle de classe qui représente un équivalent fonctionnel ou une unité fonctionnelle. Elle est constituée d’une salle de classe, en tant qu’unité de produits, appelée à accueillir 35 élèves avec leurs enseignants dans les meilleures conditions de confort, de santé et de sécurité, pendant 9h par jour, 5 jours par semaine, 190 jours par an comme unité de temps.

Nous avons décidé d’utiliser un outil informatique associé à deux autres logiciels. Après avoir défini les scénarios d’occupation des salles de classe, on a lancé les calculs qui ont abouti à des résultats numériques, des résultats graphiques et des éco-profils. Ce travail a aussi permis d’afficher des diagrammes sous la forme d’un radar permettant la comparaison entre plusieurs variantes.

Les impacts estimés peuvent se regrouper en trois catégories suivant leur nature :

  • les impacts énergétiques représentant l’énergie consommée, l’eau utilisée, l’épuisement des ressources symbiotiques et les déchets inertes produits ;
  • des impacts environnementaux concernant les déchets radioactifs, l’effet de serre, l’acidification, et l’eutrophisation ;
  • des impacts sanitaires précisant la toxicité humaine, la production d’ozone photochimique et l’odeur.

L’analyse montre en premier lieu que les 4 projets nécessitent une consommation d’énergie et d’eau plus ou moins importante à la phase d’utilisation. Elle présente en effet des valeurs acceptables du point de vue de l’épuisement des ressources symbiotiques et de la production des déchets inertes, même si cette dernière apparaît importante en fin de vie. L’acidification est l’impact environnemental le plus émergent, surtout en phase de construction. Puis, on peut noter l’effet de serre dans la phase d’utilisation. Les impacts et aspects sanitaires se manifestent fortement dans les phases de la construction et de l’utilisation avec des valeurs plus ou moins distinctes. À l’heure où les recommandations s’orientent vers la conception de bâtiments durables ces impacts peuvent être réduits voire éliminés par le biais de l’isolation des parois, l’utilisation de vitrages très isolants, la réduction des ponts thermiques, l’étanchéité à l’air, la ventilation passive à l’aide d’un échangeur air/sol -ou ce qu’on appelle un puits canadien ou provençal- et l’installation photovoltaïque pour couvrir les besoins en électricité. Ce sont les principaux points que l’on a intégrés dans les différents projets afin de faire un comparatif entre des alternatives de conception durable.

Au vu des résultats obtenus par ces différentes initiatives, il nous semblait que la conception, qui présente le minimum d’impact environnemental, n’assure pas le confort souhaité, ce qui nous invitait à mettre en valeur une autre proposition d’amélioration de la qualité, conçue sans nuire à l’environnement. La base de données de l’ACV intégrée dans un de nos logiciels présente les impacts de quelques matériaux, ce qui nous a aidé à sélectionner les moins impactant. La conception de bâtiments basse consommation (BBC) est la seule qui a pu réduire les impacts d’une manière remarquable, mais sans conserver le confort voulu. Alors nous avons tenté d’ajouter de nouvelles suggestions à la composition BBC. Les modifications que nous avons introduites sur les compositions de la conception BBC concernent l’ajout de matériaux plus résistants surtout au niveau du toit terrasse, le remplacement du parpaing par le béton cellulaire dans les murs extérieurs, l’isolation dans les planchers intermédiaires et le changement de type de vitrage et porte.

Heureusement, le résultat a été le meilleur comparé à toutes les autres tentatives. Pour les 4 projets, les besoins thermiques nets dans la conception BBC modifiée s’abaissent par rapport à la conception des bureaux d’études, et c’est ainsi pour tous les impacts. Cette variante présente par ailleurs plus de confort par rapport à toutes les autres conceptions. Les valeurs d’impact s’abaissent toutes sauf celle des odeurs et des puisements dans les ressources hydriques, mais elles restent rassurantes tant qu’elles ne dépassent pas les valeurs référentielles déterminées par les autres. Les résultats montrent de fait, qu’il est possible de diminuer les impacts environnementaux d’un bâtiment, mais la complexité du système bâtiment/usage nécessite de lui ajouter d’autres outils comme l’ACV.

En conclusion, l’ACV permet vraiment d’orienter le choix en termes de conception, même si l’impact environnemental d’un bâtiment est notablement réduit sans pour autant arriver à une élimination totale. Il semblerait donc qu’une recherche complémentaire soit nécessaire pour assurer la robustesse de l’approche. Nos perspectives de recherche s’orientent vers la généralisation de l’utilisation de l’ACV qui représente un outil d’aide à la décision dès la phase de conception. Elle permet aussi la comparaison entre plusieurs alternatives et pourrait être intégrée dans les règlements d’architecture et d’urbanisme pour la sélection des meilleurs projets.

Je vous remercie pour votre attention !

Pour prendre connaissance de la présentation PPT de A. Djeffal, c’est par ici