Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (8/12)

Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (8/12)

Webinaire 2 : L’énergie en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – AViTeM (8/12) 1147 814 Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée

Après la partie dédiée aux expertises méditerranéennes, nous poursuivons aujourd’hui la vision que procure l’expérience territoriale. Nous allons pouvoir prendre connaissance de l’approche urbaine, celle de la ville de Batna.

Nous poursuivons donc les présentations de la deuxième session d’interventions du second webinaire, qui s’est tenu le 29 avril dernier autour de la ressource énergétique en Méditerranée.

Pour mémoire, le webinaire du 29 avril est le second d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets et, parmi les solutions, notamment celles qui feront l’objet du quatrième webinaire (le 1er juillet), celles qui ont principalement recours à la basse technologie. 

Intervention de Noureddine Zemmouri : Vice-Recteur Chargé de la post graduation et de la recherche, université de Biskra

Bonjour à tous et merci pour l’invitation. Il m’a été demandé de donner un échantillon des travaux de recherche qui sont en cours au sein de notre laboratoire. Pour rappel, il s’agit d’un laboratoire d’architecture avant tout, mais il est aussi un laboratoire dédié à la recherche sur les liens entre l’architecture/l’urbanisme et l’environnement. C’est à partir de cette volonté que nous avons établi plusieurs projets, des projets de recherche en partenariat, mais aussi des projets de recherche doctorants. Nous disposons d’une collection de sujets d’architecture et d’urbanisme en cours qui sont liés à la question de l’environnement et donc nécessairement à celle de l’énergie. Nous le savons maintenant, le métier d’architecte doit évoluer, il doit changer dans le sens où les défis qui sont posés actuellement à la réflexion sont des défis qui étaient déjà connus dans les années 60 et 70. Aujourd’hui l’architecture se veut de plus en plus environnementale, et doit prendre en compte le fait que les deux grands défis, qui sont de vraies questions de survie pour l’humanité, sont l’énergie et l’eau.

D’autre part, le cas méditerranéen est très particulier du point de vue du climat et de l’environnement, et par « environnement », je parle aussi d’environnement humain. C’est dans cette conception-là de l’environnement qu’il convient de s’intéresser à l’acceptabilité auprès de la population de cette nouvelle tendance qui consiste à aller vers l’énergie renouvelable. Nous n’avions pas eu l’occasion jusque-là de faire de diagnostic en ce sens, c’est-à-dire de voir si les populations acceptent plus facilement d’installer un panneau photovoltaïque sur le toit de leur maison si en contrepartie cela réduit d’1/3 leur facture d’électricité. Je pense que nous serions étonnés du résultat qui montre bien que les habitants sont prêts à accepter ces changements car, pour beaucoup, l’énergie c’est un problème économique pour le pays et pour la population. En ce moment nous parlons beaucoup de transition énergétique, mais celle-ci ne doit pas faire l’impasse sur les aspects pratiques et opérationnels. C’est ce rôle que peuvent assumer les projets de recherche.

C’est utile d’avoir des données surtout quand leur utilisation se fait en premier lieu de manière à déterminer une stratégie globale pour un pays, puis permet de donner l’opportunité aux unités de recherche et aux laboratoires de valoriser ce savoir-faire pour déterminer les possibilités que couvre la recherche dans ce domaine. C’est en ce sens que notre laboratoire a initié plusieurs modèles de recherches, dont je vous vous présenter aujourd’hui un exemple. Ce modèle traite de la question énergétique mais aussi de la forme urbaine. De façon générale, nous avons tendance à penser que les transports seraient le grand secteur consommateur d’énergie, alors qu’en réalité ce sont plutôt les secteurs résidentiel et tertiaire qui consomment le plus. En effet, nos données nous disent que plus de 45% de l’énergie totale sont utilisés par ces deux secteurs.

Ce qui veut dire que si l’on souhaite optimiser la question énergétique, il faut d’abord s’attaquer au bâtiment. L’approche doit évidemment être différente en fonction des spécificités des territoires. Nous sommes tous attentifs aux leçons du passé : par exemple, nous apprécions beaucoup l’expérience du M’Zab, car pour nous c’est une leçon d’architecture et il y a probablement d’autres exemples similaires à travers le monde. Cependant, je pense qu’il faut aussi savoir revaloriser le savoir actuel. Par exemple, aujourd’hui nous mettons le mot « SMART » derrière tout : SMART-architecture, SMART-urbanisme, SMART-city, etc. Nous observons cette nouvelle manière de concevoir la ville pour en faire une ville « intelligente » qui répond non seulement aux exigences des différents Etats mais qui consomme aussi moins d’énergie. Car l’énergie et la pollution vont de pair, plus l’on consomme dans une région plus l’on pollue. La pollution c’est aussi une thématique centrale évoquée dans le cadre de la recherche pratique.

Le développement urbain en Algérie, et là je parle de l’Algérie mais cette tendance est valable pour le monde entier, est que nous allons vers de plus en plus d’urbain, les gens habitent de plus en plus en ville. Nous mettons donc plus d’efforts dans le développement des villes que dans la relation ville/campagne par exemple, et, que nous le voulions ou non, la ville se développe à un rythme effréné. C’est en ce sens qu’il faut réfléchir à la stratégie à adopter pour contrôler le développement des villes. Le travail que nous avons entrepris vise à réfléchir au meilleur cahier des charges portant non seulement sur la forme de la ville mais aussi sur le confort de l’utilisateur. Il ne s’agit pas juste de développer la ville dans le sens « SMART » mais aussi de redonner aux utilisateurs le confort maximal, tout en utilisant moins d’énergie et en polluant moins l’environnement. C’est ce défi qui est posé à l’architecte des années 2020.

En Algérie, la consommation d’électricité a augmenté de manière constante et soutenue chaque année d’environ 4% depuis les années 80. Ce sont des évolutions vraiment importantes au sens où cela débouche sur des problèmes de crises et de manques d’électricité parce que les pouvoirs publics du pays n’ont pas prévu ce développement urbain inattendu, et que le développement n’a pas été géré de manière à conserver cet équilibre ville/campagne. Cela débouche sur une situation, aggravée en partie par le changement climatique et par les déboires qui en découlent actuellement, où l’on finit par éliminer de nombreux éléments qui constituaient l’apport du savoir-faire ancestral, au bénéfice du développement actuel en architecture et en urbanisme.

Or, cette augmentation de consommation est paradoxale par rapport au potentiel énergétique du pays, particulièrement bien doté en termes d’énergie solaire. En quelques chiffres rapides, l’énergie reçue quotidiennement sur une surface horizontale de 1 m² est de l’ordre de 5 kwh sur la majeure partie du territoire national, soit 1700 kwh/m² et par an. Donc le total d’énergie reçue est estimé à 169 400 Twh, ce qui fait 5000 fois la consommation d’électricité actuelle. C’est sur ce paradoxe-là que l’ensemble des acteurs devrait réfléchir afin d’intégrer les nouvelles technologies dans la conception, mais aussi revenir à la formation. Parce que la formation en architecture manque beaucoup de connaissances en termes de sciences du bâtiment. L’architecte n’est pas seulement l’architecte du design, il est aussi l’architecte ingénieur qui doit disposer d’un savoir très important dans les sciences du bâtiment pour pouvoir contrebalancer ce nouveau défi et développer une nouvelle manière de concevoir le bâtiment et la ville.

Maintenant, je souhaiterais vous présenter, à titre d’exemple, un travail réalisé il y a 5 ans portant sur la recherche de la forme urbaine optimisée et incluant l’utilisation de l’énergie renouvelable. Nous nous sommes donnés le temps de voir quel type de système pourrait être intéressant à installer dans une région spécifique, la région de Batna dans ce cas précis. Cette région dispose d’un climat continental. Nous souhaitions faire une sorte de test et nous n’étions pas seulement intéressés par la période estivale la période de fortes chaleurs, mais aussi par la période d’hiver, ce qui signifie qu’il s’agissait de voir les types de systèmes à adopter tout au long de l’année, voir s’il fallait chauffer ou plutôt refroidir… Une autre problématique majeure était celle de l’éclairage intérieur, car nous le savons, une bonne partie de la consommation électrique dans les bâtiments est utilisée pour l’éclairage. Cette partie de la consommation peut être ajustée dans le sens où elle peut être grandement réduite en orientant de manière optimale les bâtiments et en les ouvrant sur l’extérieur d’une manière adéquate. Nous avons donc travaillé sur l’installation des panneaux photovoltaïques mais aussi sur l’orientation des bâtiments en vue d’exploiter au maximum le potentiel lumineux pour l’éclairage intérieur.

Sur le cas d’étude de la ville de Batna, nous avons considéré un nouveau quartier administratif comprenant plusieurs styles de bâtiments. C’était un travail de magister  donc cela ne nécessitait pas vraiment d’action de mesures, c’était plutôt un travail basé sur l’assimilation et sur les résultats de l’assimilation. Les résultats sont assez probants dans le sens où ils préparent les recommandations à apporter aux architectes. La procédure était simple : il fallait évaluer le potentiel solaire en fonction des conditions climatiques, déterminer la forme urbaine en 3D, faire de l’assimilation grâce au logiciel solaire, puis retrouver les niveaux d’utilisation optimale de la forme urbaine actuelle du cas d’étude. Cette manière de faire va permettre de délivrer des orientations aux architectes pour qu’ils puissent intégrer ces nouveaux systèmes à l’enveloppe du bâtiment.

En conclusion, voici succinctement les résultats auxquels nous sommes arrivés. Il y a beaucoup de choses à dire, et, sans remettre en cause le savoir-faire ancestral, je pense juste qu’il faut faire attention. Par exemple, il y a beaucoup de gens qui veulent un retour à la densification du tissu urbain, alors que, au contraire faire une ville plutôt éclatée pourrait améliorer les résultats en termes de potentiel solaire et peut être même éolien. Il y a aussi le rapport hauteur/largeur, ou encore l’orientation comme ce que nous avons vu aujourd’hui. Cet exercice peut être à la base d’un projet permettant d’établir un cahier des charges spécifique à la région qui délivrerait les recommandations essentielles aux architectes pour un bâtiment et une ville durables.

Je vous remercie.

Pierre Massis : Modérateur

Merci beaucoup Mr Zemmouri. Ici, évidemment il paraît difficile de dire que nous ne nous inspirons pas des savoir-faire ancestraux puisqu’en fait nous les utilisons, qu’il s’agisse de l’orientation, de la forme, de la hauteur, de l’écartement, etc, nous sommes vraiment dans « ce que l’on a reçu ». Bien sûr, l’état actuel de la science nous permet de le qualifier, mais ce que je retiens aussi dans ce que vous avez dit c’est cette donnée naturelle dont bénéficie le pays qui est cet ensoleillement. Il s’agit d’un atout majeur puisque cela permet de mieux exploiter les capteurs solaires et d’emmagasiner plus et mieux l’énergie. Par ailleurs, nous en revenons à ce que disait Mr l’Ambassadeur Meunier en début de session, le lien humain qu’entretiennent les populations avec l’énergie se matérialise de plus en plus autour de cette problématique du réchauffement climatique.

Nous nous en rendons bien compte à travers tous ces travaux, qu’il s’agisse d’expériences oasiennes, insulaires, ou même celle que Mr Zemmouri nous a décrite, l’ensoleillement devient un allié et nous sommes de plus en plus à valoriser cet apport naturel alors même que nous avons souvent tendance à nous plaindre de la chaleur, tout en continuant d’atténuer les îlots de chaleur urbains. Toute l’intelligence humaine, celle des savoirs ancestraux comme celle des bâtisseurs modernes, se positionne dans cette logique.

Pour prendre connaissance du support de présentation de N. Zemmouri, c’est par ici.