Après la partie dédiée aux expertises méditerranéennes, nous poursuivons aujourd’hui la vision que procure l’expérience territoriale. Nous allons pouvoir prendre connaissance de l’approche insulaire, avec l’intervention d’une experte de l’AUE de Corse.
Nous poursuivons donc les présentations de la deuxième session d’interventions du second webinaire, qui s’est tenu le 29 avril dernier autour de la ressource énergétique en Méditerranée.
Pour mémoire, le webinaire du 29 avril est le second d’une série de quatre, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets et, parmi les solutions, notamment celles qui feront l’objet du quatrième webinaire (le 1er juillet), celles qui ont principalement recours à la basse technologie.
Intervention de Sophie Finidori : Direction déléguée à l’énergie de l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse
Tout d’abord je vous remercie pour votre invitation et je suis ravie d’être la première représentante de la Collectivité de Corse à intervenir concrètement sur un axe de travail de l’AVITEM, comme suite à la signature de la convention de la CdC avec l’Agence.
J’ai opté pour une présentation qui donne une idée générale de la thématique concernée, ce qui restera évidemment très parcellaire parce qu’il y a beaucoup de choses à mentionner. De même, il m’a semblé essentiel de vous offrir une idée de la politique énergétique de la Corse, de ses objectifs ainsi que de quelques éléments de mise en œuvre. Je vais d’abord vous exposer les systèmes énergétique et électrique de l’île, puis je vais vous présenter les documents-chapeaux de planification énergétique que sont le SRCAE (Schéma régional Climat-Air-Energie)et la PPE. Enfin, je vais vous exposer quelques dispositifs opérationnels dont le cadre de compensation, nos appels à projets et, pour conclure, je finirai, avec quelques exemples concrets.
Commençons, tout d’abord avec les deux diapositives d’introduction permettant de présenter l’Agence d’urbanisme et d’énergie (AUE) et pour rappeler que la loi a investi la Collectivité de Corse d’importantes compétences en ce qui concerne l’énergie. L’AUE, qui est un EPIC (Etablissement public à caractère industriel et commercial) de la Collectivité de Corse, a pour mission d’élaborer et de mettre en œuvre un certain nombre de politiques du territoire, les politiques d’urbanisme, d’aménagement durable, d’énergie, d’air et du climat. Concernant la gouvernance, il est important de citer le Conseil de l’énergie et du climat, instance régionale de concertation et d’étude destinée à éclairer les organes décisionnels de la Collectivité de Corse que sont le Conseil exécutif, l’Assemblée de Corse et le Conseil économique social et culturel. C’est au sein de cette instance que tous les travaux de programmation sont élaborés, discutés, concertés. Il s’agit d’une instance qui comprend à la fois des institutions régionales, étatiques, des professionnels et des syndicats, ce qui est conforme à un esprit de gouvernance ouvert. La CdC dispose également d’un outil majeur, l’OREGES (Observatoire régional énergie et gaz à effet de serre), qui lui permet de construire ces politiques, d’améliorer ses connaissances et d’accompagner ses politiques énergétiques.
Pour vous donner une idée du cadrage du système énergétique et du mix énergétique et électrique, j’ai prévu deux diapositives. Celle-ci (diapo page 6) vous montre le bilan 2018 des consommations d’énergie finale. Nous voyons que la part des ENRs dans cette consommation d’énergie finale se monte à 17%, avec en pôle position l’hydraulique, puis le photovoltaïque et le bois-énergie. Ici je voulais simplement vous montrer que le mix électrique s’articule sur un trépied (diapo page 7). La production thermique s’appuie sur deux centrales l’une à Bastia en haute Corse au fioul léger et l’autre à Ajaccio en Corse du sud, au fioul lourd ; il est prévu que toutes deux passent au gaz naturel. La Corse a également mis en place des liaisons électriques avec l’Italie et la Sardaigne grâce à deux câbles appelés SARCO et SACOI. Nous voyons que la part respective de chaque apport est d’environ 36% pour les centrales, 27 % pour les câbles et à peu près 38% pour les ENRs. Voici une diapositive (page 8) que j’ai souhaité intégrer suite mon échange avec Pierre, l’idée étant de montrer qu’aux pics d’appels en hiver s’ajoutent des pics d’appels en été. Ce sujet a été abordé par d’autre participants. Sans reprendre ce qui a été dit, les épisodes de fortes chaleurs, de grands froids et de changement climatique sont autant de questions prégnantes sur lesquelles il faut travailler et s’atteler de façon très rapide, surtout pour les territoires insulaires ; il en est de même pour l’ensemble des territoires touristiques.
De plus, ce système énergétique a un coût non négligeable, 1 milliard d’euro, qui représente 1/8 du PIB et témoigne de son poids dans le développement économique. Ce coût se répartit en 300 millions destinés à l’électricité, auxquels nous ajoutons 200 millions pour la CSPE (Contribution au Service public de l’Energie) ; la facture énergétique se compose de 400 millions pour les transports et 400 millions pour le bâtiment. Pour pallier ce coût important, la Collectivité de Corse a adopté en 2013 son Schéma régional Climat, Air et Energie (SRCAE), outil de programmation et de définition d’objectifs. Le cap fixé à l’aide cet outil vise à l’autonomie énergétique à 2050 en s’appuyant sur 2/3 de maîtrise de l’énergie et 1/3 de développement des ENRs. Pour concrétiser ce cap, il faut construire la trajectoire qui va permettre d’arriver à cette autonomie énergétique et c’est là l’objectif de la Programmation pluriannuelle de l’Energie (PPE).
La première PPE a été votée en 2015, en même temps que les autres zones interconnectées que sont les DOM (départements d’outre-mer). Cette PPE est en cours de révision avec une première mouture qui va être présentée en Assemblée de Corse et au vote des élus aujourd’hui ou demain, avant de poursuivre sa présentation au Comité tel que cela est prévu, et ensuite, être soumise à enquête publique. La trajectoire prévoit l’atteinte d’une perspective d’une part d’ENRs dans la consommation d’énergie finale à 36% d’ici 2028, sachant que nous sommes actuellement à 17%. De même, la part d’électricité renouvelable dans la consommation électrique en énergie finale devrait être de 62% d’ici à 2028, alors que nous sommes actuellement à 37%. Comme vous pouvez le voir, nous sommes dans la droite ligne des objectifs PPE nationaux. L’actuelle PPE a été élaborée conjointement entre le Président du Conseil exécutif et le représentant de l’Etat alors que le SRCAE est lui vraiment à la main du Président du Conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse. Cette trajectoire d’autonomie énergétique, représentée visuellement sur la diapositive 12, nous permettrait de passer d’un taux d’autonomie de 14% à un taux de 31% concernant les énergies fossiles.
Cette PPE est un outil programmatique mais également un outil opérationnel. Lors de l’élaboration de la PPE, des programmes d’action pour les différents secteurs ont été conçus : le bâtiment, les transports, les ENRs, la sécurité de l’approvisionnement, etc. Il y a eu pour les différentes filières une décomposition des chaînes de valeurs de façon à étudier quels seraient les emplois susceptibles d’être créés en Corse, c’est-à-dire les emplois internes. Pour un investissement qui se monte à 4,5 milliards d’euro sur les deux périodes de la PPE (2019-2023 et 2024-2028), cela devrait permettre au total la création de 3800 emplois. Ce serait donc un véritable plan de relance, très bienvenu dans le contexte que nous connaissons depuis 2 ans.
Ensuite je voulais vous proposer 3 diapositives qui présentent les objectifs en termes de maitrise de demande en énergie (MDE) des bâtiments et ENRs. Je ne vais pas m’appesantir vous pourrez les consulter librement après le webinaire. Simplement je voulais que vous puissiez visualiser le fait qu’il y a tout un travail qui été réalisé sur le potentiel de rénovation du bâtiment qu’il soit individuel ou collectif, et nous pouvons le voir avec les camemberts par communauté de communes (diapo page 14). L’idée consiste vraiment en l’intensification des liens, des réseaux et des travaux que nous avons avec les territoires infra de la région, c’est dire les communautés de communes et les communautés d’agglomérations afin que l’on puisse réellement mettre en œuvre de concert ces objectifs de développement. Vous pouvez également trouver dans ces diapositives les objectifs résidentiels, tertiaires ainsi que ceux du secteur de l’éclairage public, qui est un secteur où les travaux sont bien avancés sur le territoire. L’objectif étant de rénover la totalité du parc d’éclairage, ce travail a été quasiment accompli sur la partie sud et en cours de rénovation sur la partie nord de l’île. Pour ce qui est des ENRs thermiques, j’ai indiqué les objectifs par filière. Pour le solaire thermique, qui est une filière extrêmement importante, tout comme le bois-énergie, nous envisageons d’installer 30 000 à 50 000 m² de panneau ce qui ferait plus que doubler ce qui a été fait sur les 20 dernières années. Concernant les énergies thermiques marines, je laisserai Mr Peretti développer le sujet.
Vous avez pu voir que le travail a beaucoup porté sur les constructions, filière par filière, pour qu’on arrive à atteindre l’autonomie énergétique d’ici 2050 en se basant sur une stratégie fondée sur 2/3 de MDE et 1/3 de production d’ENRs.
Concernant les dispositifs opérationnels, je souhaitais faire un focus sur le cadre de compensation qui a été construit avec la Commission régionale de l’énergie, avec comme membres, EDF et l’AUE pour la Corse. Ce dispositif a également été mis en place dans les autres zones interconnectées telles que la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et la Réunion. Il va permettre de procéder à des injections de fonds de la CSPE, qui nous donnera la possibilité de financer des actions de maîtrise de l’énergie plutôt que de compenser des surcoûts de production électrique. Vous le savez surement, dans les îles la production électrique est bien plus coûteuse que sur le territoire métropolitain. Ainsi, cela va nous permettre de parvenir à la mise en place d’un cercle vertueux et d’engager des travaux massifs portant sur la rénovation globale ou partielle des logements individuels et collectifs, de mettre les dernières touches à la rénovation de l’éclairage public, au développement du bois-énergie et bien sûr du solaire thermique individuel et collectif.
Ce sont 71 millions d’euros qui sont prévus sur les 5 ans qui viennent dans le cadre de ce dispositif. Pour permettre la remontée de projets, nous travaillons bien sûr avec les territoires infra à savoir les deux communautés d’agglomérations de Bastia et d’Ajaccio qui sont les deux pôles les plus importants en termes de population. Nous travaillons aussi bien sûr avec les autres communautés de communes de Corse pour monter des projets baptisés « Plans climat air énergie territoriaux », qui sont de véritables feuilles de routes opérationnelles et permettent d’activer tous les leviers disponibles en termes de rénovation du bâti et de développement des ENRs. Cela passe également par la réponse à des appels pour le bâtiment, pour le solaire, pour le bois et pour l’éclairage public.
Pour finir et que vous puissiez vous plonger dans les actions que nous avons réalisées, je vous ai mis à disposition le lien de la chaîne YouTube de l’Agence, sur laquelle vous trouverez un certain nombre de vidéos sur les Troph’Energies notamment. Troph’Energies est un concours qui récompense les porteurs de projets travaillant sur les énergies renouvelables, la qualité de l’air, la mobilité, la rénovation et la MDE du bâti. Ces porteurs de projet peuvent être des collectivités mais aussi des entreprises et des associations. Il s’agit vraiment de valoriser ces actions vertueuses réalisées sur les territoires en créant une dynamique. Nous avions aussi réalisé un colloque en ligne nommé ÉNERGIES. D’habitude ces colloques se tiennent en présentiel mais avec les conditions sanitaires, cela s’est déroulé cette année sous la forme d’un webinaire. Il y a trois émissions qui ont été réalisées avec nos partenaires que vous pouvez les visionner sur notre chaine YouTube. Voici l’intitulé de chacune d’entre elles :
- L’émission numéro 1, « La Corse à l’avant-garde de la transition énergétique », dans laquelle vous aurez beaucoup d’éléments complémentaires à ce qui a pu être exposé aujourd’hui.
- L’émission numéro 2, « L’autonomie énergétique des îles », qui contient beaucoup d’exemples en Méditerranée.
- L’émission numéro 3, « Les îles des territoires pionniers pour la transition », avec la présentation de quelques projets pilotes innovants.
Voilà je vous remercie !
Pierre Massis : Modérateur
Merci beaucoup Mme Finidori. Nous ne pourrions pas mieux illustrer cette proximité entre les territoires insulaires et oasiens qu’à travers cette volonté commune d’autonomie énergétique. D’un côté Mme Bouali a présenté des travaux relatifs à l’autonomie énergétique dans la vallée du M’Zab, et de l’autre Mme Finidori qui vient de nous présenter les ambitions de la Corse en la matière en sachant qu’à ce jour la part des ENRs s’élève à 17%, liés en grande partie à l’hydraulique, et que cela représente 1/8 du PIB. Ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant dans la présentation de Mme Finidori, réside dans cette stratégie de développement de l’île pour aller vers une autonomie énergétique qui repose au 2/3 sur une meilleure maîtrise de l’énergie. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui il y a beaucoup de choses à faire en termes de formation et d’innovation. Et puis le tiers restant est dédié au développement des ENRs.
L’illustration la plus probante de cela, c’est le travail de rénovation qui a été fait sur l’éclairage public en Corse, et le lien se fait facilement puisque Mr Tellaï en parlait plus tôt, l’éclairage public de l’éco-cité, lui aussi, a été revu intégralement. Donc nous retrouvons bien des perspectives énergétiques comparables entre ces territoires. Et c’est une réalité, les îles, sont au même titre que les oasis, des territoires pionniers dans cette démarche relative à l’autonomie énergétique.
Mme Bouali, Mr Tellaï est ce que vous avez des questions relatives à la présentation de Mme Finidori ?
Mounia Bouali : Architecte, docteur en urbanisme spécialiste de la problématique oasienne
Pas de question particulière, peut-être une remarque en ce qui concerne l’éclairage public justement. Je pense que c’est l’un des premiers éléments sur lequel nous pouvons agir efficacement et peut-être une première étape dans la transition énergétique. Je pense aussi, et cela a été souligné par la plupart des intervenants depuis le début du webinaire, que chaque territoire a ses spécificités et ses problématiques mais que celles-ci peuvent se recouper à travers la solution apportée. Des solutions plus ou moins identiques peuvent avoir des impacts assez similaires dans des contextes différents.
Mustapha Tellaï : Secrétaire général de la fondation Amidoul, Ksar Tafilelt
Juste pour enchaîner sur ce que Mme Bouali vient de dire. Les pouvoirs publics en Algérie ont actuellement des instructions pour remplacer tout ce qui est éclairage public par des lampes Led qui consomment beaucoup moins. Ce sont des directives qui circulent à travers toute l’Algérie.
Pour prendre connaissance du support de présentation de S. Finidori, c’est par là.