Comme chaque mercredi, nous présentons ici une des interventions qui ont été délivrées par les orateurs lors du webinaire AVITEM-DAECT du 6 novembre dernier.
Aujourd’hui, nous présentons la première intervention de la troisième session, celle qui traite de “La crise sanitaire est-elle un facteur de renforcement de la coopération entre plateformes portuaires ? (1/3)
L’intervenant est M. Paul Tourret, Directeur général de l’Institut Supérieur d’Economie Maritime (ISEMAR)
Idée 1 : la Méditerranée, par essence, par sa configuration de mer fermée, par les couloirs culturels historiques et par l’intégration économique est un espace naturel d’échange et de collaboration économique. Mais la question n’est pas ici celle des partenariats commerciaux, elle consiste à réfléchir sur ce que l’on peut faire en termes de coopération.
Le premier sujet quand on parle de coopération maritime en Méditerranée est celui du conteneur. Or, le conteneur est avant tout un outil de concurrence. Cependant, une idée a commencé à prendre de l’essor, c’est la capacité des ports méditerranéens à gagner des parts de marché par rapport aux ports du Nord de l’Europe. Aujourd’hui, 50% du marché européen est naturellement dans l’hinterland des ports méditerranéens, et pourtant il n’y a qu’un conteneur sur 2 qui arrive au Sud. En schématisant, c’est donc à peu près 75% du trafic européen qui est maitrisé par le Nord, et seulement 25% par le Sud. Gênes, Marseille et Barcelone ont réalisé depuis assez longtemps une association portuaire dont il n’est pas toujours facile de dire ce qu’elle peut donner en termes de compétitivité ni en termes de concurrence. En revanche, des phénomènes de fusion dans les ports italiens amènent à plus de coopération.
Découle de ce qui précède l’impératif de travailler à développer un marketing partagé et coopératif sur les actions à porter au niveau international On peut par exemple imaginer des campagnes du Port de Gênes, associé au GPMM de Marseille directement dirigées vers les ports chinois pour montrer les emplacements idéaux des ports méditerranéens vers ce grand marché européen. Cela peut être décliné à travers des solutions ferroviaires mutualisées, des politiques partagées, etc. Le sujet de la bataille des conteneurs dans lesquels les ports méditerranéens trouveront une partie de leur future croissance est suffisamment important pour être sérieusement envisagé.
Une autre approche consiste à s’interroger sur la potentielle concurrence des ports en eaux profondes qui se développent au sud de la Méditerranée et imaginer installer une coopération à partir de quelques hubs portuaires méditerranéens. Au Nord, les challengers sont identifiés depuis relativement longtemps, les ports en eaux profondes du Nord ayant prouvé leur légitimité. Au Sud, le Maroc a montré, par ses conditions économiques et par sa volonté politique et royale qu’il était possible de développer un outil portuaire exceptionnel, Tanger-MED, permettant de réaliser des gains importants dans une perspective de très court-terme. S’il parait nécessaire de s’interroger sur l’intérêt de construire un ou plusieurs autres ports en eaux profondes en Algérie ou à Bizerte par exemple, on peut aussi se demander si les économies tunisienne et algérienne ne méritent pas, elles-aussi, de disposer d’outils semblables. Si cela peut de coup conduire à un phénomène de suréquipement, on ne peut pas reprocher à ces pays de chercher, et de trouver, les clés de développement qu’ils appellent de leurs vœux.
Idée 2 : En second lieu, la coopération méditerranéenne porte sur diverses activités industrielles précises. Concernant le « roulier », la coopération infra méditerranéenne devrait porter sur les autoroutes de la mer. Ces autoroutes de la mer représentent véritablement une partie du système sanguin qui relie les îles des différents pays mais aussi ses côtes. Or, la question se pose sur la façon de coopérer en utilisant les routes traditionnelles afin de favoriser le développement du roulier. Une réponse pourrait passer par les associations inter-portuaires, comme cela a été amorcé si l’on prend en compte les ambitions du port de Malaga, notamment sur les fruits. Ces relations doivent par exemple être étendues aux partenaires égyptiens. Car, les autoroutes de la mer sont une des raisons d’être de ces coopérations portuaires, comme cela apparait bien dans l’activisme des autorités portuaires espagnoles relativement proactives sur le sujet.
Concernant l’activité croisière, la coopération méditerranéenne est plus solide, même si, avec la Covid, le milieu maritime mondial a fait face à une année quasiment « blanche ». Il s’agit bien alors de coopérer pour maintenir un marché dynamique et pour continuer à s’organiser, notamment face aux crises qui vont se multiplier. IL s’agit là également d’un enjeu essentiel puisque le modèle du développement des ports de la Méditerranée s’appuie fortement sur l’économie du tourisme de croisière, avec une démultiplication des escales qui favorise la croissance des droits de port. Il convient ainsi de mettre en place des stratégies partagées : coopérations, capitalisation d’expériences et marketing collaboratif afin de vendre la destination Méditerranée. De même des stratégies permettant de faire face aux nombreuses critiques contre ce tourisme de masse propulsé par les croisières (Venise, Barcelone…) peuvent permettre d’avancer sur des solutions innovantes, principalement en matière énergétique.
Corrélativement aux normes de limitation des émissions de SOx qui se sont étendues cette année, la question des particules fines des bateaux à l’arrêt est aigue dans les ports méditerranéens. La naivres de croisière et les ferries sont dans des ports urbains presque partout. L’avenir est sans doute à ces innovations énergétiques, telles que le branchement à quai, mais qui posent aussi la question de la production de l’énergie.
Idée 3 : Enfin, les coopérations peuvent se construire sur bien d’autres sujets, qui insuffleront l’énergie du moteur méditerranéen. Telle la modélisation dans les économies portuaires de la « vague chinoise » qui devrait les amener à collaborer pour introduire les nouvelles routes de la soie chinoises dans l’espace méditerranéen. Pour cela, une coopération au niveau des stratégies gouvernementales est indispensable.
Un autre champ de la coopération porte sur l’innovation technologique, le smart-port prenant de plus en plus d’importance. Ce chemin est sans doute le plus pertinent et le plus rapide dans le partage et l’innovation, l’objectif étant de réduire le décalage entre les deux rives, pour que les technologies de l’information portuaire servent véritablement à l’efficience du système. Il ne faut pas oublier, face à la compétition portuaire internationale largement portée par les ports du Nord de l’Europe, que cette intégration méditerranéenne nord-sud, alimentée par l’efficience environnementale, l’efficience économique autour de la marchandise et l’efficience des navires, passe par le smart et que c’est un enjeu capital.
L’atout de la Méditerranée est de disposer de grandes autorités portuaires, de ports qui ont une histoire structurée, de communautés nord-sud très connectées et de grandes compagnies qui sont autant d’acteurs privés dynamiques. Au final, la formule méditerranéenne consiste sans doute à assembler ce nord et ce sud forcément différents, d’avoir des potentiels de marché mais aussi des acteurs économiques. Pour accompagner le dynamisme des compagnies maritimes, de nouvelles technologies se développent pour construire un champ méditerranéen qui est à la fois un marché interne, une place de compétition, et un espace de développement.
Pour avoir accès à l’intégralité de la présentation PPT de Paul Tourret, c’est par la.