Nous poursuivons la présentation des interventions données par nos orateurs lors du webinaire du 6 novembre dernier.
Aujourd’hui, nous présentons la dernière intervention, celle du Directeur général du Port de Tanger-Ville, M. Mohamed Ouanaya, de la deuxième session : sécurisation des flux : relocalisations et espaces portuaires (5/5)
Idée 1 : Tanger est une ville méditerranéenne située sur le détroit de Gibraltar. Le port, qui s’est développé pendant longtemps avec la ville, est devenu, au fil du temps, un embarras pour la ville, à travers ses flux logistiques croissants et l’abandon progressif de l’interface ville-port. Dans les années 2000, les autorités ont décidé, dans le cadre d’une reconfiguration régionale, de créer le port Tanger-Med, ce qui a donné l’occasion de transférer toutes les activités commerciales et de revoir l’interface du port urbain. Dans le cas de cette reconfiguration, la philosophie générale est bien celle qui consiste à déplacer l’activité, donc à « relocaliser » les activités portuaires, en leur réattribuant un nouveau foncier portuaire : on peut donc bien parler de « relocalisation » avec l’attribution aux nouvelles activités d’une surface globale de 84 hectares et d’un investissement initial de 700 M d’euros. L’objectif recherché était de positionner la ville comme une destination phare du tourisme de croisière et de plaisance et surtout de permettre à la ville de développer sa résilience territoriale au regard des aspects négatifs des activités commerciales et industrielles passées. Ici encore, on peut parler de « relocalisation » puisque cette réorganisation a attiré de nouvelles activités.
L’idée est maintenant d’unir le port et la ville pour en faire un ensemble afin de développer une résilience commune entre le port et sa médina. Pour cela il y a des éléments liés à l’histoire du port, à travers la refonte de toute la partie maritime, notamment par la création d’un nouveau port de pêche, le déplacement de toute l’activité commerciale vers Tanger-Med et le développement d’une nouvelle activité, essentiellement de plaisance. La partie urbaine a aussi fait l’objet d’un développement permettant à la ville de se doter d’un certain nombre d’équipements qui lui faisaient défaut, notamment un palais des congrès, des hôtels, ainsi qu’un parc de logements. L’objectif final visait, dans une perspective de resserrement des liens entre les citoyens et l’institution portuaire, à développer l’interface ville-port pour qu’elle devienne un espace de récréation et de détente pour les Tangérois.
Idée 2 : Toutes les « frontières» qui séparaient le port et la ville sont tombées. Aujourd’hui il est possible de circuler dans la quasi-totalité du port intérieur.
Le Port de Tanger-Ville est devenu un port inclusif avec la mise à disposition d’une infrastructure de pêche pour les professionnels de la pêche et la construction d’un centre commercial pour les marchands ambulants. Dans le cadre du déplacement de la zone franche et des industries, une aide importante a été mise en place, qui a permis de conserver les 9 000 emplois du port et autorisé les entreprises à développer leurs activités, donc, finalement, à créer d’autres emplois.
Dans le cadre de la philosophie générale qui a porté le projet, c’est-à-dire une complémentarité d’actions entre les espaces (entre les deux ports mais aussi entre les ports et la ville), puis avec l’impératif de résilience lié à la crise sanitaire, les autorités ont souhaité consolider plusieurs axes de valorisation des espaces : l’attractivité touristique de la ville (restauration de la muraille de la médina de Tanger et réhabilitation d’une partie des bâtisses ayant une valeur patrimoniale indiscutable), la durabilité du projet (pendant les travaux, une partie des sables dragués et des bâtiments démolis ont été transformés et valorisés), la performance énergétique, avec l’installation, à l’instar du port de Gênes, de 7 000 m² d’ombrage photovoltaïque, la relance des manifestations événementielles autour du port. Cette énergie devrait pouvoir rapidement être mutualisée entre les usages du port et ceux de la ville. Enfin, au niveau de la mobilité rénovée, le projet de téléphérique est prévu pour connecter la médina et le port, la gare maritime et la marina, et, enfin, la marina et le centre-ville de Tanger.
Idée 3 : La pandémie a finalement été, ou est appelée à être, le point de départ d’une nouvelle mobilisation, d’une nouvelle réflexion et surtout d’une nouvelle action sur la relation ville-port, dans le cadre d’une réflexion plus générale sur la résilience de la fonction maritime dans toutes ses déclinaisons. Le temps de la crise est un temps de mobilisation, un temps de réflexion également et qui cristallise les actions portées antérieurement.
Ainsi, la reconversion complète du port de Tanger a insufflé une nouvelle dynamique de coopération entre la ville et le port. Si, dès le départ, le port de Tanger-ville s’était orienté de manière résolue pour être un smart port, la crise du Covid a accéléré cette réflexion, avec la mise en place d’un système de contrôle et d’enregistrement des passagers en « live », un système d’aide à la navigation et un système de vidéo-surveillance et contrôle d’accès.
Dès que la crise COVID 19 est arrivée, il a été mis en œuvre une cellule de réflexion au niveau du port, en liaison avec la ville, pour essayer d’en minimiser l’impact. En dehors de son activité de pêche, le port a une forte activité dédiée à l’accueil des touristes, comme à Livourne. Or, depuis mars, les frontières marocaines sont fermées sur décision gouvernementale et l’activité est quasiment nulle, ce qui explique que le chiffre d’affaires projeté en fin d’exercice devrait avoir baissé d’au moins 75%. Car, en tant qu’acteur-clé du tourisme au niveau de la ville de Tanger, avec l’accueil de près de 1,6 M de visiteurs par an, le port a du réagir dès le démarrage de la crise.
Dans ce cadre, le port s’est rapproché des autorités locales et du tissu associatif afin de renforcer les activités culturelles et la relation entre le port et la ville sur ce sujet, en s’engageant à prendre en charge un certain nombre de projets. Aujourd’hui, et depuis le début de la Covid, 24 projets culturels ont été soutenus, dont 4 sont pratiquement achevés. Le confinement, qui a duré de mars à juin, a été l’occasion d’avancer sur un certain nombre de projets et a renforcé durablement les liens entre la ville et le port bien sûr, mais aussi entre ces deux entités et le tissu local et associatif environnant. IL faut maintenant bâtir des stratégies de plus long terme pour renforcer la résilience de ces acteurs.
Pour avoir accès à l’intégralité de la présentation PPT de Mohamed Ouanaya, c’est par ici.