Webinaire AVITEM : l’eau en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – Ville de Marseille (7/13)

Webinaire AVITEM : l’eau en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – Ville de Marseille (7/13)

Webinaire AVITEM : l’eau en Méditerranée, résilience urbaine et solutions innovantes – Ville de Marseille (7/13) 1094 619 Mediterranean Urban Planners Network

Nous abordons aujourd’hui la troisième présentation de notre deuxième session. Celle-ci va traiter, ainsi que celle qui va suivre, des territoires urbains. Le premier territoire urbain concerné est la ville de Marseille.

Pour mémoire, le webinaire du 8 avril est le premier d’une série de trois, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets.

Intervention de Perrine Prigent : Conseillère municipale de la ville de Marseille 

Je suis conseillère municipale de la ville de Marseille, déléguée à la valorisation du patrimoine, à l’amélioration des espaces publics et à la place de l’eau dans la ville. Je vous remercie pour cette invitation et je remercie l’ensemble des intervenants, c’est un sujet passionnant et échanger entre différents territoires me paraît fondamental car nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Je suis très inspirée par les présentations précédentes et je vous en remercie vraiment beaucoup. Je suis assez d’accord avec la conclusion qu’il faut s’inspirer du passé pour pouvoir faire des choses dans l’avenir.

Je vais vous parler de la ville de Marseille, avec quelques illustrations sous la forme de cartes. Comme un peu d’histoire ne fait jamais de mal, il est bon de rappeler que la ville de Marseille bénéficie d’une ressource en eau qui a évolué avec le temps, et qui, dans le même temps, est assez limitée puisque nous avons un fleuve, l’Huveaune, que l’on voit sur la première carte à gauche (p 2 du diaporama), au sud de la ville. Ce fleuve a un confluent, le Jarret. Il y a également un ruisseau qui s’appelle les Aygalades. Jusqu’à la fin du 18ème siècle, il n’y avait pas d’eau potable à disposition et la population se contentait d’un système de puits, estimé entre 10 000 et 12 000. Cette situation a entraîné de nombreuses sécheresses et de très nombreuses épidémies avec notamment celle du choléra, en 1832. À la suite de cela le maire de l’époque, Maximin Dominique Consolat a cette phrase qui est restée dans l’histoire, notamment pour ceux qui s’intéresse à cette thématique : « Quoi qu’il advienne, quoi qu’il en coûte il faut amener l’eau à Marseille ». C’est le lancement des grands travaux pour réaliser le canal de Marseille, qui va conduire l’eau de la Durance jusqu’à la cité. Ces travaux pharaoniques vont durer une quinzaine d’années. Ils ont été menés par Franz Mayor de Montricher afin de construire un long canal de 80 kilomètres avec des sections ouvertes, d’autres enterrées, des grands ouvrages qui vont amener l’eau potable à Marseille. C’est l’amorce du doublement de la population de la ville. Cela nous amène à mettre en lumière un aspect essentiel de l’eau : sans eau il n’y a pas de vie, il n’y a pas de ville. À la fin de ces travaux, vous pouvez voir, à droite de l’écran (p 2 du diaporama), le palais Longchamp, réalisé par Espérandieu et achevé en 1862, qui symbolise la réalité de l’arrivée de l’eau dans Marseille, avec notamment cette fontaine majestueuse, qui représente l’arrivée de la ressource dans la ville.

Pour prendre un peu de recul, nous savons que, à l’heure actuelle, 40% des territoires du sud de la France sont déjà en déficit d’eau chronique. Avec le réchauffement climatique, la baisse des chutes de neige et de ses fontes, il y a forcément des phénomènes qui s’accélèrent et qui mènent à une baisse de la disponibilité de la ressource, considérée comme inéluctable. On parle par exemple d’une baisse de 80% en été du débit de certains cours d’eau. Au vu de la complexité du sujet, l’action doit être portée à toutes les échelles, ce qui permet d’ailleurs de vérifier que c’est sur cette thématique de l’eau qu’on peut tester la solidarité entre les territoires. Il est en effet nécessaire que l’ensemble des territoires travaille pour que les actions des uns ne viennent pas impacter négativement celles des autres. La baisse de la disponibilité en eau, c’est la dégradation de la biodiversité, un confort de vie qui est moins important et des conséquences dramatiques pour tous et toutes.

Face à ces constats, nous avons souhaité agir et mettre en œuvre une stratégie Biodiversité reconnue par l’UICN comme innovante du point de vue de la gouvernance. Notons que nous revenons à nouveau sur ce sujet de la gouvernance, déjà abordé à de nombreuses reprises ce matin. Ce qui est prévisible, puisque la gouvernance est fondamentale pour permettre d’élaborer à la fois des stratégies et des déclinaisons qui fonctionnent sur le long terme. La stratégie locale « Biodiversité terrestre et marine » de la ville de Marseille (https://www.marseille.fr/environnement/biodiversite) représente un travail qui a pris 3 ans avec de nombreux partenaires et qui a permis d’établir 3 axes d’enjeux :

  • préserver, renforcer, rétablir les continuités écologiques et leurs fonctionnalités,
  • développer une culture de la nature,
  • améliorer les connaissances scientifiques.

Dans le premier axe, on a la question du rétablissement des continuités écologiques où la thématique de l’eau est assez transversale, mais comme dans tous les sujets au final. Y sont inclus la limitation de la fragmentation des habitats, le renforcement des îlots de nature et des corridors écologiques, la restauration de la qualité écologique des milieux d’eau douce, l’aménagement et la gestion des interfaces, les milieux urbains et des espaces naturels. Ce n’est pas qu’une seule question de biodiversité et de vert, parce que pour qu’il y ait du vert, il faut aussi qu’il y ait du bleu. On voit bien les superpositions qui sont aujourd’hui clairement évidentes, mais qui méritent toutefois d’être rappelées en permanence. La qualité des cours d’eau est un sujet essentiel, pas seulement parce qu’il se voit, mais aussi parce qu’il faut la travailler à des échelles diverses. De même, quand on va agir sur les espaces qu’on a plantés, on va aussi agir sur la gestion de la ressource en eau. À droite de l’écran (p 3 du diapo), vous avez une illustration du jardin sec du parc Borély qui a été conçu par les services de la ville pour sélectionner les bonnes espèces qui vont être peu consommatrices d’eau, ce qui, à terme, permet de préserver de fait la ressource. Ce sont des petites interventions, mais dont la somme a des impacts notables car tout ne peut pas être résumé dans les ouvrages majestueux du type du le canal de Marseille.

Ce qui compte, c’est de pouvoir travailler, comme il a été dit, à différentes échelles, dans la finesse, pour pouvoir gérer et mieux anticiper la question de la ressource en eau. On va aussi promouvoir des actions démonstratrices, notamment depuis la nouvelle mandature, qui a lancé ce type d’actions en partenariat avec des institutions françaises. Nous avons la chance d’avoir les Agences de l’eau qui nous aident énormément dans cette question avec des programmes, des appels à projet et notamment le programme « Rebond 2020-2021 » (https://www.eaurmc.fr/jcms/pro_99396/fr/appel-a-projets-rebond-eau-biodiversite-climat-2020-2021). La région Sud travaille également sur tout ce qui touche à la nature en ville(http://www.nature4citylife.eu/nature-en-ville/), et nous constatons ainsi un faisceau d’acteurs impliqués aux côtés de la ville de Marseille sur la question de la désimperméabilisation des cours d’école.

À Marseille, il y a 472 écoles primaires et élémentaires gérées directement par la ville et nombre d’entre elles sont dégradées et ont des cours qui sont imperméabilisés, en plus d’être mal entretenues. Depuis les dernières élections, ce qui fera bientôt une année, nous travaillons à diverses actions portant sur la réhabilitation des écoles et la question des cours est un enjeu assez fort. Au-delà du fait que les enfants retrouvent des cours agréables, il s’agit de faire le lien avec l’écosystème, avec la nature et de faire réapparaitre des choses palpables pour nos enfants. On va cette année travailler sur deux cours d’écoles, dont vous pouvez voir des illustrations des premières phases de la concertation (p 4 du diaporama), et des premiers constats sur place : il faut échanger avec les enfants, les parents, les enseignants, les équipes directrices pour voir quels sont les besoins très concrets de ceux qui occupent les cours.

Travailler sur les différents usages, c’est important, le faire en partenariat, c’est fondamental. Retrouver un fonctionnement naturel du cycle de l’eau est aussi quelque chose qui va nous permettre de rebâtir une ville en lien avec son écosystème. Ce que l’on va faire dès cet été dans ces deux premières cours, c’est désimperméabiliser les endroits qui sont pertinents pour retrouver un fonctionnement de l’eau naturelle, et ramener la présence de la nature en ville de façon plus efficace, un « retour aux sources » en quelque sorte. C’est un projet qui débute, qui va prendre de l’ampleur puisque notre souhait consiste à aller vers 10 écoles supplémentaires et retrouver ainsi des fonctionnements plus logiques. On le fait dans les cours d’écoles, l’idée c’est également de le faire ailleurs, dans la ville elle-même, dans ses différents parcs par exemple. On voit dans les parcs actuellement des chemins qui sont goudronnés et ce n’est pas forcément des choses souhaitées. Toutefois, la transformation des processus va nécessairement prendre du temps.

L’objectif c’est bien de retrouver toute la nature en ville, de lutter contre le changement climatique, d’avoir un cadre de vie plus agréable et également, parmi tous ces enjeux, de retrouver des fonctionnements du cycle de l’eau plus naturels, pour pouvoir se passer quand cela est possible du tuyau et aller vers une gestion alternative de l‘eau pluviale. C’est un retour à des pratiques qui existaient jadis et qui ont été détournées en raison d’une conception hygiéniste et d’une massification de la population. En réalité, l’utilisation de cause un certain nombre de problèmes : avec le changement climatique et la transformation du régime des pluies qui en découle, il y a des pluies massives qui montrent que les tuyaux ne sont pas en capacité d’absorber des gros débits. Cette préoccupation est partagée des deux côtés de la Méditerranée, où on se retrouve face à des occurrences pluvieuses très fortes et à une réelle incapacité à les gérer. Donc retrouver des systèmes où le sol va pouvoir absorber cette eau de pluie va avoir de nombreux effets bénéfiques.

Rappelons cependant que, quand les égouts étaient à ciel ouvert, le recours au génie civil a été indispensable afin d’enterrer et de mettre en tuyaux toute la circulation des eaux, y compris l’assainissement qui posait de nombreux problèmes. Aujourd’hui on se rend compte que le recours au génie civil n’est peut-être pas la solution, et en tout cas pas la solution à tout. Il faut donc organiser les différents systèmes entre eux pour que la solution la plus pertinente sur tel endroit du territoire prenne le relais sur tel ou tel autre, de façon à mettre en cohérence l’ensemble des systèmes pour faire ce qui est le plus efficace au niveau global tant pour les utilisations humaines que pour la biodiversité et le fonctionnement de l’écosystème.

Mon dernier propos me permet d’élargir à l’accès de tous à l’eau, car c’est quelque chose d’important qui a peut-être été un peu moins abordé jusqu’à présent, mais qui finalement traduit un besoin partagé. Comme Mr. Fleuret en a parlé tout l’heure, la question de l’eau est retranscrite dans l’ODD numéro 6. Il est nécessaire d’aller vers une accessibilité collective de l’eau, ce qui représente un enjeu majeur, que tout le monde puisse avoir de l’eau potable, ce qui n’est actuellement pas le cas. Il faut donc se mettre en ordre de marche pour travailler à cela. On a des observatoires notamment celui de la « Coalition eau » qui ont pu permettre d’avoir des données sur ces questions-là avant 2020 (https://www.coalition-eau.org/actualite/publication-du-premier-observatoire-des-droits-a-l-eau-et-a-l-assainissement/).

La ville de Marseille dispose de 185 fontaines publiques, ce qui représente une fontaine pour à peu près 4 000 habitants, c’est très peu. De même, on compte 15 toilettes publiques pour 877 000 habitants et aucun bains-douches publics, même si nous sommes en train d’en construire un. L’eau reste un bien fondamental et tout le monde doit pouvoir y avoir accès. En suivant cette conviction, et à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, la ville de Marseille s’est engagée dans le « Manifest’eau » porté par la Coalition de l’eau. Son objectif est de développer l’accès de l’eau pour tous, y compris en allant vers des partenariats et des systèmes de coopération internationale. Celà rejoint parfaitement le principe de nos discussions   avec les orateurs et auditeurs du webinaire du jour, et de nos échanges qui sont fondamentaux !

Pour avoir accès à la présentation de Mme Perrine Prigent, c’est par là