Le 1er avril dernier, le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée et Euroméditerranée ont organisé leur second webinaire de la série 2021-2022 intitulée « Regards croisés entre Acteurs de la ville méditerranéenne».
Nous vous en présentons aujourd’hui les échanges conclusifs, conduits par Jean-Charles Lardic, Directeur de la Prospective à la Ville de Marseille :
Jean-Charles Lardic : Merci de m’avoir invité. Les derniers propos échangés répondent à l’une de mes questions majeures : la contrainte. La décision et la dynamique d’acteurs autour du référentiel était certes nécessaire. Cependant, pour que la solution prenne, il faut qu’elle soit partagée mais aussi portée par le territoire. La ville, en tant que telle, a ainsi son mot à dire puisque ces projets peuvent avoir des effets d’entraînement au sujet de pratiques qui ne sont pas encore normalisées. Le travail de la municipalité peut ainsi consister à rendre crédible cette adhésion à des valeurs communes. Dans la construction de cette légitimité, je m’interroge pour comprendre comment les opérateurs réagissent et corrigent leurs projets. Mais aussi pour savoir s’il y a une latitude, un pourcentage de taux de réponse qui permettent de valider et d’entrer dans la démarche…
Géraldine Lorenz : Notre référentiel s’applique sur 10 000 hectares, mais avec des situations qui sont très différentes en fonction de la localisation (urbain très dense, périurbain, rural). Les projets sont eux aussi tous différents. Afin de faire respecter les exigences, il faut s’adapter à chaque spécificité et être flexible. C’est ici l’une des forces du référentiel, d’être conscient que sur tel projet certains objectifs seront difficilement atteints. Dans ce cas, nous proposons des compensations : si les opérateurs rencontrent par exemple des difficultés pour atteindre les objectifs de végétalisation, il leur sera demandé d’être « meilleur » sur une autre thématique, comme l’énergie par exemple, en allant au-delà des minima exigés. Les opérateurs ont entre 50 et 80 objectifs à respecter en fonction des profils choisis, mais cette logique de compensation est également un moyen de mieux les faire adhérer à la démarche. S’ils estiment que la démarche est trop contraignante, ils ne seront plus favorable à s’y engager. Il faut donc savoir rester flexible et dialoguer régulièrement avec chaque acteur afin de trouver un juste équilibre (ambition et non contrainte).
Jean-Charles Lardic : Vous introduisez donc dans les clauses contractuelles des mentions de flexibilité ?
Géraldine Lorenz : Nous ne l’inscrivons pas nécessairement dans les clauses qui sont surtout dédiées au respect du référentiel de manière générale. Ce sont surtout des discussions à avoir par la suite, en fonction du projet et donc au cas par cas.
Pierre Massis : Nous constatons qu’à Zenata, il y a des étapes intermédiaires intéressantes. D’abord, cette capacité à contractualiser avec des acteurs publics, la commune en l’occurrence, qui permet à l’aménageur de continuer à être vigilant dans l’aménagement des services publics. Mais aussi la capacité juridictionnelle sur lequel l’aménageur peut mettre son véto et forcer l’opérateur à revoir les non-conformités. Un arsenal qui mérite d’être étudié attentivement.
Charles André : Il est important de confirmer que les référentiels sont avant tout une base destinée à faire évoluer les choses et les tester, afin de « jalonner » progressivement. Nous disposons aussi, à Euroméditerranée, d’ une cellule innovation pour essayer d’aller au-delà du socle que nous avons défini.
Jean-Charles Lardic : Cela mérite que l’échelon local et communal étendent ces démarches dans l’espace et dans le temps.
Dans l’espace notamment par les dynamiques urbaines, car la ville et les espaces publics se révèlent de potentiels générateurs de lien social et de démocratie participative avec l’idée que la recherche de qualité peut avoir un effet d’entraînement pour les autres programmes qui ne sont pas nécessairement aussi normés. Cela affiche également une exemplarité de la collectivité dans son ensemble qui peut renouer le lien de confiance avec ses citoyens en rendant crédible cette adhésion à des valeurs communes.
Dans le temps, il est impressionnant de voir le souhait de pérenniser les objectifs. Dans mes réflexions permanentes sur la transition juridique, j’ai envie de citer une petite extension qui peut nécessiter des évolutions du droit. On voit très loin à Nice comme au Maroc, ce qui touche aux obligations post-construction des promoteurs. Nous pourrions également introduire, comme le disait M. Afakhri, des clauses dans les règlements de copropriété et dans les actes de vente de telle manière que l’engagement pris par le promoteur soit repris par l’ensemble de la copropriété et sur lequel elle ne pourrait pas revenir. Cela pourrait signifier qu’un des propriétaires (soit le premier acquéreur ou les suivants) puisse s’appuyer sur le titre de vente pour obtenir de la copropriété le maintien en état des équipements, des aménagements et des parties communes. Cela nécessiterait sans doute des aménagements du droit, mais éviterait ce que l’on rencontre à Marseille avec des copropriétés dégradées mais aussi avec des propriétés touristiques comme au Lavandou où la majorité simple des co-propriétaires a pu rejeter une isolation par l’extérieur lors de réfections de façade, en dépit de la loi sur les passoires thermiques. Ce point concerne de très grosses copropriétés de plusieurs centaines de logements. Il faut donc redonner du pouvoir à l’habitant, et nous pourrions imaginer pour les copropriétés vertueuses, en contrepartie l’attribution régulière d’un label tous les 5 ans qui attesterait du maintien en bonne conformité comme du maintien de la vision prévue au départ, ce qui offrirait, de plus, la conservation de la valeur patrimoniale du bien.
Pierre Massis : Nous comprenons finalement que l’aménageur dispose bien d’un rôle régalien. La ville méditerranéenne que l’on veut durable, grâce aux actions des aménageurs, est en passe de devenir désirable.