Ce jeudi 13 janvier 2022, l’Institut Méditerranéen de l’Eau (IME) a organisé sa première conférence digitale de l’année, au cours de laquelle devaient être restituées les conclusions du Forum Méditerranéen de l’Eau qui s’est tenu à Malte du 6 au 8 décembre 2021. Pour rappel, ce Forum devait permettre de faire émerger les spécificités régionales en termes d’enjeux liés à l’eau et d’identifier les solutions pouvant y répondre. Il s’agissait finalement de formuler le message que la région méditerranéenne souhaitait porter à Dakar pour le Forum Mondial de l’Eau qui se déroulera du 21 au 26 mars 2022.
Un nouvel outil : Water4allSDGS
Avant de restituer les conclusions du Forum sur les différents axes de réflexions identifiés préalablement, la parole fut donnée à Mr Gérard Payan, ex-conseiller pour les questions hydriques de MM Kofi Annan et Ban Ki Moon et travaillant désormais pour le Partenariat Français pour l’Eau (PFE).
Mr Payan est venu présenter au large public de ce webinaire[1] un outil développé par le PFE, devant permettre d’identifier concrètement l’impact sur les ODD d’un projet dédié à la ressource hydrique. Préalablement à la présentation de l’outil, Mr Payan a rappelé que les 17 ODD connus ne sont en fait que des catégories d’objectifs, les Objectifs du Développement Durable étant au nombre de 169. L’outil est ainsi structuré pour déterminer quels objectifs sont impactés par le projet et pour en identifier l’importance.
Cet outil se nomme « Water4allSDGS » et prend la forme d’une plateforme digitale destinée à recueillir les informations sur un projet lié à l’eau. Elle donne ensuite accès à une matrice révélant les impacts, parfois inattendus, du projet sur l’ensemble des ODD . Cet outil attribue enfin une note sur 100 à chacun des impacts identifiés.
Mr Payan a souhaité insister sur le fait que l’ensemble des ODD sont étroitement liés et que la poursuite d’un objectif ne peut se faire au détriment d’un autre. C’est en cela que cette plate-forme dispose d’une pertinence toute particulière en raison de son approche systémique. Un autre atout majeur de cet outil réside dans la possibilité d’obtenir des résultats d’impact négatif, ce qui permet à tout porteur de projet de rectifier son approche.
Il faut toutefois noter une limite à cet outil que Mr Payan a souhaité signaler, à savoir les effets de seuil. Il ne faut pas accorder une trop grande importance à la notation mais plutôt se concentrer sur la positivité ou non de l’impact, car un simple changement de taille de l’échantillon pourrait faire passer les indicateurs du simple au double.
Water4allSDGS est pour l’instant un outil en phase d’expérimentation qu’il est possible de tester en en faisant la demande auprès du PFE. La version finale sera présentée lors du Forum Mondial de l’Eau qui se déroulera à Dakar du 21 au 26 mars 2022.
En route vers Dakar :
Puis, après quelques questions concernant l’outil Water4allSDGS, la restitution des échanges du Forum Méditerranéen de l’Eau a démarré avec une allocution de Mr Manuel Sapiano, représentant de l’Agence Maltaise de l’Eau et hôte du Forum. Puis, Mr Almotaz Abadi de l’Union pour la Méditerranée (UpM) a rappelé le contexte hydrique très particulier de la région méditerranéenne.
Ces introductions terminées, ce fut au tour des pilotes des 5 sessions de restituer la synthèse des échanges.
La première session intitulée « La Méditerranée, plateforme de solutions et de réponses à la gestion de l’eau » était pilotée par Mr Constantin Tsakas, consultant pour le CMI. Ce dernier a d’abord relevé l’existence de problématiques connexes à l’eau telles que l’économie, l’énergie ou encore l’alimentation et a souligné le besoin de construire des solutions transversales appelées nexus. Le recours aux solutions fondées sur la nature est aussi une des conclusions prioritaires des échanges de la session, tout comme le besoin d’avoir recours à des solutions plus proches des populations et donc à l’échelle locale. Bien qu’il faille travailler sur des solutions spécifiques au vu de la diversité des contextes, il a aussi été souligné la nécessité de renforcer la coopération et la circulation des innovations. Enfin, la jeunesse doit être partie prenante des initiatives et des réflexions en tant que représentante du futur de la Méditerranée.
La deuxième session intitulée « Ressources en eau non-conventionnelles » était pilotée par Mr Ele Jan Saaf, dirigeant de Saafconsult BV. Cette session était centrée sur lde nouvelles ressources (dessalement, récupération d’eau pluviale, réutilisation d’eaux usées) et la première conclusion énoncée concernait l’aspect souvent coûteux, financièrement et surtout énergétiquement, de ces technologies. Cependant il fut souligné que les ressources naturelles étaient insuffisantes pour pallier aux enjeux méditerranéens, et que l’usage des ressources non-conventionnelles était indispensable, ce qui implique non seulement d’investir dans ce secteur pour perfectionner les techniques et les technologies, mais aussi de sensibiliser les acteurs à ces solutions. Trois ambitions se sont alors dégagées, d’abord réaliser une analyse holistique concernant l’impact de ces technologies sur l’environnement, ensuite renforcer la sensibilisation et promouvoir une réglementation macro-régionale sur le sujet et enfin créer un Observatoire des Ressources en eau non-conventionnelles et des énergies renouvelables associées.
La troisième session intitulée « Gestion intégrée des ressources en eau » était pilotée par Mr Ramiro Martinez du Réseau Méditerranéen des Organismes de Bassin (REMOB). Mr Martinez a d’abord souligné qu’une gestion intégrée de la ressource passait avant tout par une gouvernance partagée entre les différentes typologies d’acteurs et particulièrement les usagers. Il s’agit en fait de changer l’approche existante en termes de gestion de l’eau en planifiant à l’avance, avec une vision de long-terme, en s’adressant aux autorités compétentes appropriées et en mobilisant les usagers dans les processus de décision. Il a été aussi souligné l’attention particulière qui doit être portée au secteur agricole, principal consommateur de la ressource en Méditerranée. La notion de nexus est une nouvelle fois revenue appuyant ainsi la nécessité d’approche transdisciplinaire, cela particulièrement au vu des problématiques connexes citées précédemment liées à l’alimentation et à l’énergie qui sont des priorités pour la région méditerranéenne.
La quatrième session intitulée « Financement du secteur de l’eau en Méditerranée » était pilotée par Mr Almotaz Abadi de l’UpM. D’abord, Mr Abadi a rappelé le contexte économique actuel difficile en raison essentiellement de la pandémie de Covid-19 qui a entraîné la baisse du PIB dans les tous les pays du pourtour méditerranéen alors que simultanément les besoins liés à l’eau n’ont jamais été aussi importants que pendant cette pandémie. Il a notamment été abordé la question du prix de l’eau qui est une composante essentielle de son accès. Plusieurs problèmes concernant le financement du secteur de l’eau ont été mis en exergue tel que la lourdeur des procédures d’accès au financement, le manque de formation des acteurs sur ce sujet et la nécessité de mettre en place des financements pour les projets impliquant des ressources non-conventionnelles ainsi que pour ceux impliquant une approche nexus Eau-Énergie-Alimentation. Enfin, il a été dit que la coopération entre les financeurs doit être renforcée.
La cinquième session intitulée « Coopération internationale » était pilotée par Mme Anthi Brouma de Global Water Partnership – Mediterraneen (GWP-Med). Mme Brouma a d’abord signalé la volonté de faire figurer la région méditerranéenne à la fois comme un hub d’innovation et comme un exemple de coopération sur la problématique hydrique. En ce sens, elle a souligné l’importance d’intensifier les flux de coopération Nord-Sud, Sud-Nord et Sud-Sud. Mme Brouma a ensuite listé une série de 7 points sur lesquels la région méditerranéenne peut être une source d’inspiration pour les autres régions du monde et de 7 points sur lesquels la région est disposée à apprendre des autres régions du monde. Concernant ce que la région méditerranéenne peut apprendre au reste du monde, il s’agit notamment de sa capacité d’innovation, de la présence de modèles de coopération décentralisée efficaces ou encore de la richesse des cadres de gouvernance. Concernant ce que la région peut acquérir, on retrouve notamment des possibilités d’amélioration en ce qui concerne l’entrepreneuriat, la capacité à proposer des mécanismes de financement accessibles et flexibles, de pallier aux inégalités liées au genre ou encore de tendre, grâce à l’éducation et à la sensibilisation, vers une nouvelle culture de l’eau.
Mme Charafat Afilal, ancienne ministre marocaine déléguée à l’énergie et à l’eau notamment, a conclu cette conférence digitale par quelques mots de synthèse des échanges.
Finalement, Mr Alain Meyssonnier, modérateur de cet événement, a souhaité signaler qu’en vue de la participation de la région méditerranéenne au Forum Mondial de l’Eau à Dakar en mars prochain, tout acteur de l’eau pouvait faire valoir un projet mettant en œuvre des solutions concrètes aux problématiques hydriques méditerranéennes, en contactant l’IME.
Julien Gentot, Pôle Partenariats
[1] Jusqu’à 120 spectateurs et 24 nationalités représentées selon l’IME.