Nous abordons aujourd’hui la dernière présentation (Air Drink) de la dernière session du webinaire. Cette partie vise à discuter et présenter les solutions innovantes qui se sont fait jour et valoriser les savoir-faire des partenaires des deux rives de la Méditerranée. L’intervention qui suit est la troisième des trois solutions innovantes, issues du territoire de la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Pour mémoire, le webinaire du 8 avril est le premier d’une série de trois, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets.
Intervention de Philippe Gonin : Airdrink
Bonjour à tous !
Je m’appelle Philippe Gonin et mon objectif est de vous présenter et de vous faire connaître d’autres solutions innovantes d’accès à l’eau, compte tenu des problèmes de stress hydrique connus en Europe.
La solution présentée par AirDrink est un générateur d’eau atmosphérique (AWG). C’est une machine qui permet de fabriquer de l’eau à partir de l’humidité de l’air. La machine refroidit une masse d’air qui, par condensation va produire de l’eau, de la même manière qu’une climatisation peut produire de l’eau. Cette eau est ensuite traitée, purifiée, rafraîchie, potabilisée pour de multiples usages.
- Quelles alternatives actuelles ?
Actuellement, les alternatives à cette solution sont les usines de désalinisation, qui se révèlent polluantes et qui fonctionnent uniquement à proximité des côtes. Il y aussi les camions citernes qui ne peuvent pas passer partout et qui ont un impact environnemental assez négatif. Il existe enfin les solutions de forages et de puits, mais aujourd’hui il y a beaucoup de puits et de forages dans le monde qui sont devenus inexploitables du fait de la pollution des nappes.
Tout cela fait de la solution des générateurs d’eau atmosphérique une solution moderne et pertinente qui existe déjà depuis 10 à 15 ans dans certains pays mais qui est assez peu connue en Europe. Cette technologie a de très nombreuses applications, aussi bien dans l’humanitaire que pour les besoins individuels des hôpitaux, des écoles, dans les usines, dans le secteur industriel ou pour les populations vivant dans des zones isolées, en fait partout où il n’y a pas un accès facile à l’eau potable. Ces solutions peuvent être installées avec peu de contraintes ou, en tout cas, de moins en moins, puisque la technologie permet aujourd’hui de s’affranchir des contraintes qui étaient présentes il y a encore quelques années.
Un des aspects importants de la solution concerne l’écosystème de normes, et particulièrement les normes européennes. Il est nécessaire pour faire venir ces machines en Europe, qui ont pour marchés principaux le Moyen-Orient, l’Australie et les États-Unis, de se référer à des directives européennes, lesquelles sont relativement nombreuses. En Europe, ces normes prennent en compte de nombreux critères tels que les champs magnétiques, les courants faibles ou la potabilité. En termes d’illustration, précisions que la machine à l’écran (page 9 du diapo) a été offerte à la Fondation Albert de Monaco qui a souhaité l’installer dans la vallée de la Roya où il y a eu récemment de grosses inondations. Mais cette machine n’a pas pu être installée en raison des normes en vigueur en Europe, différentes du pays d’origine du fabricant. Par conséquent, tout mon travail de ces derniers mois a été de mettre aux normes les machines que je distribue et que j’importe en France et de vérifier que les machines françaises que je représente étaient également conformes.
Les modèles américains sont des modèles de petite et moyenne capacité de production.. Ils sont réalisés par un fabricant pionnier de 15 ans d’existence environ, qui a fait breveter son système à l’ozone d’élimination des bactéries (« enviroguard ») car, une fois que l’eau est « fabriquée », il faut stocker cette eau afin qu’elle reste exempte de bactéries. Ce brevet permet, grâce à l’ozone, de faire en sorte qu’il n’y ait pas de bactéries qui se propagent dans le réservoir-machine. Les petits modèles (C3) (page 11 du diapo) sont des modèles individuels qui fabriquent jusqu’à 5 litres par jour, conçus pour des chambres d’hôtels ou des particuliers. Le modèle C8 (page 12 du diapo), qui est le modèle phare de la gamme, est adapté à une petite collectivité de plusieurs personnes. Il produit de l’eau fraîche de 7 à 10° et dispose d’un enrichissement minéral, pour éviter que l’eau ait un goût d’eau distillée, avec du potassium, du calcium, etc, contenus dans une cartouche, pour, au final, produire de l’eau alcaline qui est bénéfique pour la santé. Un des avantages de ces modèles c’est d’éviter de produire des bouteilles en plastique : il s’agit bien de la bonbonne des temps modernes. Ce modèle C8 a par exemple été choisi par l’UNESCO et a été installé dans une école pilote au Kenya. Le modèle C60 (page 14 du diapo) est le modèle de plus grande capacité du fabricant américain. Il fait 200 litres par jour et jusqu’à 300 litres, si on se rapproche de l’Equateur. Il est conçu pour un usage extérieur évidemment. Un usage extérieur parce qu’à partir d’un certain volume d’eau il est nécessaire d’avoir à disposition une quantité d’air très importante, car si la solution est disposée dans un espace fermé, même vaste, il n’y a rapidement plus d’humidité.
D’autres modèles sont quasiment industriels (page 15 du diapo) et produisent jusqu’à 10 000 litres d’eau par jour, chaque machine tenant dans un container. Ce fabricant américain, qui s’appelle SKY H²O, propose également de mettre en réseau ses containers quand il est nécessaire d’avoir à disposition plus de 100 000 litres par jour. IL convient alors de disposer ces containers en étoiles et avec 10 containers, il est possible de produire de l’eau pour une ville de 100 000 habitants. Il y a des exemples qui existent dans le monde de villes moyennes qui sont totalement alimentées par ces systèmes.
Une autre solution, intitulée « Zero Mass Water » (page 17 du diapo), (avec, pour le clin d’œil, Bill Gates et Jeff Bezos au capital), est structurée autour de panneaux solaires qui fabriquent de l’eau en utilisant essentiellement de la silice. C’est le même matériau que l’on trouve dans les petits sachets servant à garder les appareils électroniques au sec. L’avantage de cette solution, c’est qu’elle peut capter l’eau de l’air ambiant même quand il y a très peu d’humidité dans l’air. En effet, même quand il fait 40°et 10% d’humidité relative, chaque panneau peut produire jusqu’à 5 litres d’eau. Il ne s’agit pas de prototypes, mais bien de solutions réelles, déjà installées et qui fonctionnent dans le monde entier, pour l‘instant sous brevet américain. Cette société a remporté le premier prix au CES de Las Vegas il y a 2 ans.
Nous avons aussi développé un partenariat avec un fabricant français qui s’appelle AquaTéthys. Cette société fabrique des grosses machines industrielles, et, à ma connaissance, c’est le seul fabricant de la sorte en France, qui est en mesure de concevoir et produire des machines qui fabriquent des volumes de l’ordre de 3 à 10 m3 d’eau par jour. L’avantage hautement concurrentiel de cette technologie est qu’elle consomme 4 fois moins d’énergie que tous ses concurrents mondiaux. Le procédé, assez simple, consiste pour schématiser à réinjecter dans le circuit la chaleur produite comme dans un turbo de véhicule, ce qui nécessite donc moins d’énergie pour produire le froid. Ce système consomme environ 50 à 100 watt/h pour faire un litre d’eau, alors que la concurrence est plutôt sur une consommation de l’ordre des 250 à 300 watt/h.
- Quels projets ?
Voilà en ce qui concerne la technologie et les machines existantes. Concernant les projets, ils sont de l’ordre de deux, dont un sur les îles du Frioul. Grâce à une subvention de la ville de Marseille, l’association AirDrink est en passe d’installer des petites machines à la fois au chantier de l’hôpital Caroline où une soixantaine de jeunes vient travailler chaque jour sur site, et pour alimenter une ferme piscicole qui n’as pas accès l’eau potable. Rappelons qu’au Frioul, une partie de l’île n’a pas accès à l’eau, l’autre partie de l’île pouvant compter sur la canalisation venant de la ville de Marseille. Et puis il y a différentes associations qui tous les jours vont chercher de l’eau à l’aide de jerricans à la borne d’incendie des pompiers.
Le second projet se tient à Porquerolles, une île ne disposant pas d’eau en été. Elle est ravitaillée par bateau, mais avec de l’eau non potable puisqu’elle est transportée dans des cuves non stérilisés. Il s’agit d’une eau destinée à l’arrosage et à l’assainissement notamment. Il est ainsi prévu d’exposer un container sur un des sites choisis de l’ile. Ce container va produire 5200 litres par jour potable. Cette démarche a pour objectif de faire prendre conscience qu’il y a des solutions que nous n’avons pas encore explorées en France pour alimenter en eau certains endroits isolés. En ce qui concerne l’ile de Porquerolles, la solution préconisée pour l’instant et qui est en cours de mise en œuvre, consiste à mettre en place une canalisation qui part de la presqu’île de Giens et traverse la mer. Il semble que les travaux aient démarré mais vu leur état d’avancement, il y en a encore pour quelques années. Sur la diapositive (page 23 du diapo) on peut voir les tuyaux qui partent de la presqu’ile de giens, sachant que cette eau, même une fois arrivée dans les canalisations, sera rationnée. Les résidents ne pourront pas utiliser cette eau sans contraintes comme sur le reste du territoire (hors restrictions estivales).
Enfin, dernière illustration de la capacité de production en eau de ces machines, la société espagnole « AQUAER » a envoyé 1500 générateurs dans le désert du Namib en Namibie. Cet exemple vient appuyer le fait que la France n’est vraiment pas en avance sur cette démarche qui consiste à produire de l’eau, y compris en ayant recours à des flux d’énergie limités.
Je vous remercie pour votre attention !
Pierre Massis : Modérateur
Merci beaucoup Mr Gonin ! Il est en effet important de voir qu’il est possible, au-delà du traitement et de la requalification de l’eau, de « fabriquer » l’eau, d’aller la créer là où elle n’existe pas. Se posent deux questions complémentaires : Qu’en est-il de la qualité de l’air ambiant ? Qu’en est-il de la consommation d’énergie ?
Nous avons bien noté que dans la solution française cette production d’air chaud est réinjectée dans le dispositif , ce qui permet d’une part des économies d’énergie et d’autre part d’éviter d’envoyer moins d’air chaud dans l’atmosphère. Mais nous pouvons quand même nous demander ce qu’il en est de la consommation d’énergie. Je dis ça car quand nous nous étions entretenus pour préparer cette intervention vous m’aviez parlé́ de solution autonome en énergie.
Philippe Gonin : Airdrink
Oui tout à fait ces solutions peuvent être couplées à des panneaux solaires et à des onduleurs ce qui permet d’être totalement autonome et d’installer un container en plein milieu d’une zone tropicale sans accès à l’électricité non plus. D’ailleurs la clientèle principale des petites machines sont les populations qui recherchent l’autonomie en eau grâce au couplage panneau solaire/générateur d’eau.
Pierre Massis : Modérateur
Pour rebondir sur votre exemple de l’exportation de générateurs espagnols dans le désert du Namib et, a contrario, de l’immobilité française, y a-t-il des projets de partenariats qui peuvent être envisagés avec les grands opérateurs mondiaux de l’eau ? Et quel peut-être le rôle des institutions publiques en particulier de la Commission européenne qui a financé aux travers de ses programmes comme SWING de nombreux démonstrateurs ?
Philippe Gonin : Airdrink
Pour l’instant nous n’avons pas ouvert de partenariats, puisque le fabricant industriel s’est focalisé sur son outil de production. Il a simplement eu un partenariat pour un premier tour de table sur ses premiers investissements. Sur le long terme nous n’avons pas encore finalisé de partenariats, ni avec des industriels ni avec des financeurs publics.
Pour avoir accès à la présentation de AirDrink, c’est par là !