Dans la continuité de ce que nous vous avons présenté lundi 14 août, nous avons le plaisir de vous communiquer la suite des propos échangés lors du 8° webinaire de l’AVITEM qui s’est tenu le 10 novembre 2022 et dédié à la thématique :
« Acuité du défi énergie/climat en contexte euroméditerranéen »
Nous précisons qu’il vous est possible de retrouver l’intégralité des échanges de ce webinaire (des précédents et des suivants) sur la chaine You Tube du Réseau des Aménageurs de la Méditerranée. Le webinaire du 10 novembre est à retrouver en suivant ce lien :
https://www.youtube.com/watch?v=qOXHwAIWCuU&t=188s
A la fin de ce webinaire, une série d’échanges s’est tenue en guise de conclusion. Nous ne résistons pas à vous les transmettre ci-dessous :
Pierre Massis : Professeur Ahachad, lorsque vous parlez de garantir les droits fondamentaux universels, vous parlez de l’énergie, mais vous y associez également l’eau et la nourriture, ce qui est fondamental. Sans énergie, il est difficile de pomper dans les nappes phréatiques pour récupérer l’eau. Pourriez-vous en dire plus ?
Mohammed Ahachad : Question très pertinente. Avant d’y répondre, je souhaite remercier Monsieur Elie Mansour et son équipe pour les efforts qu’ils déploient pour résoudre ces problèmes que nous pourrions tous vivre un jour si nous n’investissons pas sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le mix énergétique. Nous sommes tous menacés par ce que vit le Liban actuellement, un pays d’autant plus vulnérable qu’un dollar équivaut à quarante mille livres. C’est une des raisons pour lesquelles il faut diversifier ses ressources énergétiques, profiter du potentiel énorme que représente la production d’électricité à partir des énergies renouvelables. L’efficacité énergétique permet de consommer moins, et donc de réduire les besoins énergétiques, que ce soit pour le chauffage, la climatisation, l’éclairage, etc.
Tout est lié à cette problématique du changement climatique. L’énergie est liée à l’eau, à la nourriture… c’est un indicateur de développement du pays. S’il ne consomme pas d’énergie, c’est qu’il n’est pas dans la bonne voie et rencontre de nombreuses difficultés. J’ai cité précédemment le nombre alarmant de 700 millions de personnes vivant sans électricité. Il n’y a pas d’hygiène, pas d’eau…. Plus encore dans les zones qui subissent la sécheresse. Le Maroc a récemment été subventionné par le PNUD pour lancer un programme de pompage d’eau grâce aux énergies renouvelables. Ce type de programme ne peut qu’être bénéfique pour les pays africains et les pays à même de subir des sécheresses dans les années à venir. Si nous ne travaillons pas ensemble, les problèmes continueront d’affluer notamment en Méditerranée, comme le montre le phénomène d’immigration climatique. Des centaines de millions de personnes risquent d’immigrer prochainement vers l’Europe au regard du manque d’eau, de nourriture, de travail, etc. L’efficacité énergétique est l’affaire de tous, pas uniquement des responsables. Cela nécessite bien sûr une volonté politique, un engagement gouvernemental mais aussi la sensibilisation des citoyens. Au Maroc, économiser 1% revient à économiser un milliard de dirhams, soit un million d’euros. Chercheurs, citoyens et responsables doivent s’associer.
Pierre Massis : Les auditeurs ont également réagi sur la sensibilisation énergétique, au titre de l’efficacité ou de la sobriété. Il s’agit donc de développer la coopération pour la fourniture d’énergie, mais surtout pour la recherche, le développement et l’investissement, surtout industriel.
Philippe Meunier : La Méditerranée est le cœur d’un développement solidaire. La crise énergétique, la crise climatique, cette crise multiforme nous le confirme avec des situations extrêmes, notamment au Liban où on arrive à remettre en cause et à faire face à des situations sans précédent. À l’acuité de la crise ressentie brutalement par les populations se superposent de nouvelles orientations, l’imagination du génie de la Méditerranée qui fait que l’on arrive à agir autrement. Ce moment de crise appelle à sortir vers une orientation pressentie par tout le monde en termes d’objectifs, mais qui doit être réalisée concrètement. Cela implique un certain nombre de réformes incontournables, de changements de comportements inévitables. Tout cela est très complexe. L’énergie, c’est d’abord un mix énergétique qui n’a pas de solution unique. Les solutions autres amènent toujours une situation de dépendance. L’énergie est trop importante pour notre économie et notre vie quotidienne pour s’en tenir à une seule solution. Au nord de la Méditerranée, au sein de l’UE, se trouve une conscience de plus en plus forte et partagée que la solidarité est importante.
Je terminerai en mentionnant une initiative de l’UE qui vient d’être annoncée par la Commission vis-à-vis de pays méditerranéens auxquels on ne pense pas forcément : les pays des Balkans occidentaux sur la rive adriatique, qui eux aussi ne sont pas membres de l’Union européenne, et sont dans des situations de difficulté d’accès à l’énergie et de prix extrêmement élevés de l’énergie. S’y ajoutent des dépendances historiques vis-à-vis des fournisseurs de l’Europe orientale. En conséquence, l’UE a annoncé un paquet financier afin d’appuyer la sécurité énergétique des pays des Balkans occidentaux pour aider les personnes physiques et morales qui font face à la précarité énergétique sur les frontières de l’UE.
Ce sont ces démarches de solidarité sur la Grande Méditerranée que nous souhaitons mettre en œuvre dans tous les sens, car chacun a des solutions et des richesses à apporter. Il n’est aujourd’hui plus question d’un schéma nord-sud mais d’un schéma inclusif, ce qui est la définition même de la Méditerranée.
Pierre Massis : Et puis, il est important de souligner que c’est la première fois qu’un Pavillon Méditerranéen est représenté à la COP, fruit du travail d’acteurs méditerranéens, tels que l’UpM, le Plan Bleu, l’AVITEM et bien d’autres encore.