Article de « Envies de ville » by Nexcity
Alors que l’augmentation des températures progresse, la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes cause des dommages toujours plus importants aux infrastructures urbaines, aux biens immobiliers et aux activités économiques. Comment assurer le risque climatique des villes ?
Inondations, vents violents, précipitations de grêle, épisodes de sécheresse, canicules plus précoces et plus accentuées, mouvements de terrain, submersion marine due à l’élévation du niveau des mers, selon un rapport de l’ONU rendu public en mai 2022, le nombre de catastrophes naturelles de moyenne et grande ampleur est en très nette augmentation, et pourrait s’élever à 560 par an d’ici à 2030, contre 400 en 2015.
Ces phénomènes entraînent des coûts d’indemnisation toujours plus élevés lorsqu’ils impactent les villes, qui n’ont pas été pensées ni construites pour résister à ce type de perturbations. Selon la fédération France Assureurs, les sinistres climatiques représentaient un montant d’un milliard d’euros par an à la charge des compagnies d’assurance dans les années 1980. Depuis 2016, ce coût annuel moyen a triplé pour atteindre 3 milliards d’euros et il pourrait grimper à 143 milliards d’euros dans les trente années à venir. Alors que les sinistres climatiques vont se multiplier et considérablement augmenter le coût de leurs indemnisations, comment faire face au risque qu’ils induisent ?
Assurer le risque climatique des villes
En France, la garantie Catastrophe Naturelle (CatNat) couvre déjà en grande partie les risques climatiques des villes. Les entreprises, les particuliers et les pouvoirs publics peuvent y recourir en cas de « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. » Cela inclut les inondations, les coulées de boue, les phénomènes de submersion marine, les épisodes de sécheresse, les mouvements de terrain, les cyclones et les ouragans, les séismes, et même les avalanches, le volcanisme et les tsunamis.
Cette garantie indemnise les dommages matériels directs aux bâtiments, au matériel et au mobilier, les frais de démolition et de déblais, ceux liés au pompage, au nettoyage et à la désinfection des locaux sinistrés, ainsi que ceux engendrés par les études géotechniques nécessaires à la remise en état des biens garantis. Les honoraires d’architecte, de décorateur, de contrôle technique sont également pris en charge. Par ailleurs, elle présente l’avantage d’être réassurée par l’État, via la Caisse centrale de réassurance (CCR), en cas de montants trop élevés ne pouvant être réglés par les compagnies d’assurance. Une solution qui semble cocher toutes les cases de l’efficacité.
Cependant, l’augmentation constante du risque climatique des villes nécessite de diversifier et de solidifier les systèmes de garanties.
Déployer de nouveaux outils
Des solutions innovantes, apparues ces dernières années, permettent aux assurés d’anticiper la survenue d’un phénomène météorologique extrême pour pouvoir s’y préparer et mettre leurs biens en sécurité. Avec le « Generali Climate Lab« , la compagnie d’assurance Generali propose un diagnostic personnalisé de chaque bien immobilier pour calculer son degré d’exposition au risque climatique, ainsi qu’un système de surveillance en temps réel qui alerte les assurés en cas de situation météorologique défavorable et les conseille sur ce qu’il faut faire pour limiter les dégâts matériels.
Par ailleurs, l’assurance paramétrique, notamment proposée par Axa Climate et la startup Descartes Underwriting, représente également une piste prometteuse. Ce système de garantie, qui concerne presque exclusivement les catastrophes naturelles, fonctionne grâce à un seuil de risque identifié à l’avance dans un contrat – par exemple un certain niveau de pluviométrie qui ne doit pas être dépassé – corrélé à une perte financière potentielle. Lorsque ce seuil est franchi, l’indemnisation est alors automatiquement déclenchée.
En complément, les Cat Bonds, terme que l’on pourrait traduire en français par « obligations catastrophes » – inventés aux Etats-Unis en 1994 suite aux ravages causés par l’ouragan Andrew, sont des actifs obligataires, généralement émis par des assureurs, des réassureurs ou des banques, qui visent à transférer à leurs détenteurs les risques liés à l’indemnisation des catastrophes naturelles. Les Cat Bonds représentent ainsi un nouveau modèle financier basé sur le partage du risque, qui est de ce fait nécessairement plus solide et plus résilient que les modèles classiques. Ce marché, qui a doublé en dix ans et qui dépasse aujourd’hui les 40 milliards de dollars, séduit un nombre croissant d’investisseurs.
Tous ces outils garantissent une couverture plus efficace, mais ce ne sont pas pour autant les seuls leviers à actionner.
Accélérer les transformations urbaines
Depuis la crise des subprimes en 2008 et la COP21 en 2015, et avec l’aggravation continue du réchauffement climatique, la résilience est devenue l’une des préoccupations centrales des grandes métropoles et des villes de plus petite taille. De nombreuses initiatives ont alors vu le jour pour réaménager les territoires et les adapter aux différentes perturbations produites par l’augmentation des températures, et réduire ainsi le risque climatique des villes.
Ainsi, la végétalisation permet de rafraîchir les villes, de lutter contre les îlots de chaleur, d’améliorer la qualité de l’air, de désimperméabiliser les sols pour qu’ils puissent absorber les intempéries. A Paris, le Plan Grand Chaud, réplicable à un grand nombre de métropoles, a été pensé pour protéger les citadins des chaleurs extrêmes, pouvant atteindre 50°, grâce à une cartographie des lieux de fraîcheur, la mise à disposition de stations de métro pour servir d’abris climatisés, l’utilisation de revêtements clairs pour éviter « l’emmagasinement de chaleur », la constitution de « grands espaces verts en amont des vents dominants et sur les hauteurs » et de « fermes urbaines en pied d’immeuble ou sur les toits ». Pour les villes côtières, la construction de digues et la surélévation des bâtiments permettent de diminuer les risques de submersion marine.
Ces aménagements, et tous ceux qui seront réalisés dans un avenir proche, produisent un modèle urbain plus résistant face aux catastrophes naturelles et aux phénomènes météorologiques extrêmes. D’autres solutions peuvent être envisagées. Demain, une coopération étroite entre assureurs, réassureurs, acteurs de l’aménagement urbain, municipalités, entreprises et pouvoirs publics pourrait permettre de mieux anticiper les risques climatiques et la façon de les couvrir.