Le think tank Terra Nova a publié ce 2 février un rapport sur “la ville compacte”. Dans le contexte de lutte contre l’étalement urbain, il prône une “densité vivable” adaptée à chaque contexte local.
Compétition avec les terres agricoles et forestières, atteinte à la biodiversité, vulnérabilité accrue des territoires aux inondations et aux sécheresses, affaiblissement de la capacité à absorber les émissions de carbone… : dans son rapport sur “la ville compacte” publié ce 2 février, le think tank Terra Nova rappelle les inconvénients de l’artificialisation des terres et du mouvement d’étalement urbain qui ont conduit à mettre en place des objectifs de protection des espaces naturels, jusqu’au “zéro artificialisation nette” inscrit dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021.
Quatre situations différentes sur le territoire
Pour les auteurs du rapport, ce n’est pas seulement l’accroissement démographique mais un type d’aménagement qui est en cause dans la hausse du rythme d’artificialisation de ces dernières années. A leurs yeux, le phénomène est loin d’être homogène et recouvre quatre types de situations différentes : les territoires à forte croissance démographique, qui connaissent une artificialisation importante, autour des métropoles dynamiques de l’Ouest et du Sud (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Lyon et la zone frontalière dans l’aire d’attraction de Genève), où l’extension urbaine se fait par l’extension sur l’arrière-pays ; les régions les moins attractives, qui perdent des habitants dans le Grand Est, le Centre et les Pyrénées ; les villes en perte de vitesse, comme Saint-Étienne, Limoges, Cherbourg, Tarbes, qui poursuivent pourtant leur dynamique d’artificialisation ; et un “modèle plus vertueux”, avec des territoires qui gagnent de la population sans pour autant s’étendre au détriment des espaces naturels, comme en Corse, autour d’Étampes dans l’Essonne, ou à Lodève (Hérault).
Logement : la construction neuve comme principale réponse à la demande
Les choix d’aménagement qui ont été faits “ne signifient pas la croissance de la ville au détriment des campagnes, comme on le croit trop souvent, mais plus exactement le développement des couronnes urbaines et la préférence (contrainte ou non) des ménages pour un mode de vie périurbain”, constate Terra Nova qui rappelle que 73% des espaces artificialisés entre 2006 et 2016 se situent dans des zones non tendues.
Pour expliquer l’artificialisation, Terra Nova constate que “la construction neuve reste la réponse principale à la demande de logement, au détriment de l’adaptation ou de la reconversion du bâti existant. En effet, les logements neufs coûtent moins cher aux ménages que les logements anciens rénovés dans les zones détendues”. Autre constat : si les villes centres concentrent deux tiers des emplois, elles n’hébergent que la moitié des habitants. Ce qui entraîne notamment une augmentation des distances entre les lieux de résidence et les lieux de travail : “Dans les grandes agglomérations, les distances domicile-travail se sont accrues de 10% entre 1994 et 2008 […]. Pour la France entière, les distances moyennes domicile-travail sont passées de 6 à 14,7 km entre 1967 et 2008, pour un temps de parcours stable”, notent les auteurs du rapport.
Comment rendre la densité “vivable” ?
Mais “il n’est pas facile d’inverser une orientation de long terme, qui répond en outre aux aspirations résidentielles des ménages”, reconnaît Terra Nova, d’autant que “la densité urbaine n’est pas toujours désirable”, et “au-delà de certains seuils”, “comporte plus d’inconvénients que d’avantages”. La “ville compacte” défendue par les auteurs du rapport comme contribuant à une “densité vivable” conjuguerait donc trois phénomènes : “une ville attractive, une densité bien organisée, un mélange d’activités caractérisant la qualité de la vie urbaine”.
Elle devrait réunir “une série d’objectifs différents mais complémentaires” : “limiter en premier lieu l’étalement urbain pour préserver les milieux naturels et les espaces agricoles” ; “garder la ville accueillante et répondre aux demandes de logement en continuant de construire, rénover, réhabiliter et reconstruire dans les espaces bâtis” ; “rentabiliser les investissements publics dans les infrastructures en localisant l’habitat là où les équipements sont présents” ; construire une alternative aux mobilités contraintes et aux dépenses énergétiques qu’elles entraînent ; “bénéficier des ‘effets d’agglomération’ dans la créativité urbaine et l’innovation économique”.
Une croissance urbaine adaptée à chaque contexte local
“Il ne s’agit plus, comme dans des manifestes urbains du passé, d’imaginer une ville idéale standardisée, mais de favoriser une croissance urbaine sans extension, adaptée à chaque contexte local”, souligne le think tank. Ainsi, dans le centre des villes, là où la densité est déjà forte, “il faut proposer des aérations et des respirations, pour permettre aux habitants de mieux profiter de leur espace proche et du plein air”. Dans les couronnes urbaines, où le potentiel de densification est important, il s’agit de “proposer des programmes cohérents, en réunissant des friches, en menant des opérations foncières de long terme, en allégeant la mobilité tout en préservant des espaces ouverts, des lieux publics accessibles, des lieux attractifs, accessibles au publics, des lieux d’échange, de rencontre, de compréhension mutuelle (cheminements paysagers et espaces publics, trames vertes et bleues, mobilités douces, Maisons du projet, Maisons citoyennes …)”. Enfin, pour les villes en déclin, “la densité offre des perspectives de revitalisation locale, d’attractivité grâce notamment à la concentration de l’offre de services”, estime Terra Nova. “En d’autres termes, la ‘ville compacte’ invite à penser le logement dans un continuum comprenant l’habitat, l’architecture, le paysage, la construction, l’aménagement, l’environnement, la biodiversité, la politique urbaine et la gestion des territoires de vie. L’ensemble de ces dimensions sont devenues aujourd’hui interdépendantes. Elles sont liées au quotidien, dans l’expérience et le vécu des habitants et des usagers.”