Le Réseau des Aménageurs de la Méditerranée est heureux de vous présenter la première experte qui est intervenue dans son webinaire du 8 avril.
Pour mémoire, ce webinaire est le premier d’une série de trois, destinés à traiter de la rareté de ressources emblématiques de la Méditerranée, mais aussi des solutions, traditionnelles comme innovantes, qui s’appliquent à la recherche, à la conservation et à une gestion optimisée de celles-ci. Les trois ressources que l’AVITEM a décidé d’examiner sont l’eau, l’énergie et les déchets.
Intervention Stéphanie Laronde, Directrice appui-coopération institutionnelle et technique – Office international de l’Eau
L’OIEau est une association loi 1901, d’intérêt général, qui travaille essentiellement sur quatre axes d’expertise :
- la formation qui concerne des techniciens et des ingénieurs dans le domaine de l’eau potable et de l’assainissement. Les formations sont basées à Limoges mais on fait aussi des formations à la carte dans les différents pays ;
- l’expertise sur les systèmes d’information ;
- l’appui technique et institutionnel ;
- l’animation et la direction de réseau.
L’OIEau travaille en tant qu’opérateur de l’Etat à la demande du Ministère de l’Ecologie sur des jumelages européens. Ces jumelages liés à l’eau sont des outils d’accompagnement des pays du voisinage européen et ils ont été élargis aux pays en développement pour des réformes prioritaires. En Méditerranée, nous avons plusieurs exemples de travail en commun : jumelages en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Les plus récents concernent l’Algérie avec la modernisation de l’Agence nationale des ressources hydriques et le Maroc pour lequel nous avons été sélectionnés récemment pour l’appui au Plan de gestion des risques d’inondations.
Les jumelages ont été conçus en 1998 par la Commission européenne comme un instrument d’appui institutionnel visant à aider les pays candidats à l’adhésion à l’UE à acquérir les compétences nécessaires pour adopter et mettre en œuvre le droit communautaire. Depuis 2003, l’outil est à disposition des États indépendants de l’Europe orientale et des pays de la région méditerranéenne. En 2019 une ouverture à l’ensemble des pays a été décidée et est en cours de développement progressif.
Concrètement cela consiste à « jumeler » des fonctionnaires de l’État français avec des cadres des pays partenaires pour opérer un transfert de compétence des pays les plus expérimentés sur la mise en œuvre des principes des directives européennes vers les pays bénéficiaires.
Au niveau des réseaux, un acteur important au niveau méditerranéen est le Réseau international des organismes de bassin (RIOB), créé en 1994 avec pour objectifs la mise en place d’une gestion intégrée par bassin versant et le partage d’expérience. Sa présidence tournante change tous les deux ans (elle est actuellement marocaine) et la dernière AG du RIOB a eu lieu en novembre 2019 à Marrakech. Pendant cette pandémie, nous avons réalisé beaucoup de webinaires qui ont été autant de moments riches en participants et en échanges, ce qui a permis un vrai partage des pratiques.
Le réseau international est décliné en réseaux régionaux sur les différents continents. Proches de nous, nous pouvons citer, le REMOB (Réseau Région du RIOB en Méditerranée) et pour l’Europe, l’Euro-RIOB dont la prochaine réunion annuelle aura lieu à Malte. Je souhaite mentionner également le SEMIDE (Système euro-méditerranéen d’information, dirigé par Eric Mino, qui est un de mes collègues) qui, depuis 2014, soutient le développement des systèmes d’information nationaux des pays méditerranéens auprès des différentes institutions de chaque pays, afin d’améliorer le processus d’adaptation et de planification au changement climatique.
La Méditerranée est un hot spot en matière d’impact au changement climatique avec la diminution de la pluviométrie, la détérioration de la biodiversité, et des pressions importantes, par exemple concernant les déchets. Donc quel que soit le scénario du réchauffement climatique, plusieurs axes de réflexion se dégagent de l’action de façon à :
- éviter la « mal-adaptation », c’est à dire par exemple éviter de construire des barrages mal situés ;
- mesurer le coût de l’inaction, de manière à vérifier que si on ne fait rien, les coûts seraient plus élevés que la réalisation de projets de planification, de gouvernance, de formation ;
- proposer des « mesures sans regrets ».
Il convient de se concentrer sur « les fondamentaux » comme traiter les eaux usées, gérer la demande, former les techniciens pour les services d’eau et d’assainissement, et bien sûr ne pas oublier de se référer aux Solutions fondés sur la nature, essentielles à mettre en œuvre pour mieux s’adapter aux changements climatiques.
L’OiEau porte en ce moment un certain nombre de projets, notamment des « projets eau et climat pour l’Afrique », conformément à l’engagement du Président Macron, qui visent à assurer en 5 ans le développement de 100 projets pour l’Afrique. Ces projets d’incubation sont recensés sur la plateforme disponible sur le site du RIOB (riob.org). Ce processus d’incubation correspond à l’identification, à l’appui à l’élaboration de propositions de projets, au soutien technique apporté aux porteurs de projets pour répondre aux exigences (accompagnement dans le processus de conception et de maturation des projets), enfin, à la recherche de financements à effet de levier. Avec le soutien des Agences françaises de l’eau, l’OiEau assure un appui technique en coordonnant et en assistant douze incubations au Bénin, au Burkina, au Cameroun, à Madagascar, au Maroc, au Niger, au Sénégal et le dernier qui vient d’être identifié au Malawi. Au-delà de l’investissement en temps, en connaissance et en expertise qui intègre les mécanismes d’adaptation et de résilience au changement climatique, ces actions impliquent la mobilisation et la concertation des acteurs. Comme le disait précédemment l’Ambassadeur Philippe Meunier, il s’agit de trouver des solutions innovantes au niveau local et ces projets d’incubation en sont un exemple prégnant.
Prenons l’exemple du projet de l’oasis de Tiout au Maroc. Il porte sur un développement intégré de l’agrotourisme oasien durable à partir d’une meilleure valorisation de l’eau, sachant que les Marocains ont déjà une très bonne connaissance de la gestion de l’eau et savent, par exemple, mobiliser l’ensemble des acteurs autour de l’agence de bassin de Souss- Massa. Le point commun à tous ces projets est de mettre en contact et de concerter les acteurs locaux pour trouver en priorité des solutions locales. Que ce soit dans le cadre de ces projets incubés, des jumelages ou même des projets avec les agences de l’eau, on travaille toujours au niveau du bassin ou du sous-bassin, parfois au niveau des bassins transfrontaliers, ce qui permet ensuite d’élargir à l’échelle nationale. Au niveau de l’oasis il y a une forte implication des bénéficiaires, c’est-à-dire les agriculteurs, les acteurs du tourisme et la population de cette zone semi-aride. Les principales lignes d’action de ce type de projet concernent la rénovation du réseau d’eau potable et d’irrigation, le développement de l’assainissement avec la réutilisation de l’eau et la meilleure valorisation de l’eau pour l’agro-écologie avec des cultures à plus forte valeur ajoutée.
Par ailleurs, à l’OiEau nous travaillons beaucoup avec la Commission européenne, ce qui a permis d’identifier d’autres projets, notamment listés sur le site nwrm.eu. Il s’agit par exemple de mesures naturelles de rétention d’eau comme les infrastructures vertes pour les villes, ces mesures devant permettre de favoriser la résilience urbaine avec des solutions innovantes : toitures vertes, désimperméabilisation des sols, gestion des eaux pluviales dans les quartiers au plus près localement pour éviter de surdimensionner ces systèmes d’eaux pluviales. Il est donc possible de consulter différentes mesures de rétention d’eau sur ce site.
Ensuite les autres dispositifs- que nous promouvons dans les autres pays sont les infrastructures vertes et les villes circulaires, car ce sont des concepts à développer et à prendre en compte dans les différents bassins ou sous-bassins sur lesquels l’OIEau travaille.
Pour retrouver la présentation de Stéphanie Laronde, c’est par ici