Par l’IPPR. L’Institut de Recherche sur les Politiques publiques est le principal groupe de réflexion progressiste du Royaume-Uni – Février 2023
L’incapacité historique à s’attaquer suffisamment à la crise climatique et écologique pourrait avoir des conséquences qui remettent en cause la capacité des sociétés à s’attaquer aux causes profondes de cette crise. Les vastes changements nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète et restaurer la nature doivent être réalisés dans des délais de plus en plus courts. Les investissements continus dans les combustibles fossiles créent davantage d’intérêts particuliers qui s’opposent au changement. Pendant ce temps, les sociétés sont appelées à répondre aux symptômes implacables et dommageables de la crise. Ces défis pourraient de plus en plus détourner les efforts visant à réaliser une décarbonisation rapide et à restaurer la nature.
Il s’agit d’une boucle fatale : les conséquences de la crise et l’incapacité à y faire face détournent l’attention et les ressources de la lutte contre ses causes, ce qui entraîne une hausse des températures et des pertes écologiques, lesquelles engendrent des conséquences plus graves, détournant encore plus l’attention et les ressources, et ainsi de suite. Nous décrivons cela comme un “risque stratégique” pour notre capacité collective à réaliser une transformation des sociétés qui permette d’éviter un changement climatique et écologique catastrophique.
Cette dynamique dangereuse s’étend à la manière dont sont présentées les perspectives de lutte contre la crise climatique et écologique. Nous explorons un exemple clé : le débat croissant sur la question de savoir s’il est désormais inévitable que le réchauffement de la planète dépasse l’objectif de 1,5°C convenu au niveau international. Les Nations unies ont conclu que ce n’est pas le cas et que limiter le réchauffement à 1,5°C est encore possible moyennant une “transformation rapide et systémique” des sociétés au niveau mondial. Ceux qui affirment que l’objectif de 1,5°C est irrémédiablement perdu estiment donc que de vastes changements sociaux et économiques ne peuvent pas être réalisés assez rapidement ou pas du tout – du moins dans le cadre du statu quo – ou qu’ils ne souhaitent pas voir de tels changements. Ils se prononcent également sur la manière dont les sociétés pourraient gérer les conséquences de la hausse des températures, notamment les chocs complexes en cascade et le risque croissant de déclencher des points de basculement environnementaux dangereux. Ces conséquences sont graves et devraient souligner la nécessité de rechercher des transformations qui garantissent l’objectif de 1,5°C.
Il est compréhensible que le cynisme grandisse quant aux possibilités d’atteindre l’objectif de 1,5°C. Les émissions mondiales ont atteint un niveau record en 2022. La politique climatique reste principalement axée sur la réalisation de changements progressifs, secteur par secteur, ce qui s’est avéré insuffisant. Les intérêts particuliers et les déséquilibres de pouvoir freinent l’action.
Les récits où l’on suppose que l’objectif de 1,5°C est perdu ont un impact politique sur ce qui se passe ensuite, ce qui peut encourager ou décourager les actions visant à réaliser un changement transformationnel. Le choc provoqué par le fait de penser que l’objectif est perdu pourrait, par exemple, inciter les dirigeants à exercer une pression plus forte pour réaliser des changements profonds. Ou bien, il pourrait être considéré comme la preuve qu’un tel changement est irréaliste, voire indésirable. D’une manière générale, la probabilité croissante de dépasser la barre des 1,5°C et les difficultés à réaliser des changements transformationnels peuvent être exploitées par des intérêts particuliers pour plaider en faveur de technologies sous-développées, non éprouvées et potentiellement dangereuses pour maintenir le statu quo. Pendant ce temps, des changements éprouvés et réalisables, tels que la gestion de la demande à grande échelle, qui présentent également de vastes avantages pour la santé et l’environnement au sens large, sont marginalisés ou ignorés.
Les risques résultant de la probabilité croissante de dépasser l’objectif de 1,5°C sont un exemple pratique de risque stratégique. Ceux qui cherchent à réaliser des changements transformationnels – notamment dans la politique, la société civile et les entreprises – devraient gérer plus activement ce risque. Un effort systématique est nécessaire pour faire face aux menaces et saisir les opportunités d’action environnementale rapide offertes par l’aggravation des conséquences de la crise, afin de rendre la transition verte elle-même plus résiliente. Sinon, le monde pourrait s’enfoncer davantage dans une spirale d’accélération des chocs environnementaux et de réactions défensives contre-productives.
Les auteurs proposent des réponses dans trois domaines :
– Politique : Mieux anticiper et répondre aux récits qui favorisent le report ou le blocage des changements transformationnels à mesure que les températures approchent de 1,5°C, dans le cadre d’un processus plus large de développement de récits environnementaux adaptés aux défis croissants de la crise.
– Action : Dépasser résolument l’esprit incrémentiel de l’élaboration des politiques et placer au cœur du plaidoyer les politiques susceptibles de réaliser une transformation systémique.
– Analyse : Améliorer les analyses pertinentes pour les politiques et la communication accessible des risques complexes résultant de l’aggravation de la crise climatique et écologique.
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