Nous poursuivons, à partir d’aujourd’hui, notre série « Regards croisés entre acteurs de la ville méditerranéenne », avec cette nouvelle suite de publications. La thématique de la série porte sur la conception climatique de la ville.
Ce webinaire, qui s’est tenu le 2 mai dernier, est le troisième de la série, commencée en novembre, dans le cadre d’un projet porté conjointement par l’AViTeM et Euroméditerranée. Rappelons que cette collaboration nous permet de travailler de concert sur la ville et les défis climatiques en Méditerranée, sachant que, comme l’a rappelé M. Meunier, « nous savons que les caractéristiques de notre supra-région sont différentes des autres géographies ».
Les deux premiers webinaires ont permis aux aménageurs de présenter des référentiels de climat et d’urbanisme et leur mise en œuvre, essentiels pour atteindre leurs objectifs. Or cette atteinte ne pourra se faire sans un dialogue avec les populations, les opérateurs et les responsables des collectivités territoriales.
La séance de travail a été lancée par le Directeur général de l’AVITEM, l’Ambassadeur Philippe Meunier.
Philippe Meunier : En ouverture et en lien direct avec la thématique de la session, je souhaite rappeler que la ville de Marseille a candidaté et a été sélectionnée pour participer au programme de l’Union Européenne portant sur 100 villes européennes décarbonées. C’est un événement important pour la ville de Marseille, pour les Marseillais, mais aussi pour l’ensemble de la Méditerranée, puisque nous parlons ici d’un projet en appui, en participation et en co-construction avec la Méditerranée, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire et la politique de la ville de Marseille. Je ne parle ici qu’en mon nom personnel, au nom de l’AViTeM, mais je tenais à relayer cette information.
La séance d’aujourd’hui sera centrée sur la conception climatique de la ville. Si le contexte urbain s’est manifestement obscurci dans les années récentes, la succession des crises que nous avons traversée -crise sanitaire, crise géopolitique et guerrière- donne une image de la ville qui n’est pas celle que nous connaissions il y a quelques années. La symbolique dont la ville était porteuse était la liberté, les avantages et les bénéfices de l’organisation collective. A travers les analyses et les expertises médiatiques, elle est devenue un milieu compliqué, contraint, portant responsabilité de l’amplification des crises et des changements climatiques, des problèmes liés à la sécurité alimentaire et au climat urbain, des bulles de chaleur… La ville transforme et aggrave par elle-même un certain nombre d’éléments climatiques. Tout cela fait que les atouts que présentait la ville sur de nombreux points commencent à être « pollués » -et le mot est choisi à dessein- par les inconvénients de la ville moderne telle qu’elle s’est développée.
Cette vision élémentaire de la ville en appelle à une période assez lointaine, celle du Moyen Âge. En pleine expansion des villes dans l’Europe du XIIIe siècle, une expression disait alors : « L’air de la ville apporte la liberté ». Rappelons que ce développement des villes s’était alors accompagné du développement des universités, de l’industrie urbaine, et d’un certain nombre de délivrances juridiques et sociétales dont on pensait que la ville serait toujours porteuse.
Ainsi, nous devons revisiter nos façons de penser la ville, être dans une démarche de transformation et de transition non seulement climatique, mais aussi sociale qui prenne en compte des logements abordables, des populations vulnérables et des remèdes pour, notamment, limiter l’impact du changement climatique. C’est un grand défi devant nous qui va de pair avec les questions de mobilité. Il ne s’agit pas seulement d’urbanisme ou de constructions, il s’agit de questions économiques et sociales dans son ensemble. Cela étant dit, il existe des réponses et nous sommes fiers d’oser dire qu’en Méditerranée, nous disposons d’un certain nombre de méthodes, d’outils, de gouvernances traditionnelle ou modernes, qui sont plus que jamais des valeurs de référence, voire de transposition.
Le thème que nous allons développer aujourd’hui est majeur : il joue un rôle pivot dans l’organisation de la ville. Tout ce que nous entreprenons dans d’autres domaines (valoriser les solutions fondées sur la nature, développer les espaces verts et l’agriculture en ville, adoucir les mobilités urbaines et les décarboner, etc.) n’a de sens que si les populations confirment la priorité donnée à la qualité de vie et aux immeubles eux-mêmes. En Méditerranée, de plus en plus de projets sont menés à bien sur la base de techniques traditionnelles revisitées maintenant bien connues. Les écoles d’architectures, telles que le Bauhaus, connaissent aussi un regain d’intérêt appuyé par la Commission Européenne : à titre d’exemple, la ville de Tel Aviv a développé un certain nombre d’adaptations au changement climatique en essayant d’être le plus ouvert possible. Nos amis algériens, invités lors de nos précédents webinaires, ont montré qu’il était possible de vivre avec des chaleurs qui, bien qu’inhabituelles, se propagent progressivement dans l’ensemble de la Méditerranée. Il existe des solutions qui sont promues à travers les échanges entre toutes les rives de la Méditerranée, ce qui nous permettra d’avancer. Les défis sont nombreux, c’est pour cela que ce que nous faisons ensemble est important pour la Méditerranée et au-delà.