L’attribution en 2009 du prix Nobel d’économie à l’américaine Elinor Ostrom a mis en évidence en Europe le concept de biens communs. Le travail d’enquête sur la gouvernance des biens communs conduit dans le monde par E. Ostrom fait ressortir que des hommes et des femmes peuvent être en capacité de s’auto-organiser pour gérer ensemble et sans exclusive des ressources naturelles vitales telles que l’eau et des terres agricoles.
Longtemps oubliée par les chercheurs en sciences sociales et cataloguée pour ses apports en sciences politiques plutôt qu’en économie, Elinor Ostrom a pourtant marqué l’histoire de la science économique en devenant en 2009 la première femme lauréate du « Prix Nobel d’économie ».
En 2009, Elinor Ostrom (1933-2012) reçoit le prix Nobel d’économie « pour son analyse de la gouvernance économique, en particulier des biens communs ». Cette reconnaissance est tardive dans sa carrière, elle avait été jusqu’alors très peu entendue et utilisée par la recherche en sciences sociales en France et à l’étranger. Aucune de ses recherches, d’ailleurs, n’avait alors été traduite en Français.
Souvent cataloguée plus du côté des sciences politiques que de l’économie, elle a pourtant beaucoup apporté à la discipline économique. Inscrites dans le cadre de la nouvelle économie institutionnelle, ses recherches portent sur l’action collective, la gestion des biens communs et des biens publics. Elle a remis en question les idées reçues en démontrant comment la propriété locale peut être gérée avec succès par les biens communs locaux sans aucune réglementation par les autorités centrales ni privatisation.
« Elinor Ostrom montre que la tragédie des biens communs n’existe pas, parce qu’il peut y avoir une action collective, une rationalité collective, et elle conteste donc cette théorie dominante de l’intérêt individuel présent en toute situation et qui aboutit automatiquement au bien-être collectif. Elle conteste le fait que l’action collective ne soit pas efficace, que les droits de propriété soient nécessaires à la gestion. Elle conteste tout cela en partant de la proposition d’une rationalité alternative ». – Martine Antona
Son apport à la discipline est également méthodologique : elle montre ce que l’économie est capable de faire lorsqu’elle dialogue avec d’autres sciences sociales La façon dont des communautés sont capables de prendre en charge la gestion et l’exploitation durable de ressources naturelles permet une compréhension des liens profonds entre le social et l’environnemental.
« La science économique orthodoxe est plutôt réductionniste et analytique. La complexité d’Elinor Ostrom réside dans le fait qu’il y a plus dans l’interaction des éléments que dans chaque élément séparément, et qu’on ne peut pas déduire cette interaction du résultat de chaque élément. Cela explique aussi la nécessité de l’interdisciplinarité ». – Catherine Larrère
Comment concevoir la pensée d’Elinor Ostrom et la comprendre au travers de son parcours universitaires et de ses cadres théoriques ? Pour en parler, nous avons fait appel à Martine Antona, économiste au Cirad (Centre international de recherche en agronomie pour le développement) et Catherine Larrère, philosophe et professeure émérite à l’université de Paris I-Panthéon-Sorbonne.
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