L’Observatoire des usages et représentations des territoires a poursuivi son enquête entamée il y a 3 ans auprès de 4000 Français·e·s et 3000 Européen·ne·s. Celle-ci a permis aux initiateurs de l’étude, ObSoCo et Chronos, de développer une lecture actualisée et prospective de la ville au travers des usages qui y émergent et des représentations de celles et ceux qui la vivent. Elle révélait notamment que le modèle de la grande ville perdait de son attrait auprès des individus. A l’opposé des exubérances supposées de la smart city, les Français·e·s attendent et préfigurent une ville future raisonnée, verte et gorgée de commodités à portée de marche ou de vélo.
Compte tenu du rejet des villes actuelles associées pour beaucoup à des nuisances et des congestions et face à des aspirations fortes à aller “vivre ailleurs”, la cité est ainsi invitée à se réinventer pour converger vers les nouveaux désirs et comportements de ses habitant·e·s. “La ville à portée de main” a été évoquée spontanément dans les premiers entretiens de l’Observatoire des usages émergents de la ville. La population est curieuse des alternatives et se révèle prête, en théorie, à réinventer la ville et son quotidien.
Pour cette deuxième édition, l’Observatoire des Usages et Représentations des Territoires met l’accent sur la quête de proximité et sur la manière dont celle-ci est comprise, vécue et attendue par les Français. La nouvelle enquête menée plus récemment dévoile en février dernier comment “penser les territoires autrement”.
53 % des Français aspirent à aller vivre ailleurs. Une envie, qui se renforce par rapport à 2017, gagne 5 points en deux ans et franchit ce faisant le cap de la majorité.
Confirmant les analyses de notre précédente édition de l’Observatoire, le modèle de la ville en général et de la métropole en particulier perd de son attrait auprès des individus tant il est pour beaucoup associé à un espace de toutes les concentrations (congestions, stress, pollution…). Alors que plus des trois quarts de la population française habitent en ville, ce constat interpelle.
Plus encore, ce modèle urbain trouve ses limites dans les déséquilibres du territoire. Le mouvement des Gilets Jaunes a pris racine dans la distance croissante entre les habitants et les ressources. Notre Observatoire souligne l’influence de l’aménagement du territoire sur ce mécontentement et révèle le désir de “proximités” – accessibilités du travail et des aménités et qualités des voisinages.
L’Observatoire des usages et représentations des territoires, réalisé par L’ObSoCo et Chronos en partenariat avec l’ADEME, la Banque des Territoires, Bouygues Construction et La Poste, fournit des enseignements qui permettent d’objectiver les tensions à l’œuvre dans les rapports au territoire, mais aussi les imaginaires d’urbanité, en profonde transformation. D’où l’ambition de cet Observatoire de livrer des clés pour repenser lieux de vie et manières de faire la ville, converger vers les nouveaux désirs et aspirations des habitant·e·s et créer les conditions d’une bonne, voire d’une meilleure, qualité de vie.
La densité : un enjeu majeur pour la qualité de vie
– Si 60 % des Français estiment que la densité de leur commune est « idéale », celle-ci pose problème à 40 % d’entre eux : plus d’un Français sur dix estime sa commune « trop vide » (12 %) mais surtout plus d’un quart « trop dense » (28 %).
– Cette perception de la densité s’avère jouer un rôle majeur sur l’envie d’aller vivre ailleurs. 80 % de ceux ressentant une trop forte densité dans leur commune souhaitent s’en échapper. Idem – même si les proportions sont moins massives – à l’autre bout du spectre : 61 % de ceux qui estiment « un peu trop vide » et 57 % « beaucoup trop vide » aspirent en effet à vivre ailleurs.
– De fait, la densité est au cœur de ce qui concourt à la qualité de vie. Parmi ceux qui déclarent souffrir d’une très mauvaise qualité de vie, 21 % seulement estiment que leur commune est d’une densité « idéale » quand, à l’opposé, ceux qui disent bénéficier d’une très bonne qualité de vie sont 75 % à être satisfaits du niveau de densité.
Des préoccupations environnementales reliées aux territoires
– Les inquiétudes environnementales, que l’on sait de plus en plus fortes dans l’opinion, s’articulent désormais très concrètement aux lieux de vie. Ainsi, plus d’un tiers des Français (39 %) seraient susceptibles de reconsidérer l’endroit où ils habitent en raison des menaces liées au réchauffement climatique sur leur qualité de vie.
– Par ailleurs, plus d’un Français sur deux a déjà ressenti une gêne liée à la qualité de l’air dans sa commune, concourant à établir un lien clair avec la question sensible de la santé.
L’imaginaire de la ville nature
– Dans ce contexte, et alors que la ville renvoie pour eux à un espace de toutes les concentrations, c’est bien l’imaginaire du village qui apparaît le plus attractif pour les Français : 81 % « aimeraient y vivre » (dont 45 % qui « aimeraient beaucoup y vivre »). Vient ensuite l’habitat pavillonnaire (66 % aimeraient y vivre, dont 25 % qui le souhaitent fortement), loin devant la ville futuriste et ses promesses technologiques ou la ville moderne et son organisation fonctionnelle (respectivement 27 % / 10 % et 25 % / 10 %).
La ville à taille humaine
– Pour autant et quand on creuse les aspirations concrètes des Français, un paradoxe se fait jour. Si leur idéal tend vers un environnement plutôt rural (38 % aspirent au « contact avec la nature »), à parts quasi-égales, ils souhaitent aussi les bénéfices et promesses urbaines que sont la proximité de leurs amis et famille et celle des commerces et services (respectivement 37% et 34 %), loin devant un endroit où l’on dispose de beaucoup d’espace (28 %), où l’on peut se déplacer facilement en voiture (15 %), un beau quartier (11 %) ou un endroit animé (9 %).
– Finalement, un souhait de rééquilibrage qui, lorsque l’on analyse finement les résultats, amène à constater que les Français se projettent idéalement dans une commune un peu moins dense que celle qu’ils habitent aujourd’hui.
La ville à portée de main
– La question de la proximité fait écho à celle des déplacements. Si 65 % des Français se déclarent satisfaits et qualifient de « convenables » les distances qu’ils parcourent chaque semaine pour se rendre sur leurs lieux d’activité, en revanche, 32 % les trouvent trop longues et aimeraient avoir la possibilité d’effectuer leurs activités du quotidien dans un périmètre plus proche. Le point le plus problématique étant, sans conteste, le trajet domicile-travail pour lesquels le rapport entre distance effective (50 minutes en moyenne) et distance idéale (28 minutes) se révèle très important.
– A ces éloignements peut encore s’ajouter le sentiment d’un moindre accès aux services publics : 33 % des Français ont le sentiment que le nombre de services publics a diminué dans leurs communes ces cinq dernières années (14 % augmenté, 43 % resté stable).
La ville « marchable »
– Il ressort encore de l’Observatoire un désir de repenser les types de mobilités. En effet, si la voiture est désignée comme le mode de transport quotidien idéal par 41 % des Français, ils sont cependant 65 % à déclarer l’utiliser. A l’inverse, 56 % aspirent à se déplacer davantage à pied alors qu’ils ne sont qu’un quart à le faire régulièrement. De même, près d’un tiers des Français souhaiteraient se déplacer en vélo alors que ce n’est le mode de transport principal que de 7 % seulement.
– Quant aux transports collectifs, 33 % des Français souhaiteraient les utiliser de façon privilégiée mais 19 % seulement le font effectivement.
La ville numérique se heurte en revanche à certaines réticences
– Alors que le numérique pourrait pallier un certain nombre des difficultés observées dans notre Observatoire, en complétant la proximité physique avec une accessibilité numérique, on observe des réticences voire une méfiance certaines sur ce terrain : 60 % des Français déclarent avoir déjà renoncé à l’usage d’un service numérique pour ne pas communiquer leurs données personnelles.
– Surtout, 76 % estiment que communiquer leurs données personnelles ne leur permet pas vraiment de bénéficier d’une offre plus adaptée à leurs besoins. La city ne sera donc smart que dans la mesure où elle prouvera un surcroît de bien-être pour ses habitant-e-s.
– Ce sont d’ailleurs pour les services qui permettraient d’améliorer leur quotidien (circuits courts, consommation d’énergie et santé) que les Français seraient plus disposés à partager leurs données.
Retrouvez des informations sur l’étude et sur l’Obsoco ici